La vie après la mort

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La sonnette retentit à l'intérieur de la maison. Un silence effrayant suit ce son. Le coeur de Hailey a cessé de battre il y a de cela deux bonnes heures. Rien d'autre que celui qui l'attend, là-bas, à Hanburg, pourra le ranimer.

La porte s'ouvre et le visage d'une femme apparaît.

Cette femme, elle ne la reconnait plus. Elle ne la connait plus. Elle ne se rappelait même plus son visage, alors la voir là, sur le pas de cette porte, est une sensation étrange. C'est comme si son visage, flou au début, s'éclaircit peu à peu. 

Elle aurait souhaitée que ce visage reste flou.

- Lena, murmure la dame avec un soulagement feint.

Elle enlace la jeune fille si fort que celle-ci laisse échapper un gémissement. La dame remercie le policier qui s'éloigne après avoir hoché brièvement la tête.

Hailey leur a tout avoué, au commissariat, ils la rendent désormais à ses parents.

Par contre, elle a dit ne pas connaître le nom de la fille qui lui a donné les faux papiers. De toute façon, Sarah a probablement changée d'identité à l'heure qu'il est.

- Oh, Lena... Ma douce Lena, tu m'as tellement manquée!

- Je te déteste.

La dame accuse le coup en reculant la tête et en fronçant les sourcils. Jamais sa "petite Lena" ne lui a parlé sur ce ton, jamais!

- Rectification de ton language, s'il-te-plait, ma chérie.

- Bien: je te déteste plus que n'importe qui en ce monde.

Les mots sont durs, elle ne les pense même pas et ils lui brûlent la langue, mais elle ne peut s'empêcher de les laisser couler à flots hors de sa bouche. Ça faisait longtemps qu'elle attendait pour déverser sa colère sur ceux à l'origine de tout ça. Maintenant qu'elle souffre d'être éloignée de Nathan, elle ne peut plus jouer la carte de la gentille. Elle doit enlever toutes ces énergies négatives, toute cette haine qui boue en elle. Et elle ne sait pas comment le faire, alors les mots sont sa seule libération. La dame semble être vraiment touchée par ces mots, mais elle se rattrape rapidement.

- Jeune fille, ce ne sont pas des choses à dire à sa propre mère!

Elle entraîne Hailey dans la maison. La femme semble déboussolée. Elle la conduit jusqu'à la cuisine, là où l'attend son père et sa soeur, et la force à s'asseoir. Jimmie, sa petite soeur, la regarde avec de grands yeux ronds. Son visage semble être marqué par les larmes. Ces dernières semaines n'ont pas dû être faciles pour elle. Pendant quelques temps, elle a cru que sa grande et seule soeur était morte. La femme est encore furieuse à propos du précédent commentaire de Hailey. La jeune fille reste silencieuse tandis qu'elle sent le regard de son père - qu'elle ne considère plus comme son père - et de sa soeur sur sa peau.

- Regarde-toi, tu as l'air d'une vulgaire prostituée avec tes cheveux mal coupés, ta teinture horrible et ton maquillage. Je ne te reconnais plus, Lena.

C'est son père - non, l'homme - qui vient de prendre la parole. La jeune fille ne répond rien en premier et finit par répliquer:

- C'est Hailey.

- Pardon? demande son père.

- C'est Hailey! dit-elle plus fort.

Sa mère répond d'un rire sec, affreux, et sa soeur baisse la tête, comme soumise.

- Tu as passé tellement de temps avec ce prénom ridicule que tu as fini par y croire toi-même! Ton prénom est Lena, un point c'est tout.

La jeune fille se lève brusquement et réplique sur un ton acerbe, la voix tremblante de colère:

- Je m'appelle Hailey et ni toi, ni lui ne pourra me dire le contraire. 

Elle se dirige d'une démarche ferme vers sa chambre, mais son père la tire brusquement par l'épaule et la force de nouveau à s'asseoir. La douleur lui arrache un cri. Jamais ses parents ne lui ont fait de mal physiquement, mais ils sont à bout, elle le sent. Ils n'en peuvent plus, ils la croyaient morte.

- Ça suffit! Tu vas nous obéir, est-ce clair? Prends exemple sur Jimmie.

- Jimmie est plus forte que vous le pensez, elle se rendra compte plus vite que moi de l'enfer que vous nous faites vivre, crache l'adolescente.

Sa mère se couvre la bouche de sa main et laisse échapper une larme. Hailey ressent un petit pincement au coeur, mais l'ignore, furieuse.. Ils lui ont enlevé tout son amour lorsqu'ils l'ont séparée de Nathan et de sa liberté.

- Je ne te reconnais plus, tu n'es plus ma petite Lena, soupire-t-elle. Qu'ont-ils fait de toi?

Jimmie semble soudainement intéressée par ce tournant de l'histoire.

- Ils t'ont touchée? demande son père.

- Ils t'ont menacée? rajoute sa mère.

- Ils m'ont aimée.

Silence. Jimmie ne cache pas l'air étonné sur son visage. De toute façon, ses parents ne portent pas attention à elle, comme ils l'ont toujours fait d'ailleurs. Leur attention a toujours été vers la plus vieille. Elle semble surprise de savoir que des gens de l'extérieur puissent être capable d'aimer. On lui a apprise que les autres humains sont remplis de cruauté et de vices. C'est en partie vrai, à vous de juger pour le reste. 

Comment des monstres sont-ils capable d'aimer? 

Le regard des parents de Hailey change lorsqu'elle leur annonce cela.

- Qui sont ces monstres?! s'exclame son père.

- Que t'ont-ils fait pour que tu mentes de la sorte?

Ils refusent de voir la vérité en face: leur fille aime plus le monde extérieur, même avec ses côtés horribles, que leur sécurité. Hailey lève les yeux et les plante dans ceux de Jimmie. S'il y a bien une personne qu'elle ne veut pas renier, c'est sa petite soeur.

- Le monde n'est pas comme ils nous le racontent Jim. Oui, il y a beaucoup de mauvais en lui, mais il y a des choses tellement belles, que tu n'en croirais pas de tes propres yeux. L'amour de quelqu'un, Jim, un amour réciproque, c'est la plus belle chose que j'ai découvert en partant d'ici.

- Assez! s'exclame son père en frappant du poing contre la table.

Il prend sa fille par le bras et l'emmène vers sa chambre. Jimmie reste silencieuse, mais ne quitte pas un seul instant sa soeur des yeux. Avant que les deux ne soient complètement séparées, Hailey murmure:

- Trouve ta liberté, Jim.