GUST

7.

  Tous les regards étaient tournés vers le podium, les mannequins marchant les uns derrières les autres, dans une démarche calculée, sérieuse et hypnotisante. Les critiques observaient avec précision chaque tenue présentée, alors que les photographes mitraillaient les mannequins sous tous les angles, cherchant la plus parfaite des photos ou bien celle qui allait pouvoir se vendre le plus cher.

Le défilé Chanel était l'un des plus attendus, la marque présentant à chaque fois ses plus belles créations sur les plus belles personnes. Et encore une fois le public n'était pas déçu, il en prenait plein la vue et s'émerveillait à chaque avancée des models.

L'atmosphère sombre de la salle soulignait encore plus la beauté des hommes et des femmes sur le podium, la lumière les rendant encore plus surprenants encore. Et la salle s'exclama quand Andréas entra à son tour, portant l'une des plus belles pièces de Chanel, sa peau hâlée et son regard chocolat hypnotisant toute l'audience.

Le brun avançait d'une allure décidée, il se donnait à son maximum comme lors de chaque évènement, faisant abstraction des autres pour ne se concentrer seulement sur son attitude, toute son expression transmettant une aura d'assurance le rendant encore plus renversant qu'à son habitude.

Il avait conscience que tous les regards étaient braqués sur lui et qu'il ne devait pas décevoir le public ni même la marque. Donc il inspira de nouveau et posa quand il arriva finalement au bout du podium.

Les journalistes et invités s'exclamèrent à ce moment-là, mais rapidement Andréas s'aperçut que leur attention était brusquement attirée derrière lui.

Tout d'abord l'espagnol ne comprit pas pourquoi, mais quand il se tourna pour défiler sur le retour du podium ce fut à ce moment qu'il comprit. Il vit la source de ce nouvel élan de stupéfaction. Et bien sûr le brun n'en fit que plus agacé en reconnaissant la tête blonde qui le suivait partout depuis quelques temps déjà.

Gust marchait droit devant lui, son visage fermé, son air angélique teint sur ses traits malgré son air sérieux. Il était beau, magnifique même, lui aussi portant une des plus belles pièces de Chanel.

Et finalement Andréas comprit. Quand le garçon croisa soudainement son regard le brun comprit qu'il n'avait finalement aucune chance, que tout le monde semblait déjà l'adorer et que bientôt l'espagnol allait être oublié.

Donc le brun fit quelque chose qu'il n'avait jamais l'habitude de faire, une chose qu'il s'était juré de combattre toute sa vie, méritant sa place et l'admiration des autres. En effet il baissa les yeux, sentant tout un gouffre l'engloutir brusquement tout entier. Il se sentit perdre confiance en lui, à regretter ses premières années de mannequinat, se pensant tout à coup trop vieux pour ce monde, malgré ces seulement 26 ans.

Andréas leva cependant de nouveau son regard, finissant le défilé avec une assurance quelque peu blessée mais assez forte tout de même.

Et quand le brun disparut finalement des yeux de la foule, il soupira, la pression dans sa poitrine augmentant peu à peu. Il fuit les autres puis se mit un peu plus dans le fond, observant le monde pour lequel il vivait, qui rythmait sa vie.

Puis tout à coup Gust revint à son tour, un sourire énorme posé sur ses lèvres, ses yeux pétillant d'un bonheur ne pouvant être feint. Il paraissait si heureux, si fier de lui qu'un instant Andréas ne put le détester, se voyant lui-même lors de son premier gros défilé.

Alors quand il croisa le regard bleu-gris du garçon il ne put s'empêcher de lui adresser un sourire sincère, un peu triste mais franc. Il s'avança même vers lui et lui souffla quelques mots avant de se remettre en ligne pour retourner une nouvelle fois sur le podium.