FRUITS & FLEURS 🌹 namjin

⁴ ❀ Le remède à tous les maux

L'arrière-boutique remplissait en réalité bien plus de fonctions que celles qui lui avaient été assignées en premier lieu.

Il y avait là presque autant de fleurs que dans la boutique, mais l'atmosphère y était plus respirable. Une odeur de sciure de bois prenait le relais des centaines de fragrances distillées par les maîtresses de ces lieux, et Namjoon crut ainsi retrouver un semblant de lucidité. À droite de l'entrée donnant sur l'arrière-boutique, un établi menaçait de s'effondrer sous le poids des plantes, que Jin avait sans doute dû ranger à la va-vite pour faire de la place. Les étagères en ferraille qui habillaient presque toute la surface des murs n'étaient pas en reste : celles-ci croulaient sous les pots en terre cuite, les arrosoirs, les outils de taille, d'élagage, et d'autres plantes et fleurs disposées pêle-mêle sans soucis d'esthétique. De fait, la pièce, petite, n'en paraissait qu'étrangement ordonnée, à l'inverse de son état habituel probable.

– Comme tu peux le voir, j'ai un petit problème d'espace..., commenta Jin, qui paraissait soudain se rendre compte du bordel ambiant. Heureusement toutes mes roses sont parties aujourd'hui, sinon on n'aurait pas eu de place pour nous ! Bref, rassure-toi, je ne compte pas te faire dîner dans l'arrière-boutique.

Namjoon contint une envie de faire une blague un peu salace sur le « dîner dans l'arrière-boutique ». Dix ans plus tôt, il ne se serait pas gêné pour la faire. Mais pas aujourd'hui, pas avec Jin, pas en présence de cet homme qui était loin de le laisser indifférent. Il ne voulait pas passer pour un gros lourd qui révélait sa véritable nature une fois à l'abri des regards.

Ils traversèrent la petite pièce encombrée, et Jin tira un rideau dissimulant des escaliers.

– Oh, tu habites au-dessus ? fit Namjoon.

– Oui, tu vas voir ce n'est pas très grand, mais c'est plutôt confortable pour une personne qui vit seule.

Jin ôta ses chaussures, et Namjoon fit de même. Les antiques marches en bois craquèrent et grincèrent sous leurs pas. Tout le bâtiment exhalait cette odeur enivrante de vieilles boiseries, des parfums nostalgiques au milieu desquels détonnaient Jin et sa vitalité.

Il remarqua, à la cheville du fleuriste, qui le précédait dans leur montée, une petite chaîne dorée, nouveau détail qui fit battre son cœur un peu plus fort entre ses côtes. Combien d'ornements minuscules Jin cachait-il sur son corps ? En découvrirait-il d'autres au cours de la soirée ? Sans aller dans le lascif, cela ne l'aurait pas étonné plus que ça de lui découvrir un piercing à l'hélix ou un bracelet à son poignet. Namjoon n'était vraiment plus habitué à tous ces agréments délicats.

Les fines chevilles de Jin disparurent de son champ de vision lorsqu'ils atteignirent le palier.

Effectivement, l'endroit n'était pas grand. L'étage avait été aménagé en studio, petit et étroit, mais fort coquet, à l'ambiance bohème, bien loin des appartements modernes et minimalistes aux couleurs crème de la plupart des foyers coréens. Namjoon devina que la porte entrouverte sur sa droite cachait une chambre, et celle qui lui faisait face une buanderie.

– Tu peux te débarrasser de ton manteau, lui indiqua Jin en lui désignant le porte-manteaux fixé au mur, et déjà chargé à bloc de diverses vestes et écharpes.

Tout content de retirer sa parka dans laquelle il commençait à avoir chaud, Namjoon s'efforça gauchement de se dévêtir. Le petit couloir qui permettait d'aller et venir d'une pièce à l'autre était exigu, aussi il eut un peu de mal à faire glisser son manteau sur ses épaules sans se cogner le coude contre le mur. Maladroit qu'il était, cela se produisit. Évidement. Namjoon pesta intérieurement. Et puis surtout, il y avait le regard de Jin voletant sur lui, pas plus lourd qu'un papillon mais qui, pourtant, pesait sur lui, l'engonçait dans la carapace d'un comportement qui ne lui était pas du tout naturel. Il les sentait là, ses doux yeux posés sur lui pendant qu'il lui tournait le dos. Il devait le trouver bien ridicule, à le voir galérer comme un gamin pour enlever un manteau.