Jour 30

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Les cours ont repris. Sébastien et Fabien sont redevenus comme avant. En ce début de journée, nous étions dans la cour, le groupe habituel, à discuter de tout et de rien. C'est alors que deux types du clan dit des « geeks » sont venus vers moi.

— T'es un sacré connard quand même.

Sur le moment, je n'ai vraiment pas su comment réagir. C'est Sébastien qui s'est interposé. C'est sympa, dans la vie, de toujours avoir un homme fort prêt à prendre ma défense.

— Tu cherches à te faire frapper ou quoi ? Pourquoi tu traites mon pote de connard ?

— Jérémy allait te la rendre ta clé USB, pas la peine de l'envoyer à l'hôpital pour ça.

— Jérémy est à l'hôpital ?

— Ouais, ne fais pas le malin, tu le sais très bien.

— Comment il va ?

— Tes potes l'ont sacrément amoché. On a cru qu'il n'allait pas passer la nuit.

— Mes potes ? Je ne comprends rien du tout.

Ils se sont éloignés, sans donner plus d'explications. Sans doute qu'ils n'avaient rien de plus à dire. Les regards se sont tournés vers moi, mais je n'avais vraiment pas d'explication non plus. Et puis, Cyril s'est approché de notre groupe. Il a déposé la clé USB dans ma main.

— Mission accomplie.

Je n'ai pas su quoi dire, quoi faire, comment réagir. À cet instant précis, tout était confus dans ma tête, je ne réussissais pas à associer les pièces du puzzle. Ou peut-être que j'avais peur de comprendre.


Je n'ai pas pu me concentrer de toute la journée. J'ai essayé d'envoyer des messages rassurants à Steven, mais je sais qu'il arrive à sentir quand je ne vais pas bien. C'est une sorte de don, chez celui qui nous aime, de réussir à décrypter ce que l'on ressent vraiment sans qu'on ait à le dire. J'ai écourté le passage au café avec mes potes pour rapidement rejoindre mon petit ami. Pour tout lui raconter, évidemment. Seul lui connaît l'intégralité de mon histoire.

— Merde, tu es tombé sur quelqu'un de dangereux.

— Un homophobe ?

— Il faudrait définitivement trouver un autre mot. Parce que littéralement, ça veut dire « la peur de l'homosexualité », en réalité c'est plutôt de la haine.

— La haine en latin, c'est « odium ». Homodium, ça fait bizarre.

— Il va falloir que tu deviennes un peu plus pote avec Cyril.

— Quoi ? Je ne veux pas. Je ne pourrai plus être naturel devant lui, sachant ce qu'il a fait. C'est dangereux.

— Je sais, Mathieu. Il faut pourtant savoir pourquoi il a fait ça. Si c'est Jérémy qui est homo ou Cyril.

— Je ne te suis pas.

— Les homosexuels refoulés sont les pires homophobes. Jérémy a essayé de te faire du mal, avec un chantage malsain. Ça peut être interprété comme un moyen de détourner l'attention, de chercher à ridiculiser un homo pour cacher sa propre homosexualité.

— Je ne pourrais pas dire ce qu'il est. Je ne l'ai jamais vu avec une fille, sauf que ce n'est pas une preuve fiable.

— Cyril, lui, avec ses potes haineux, aime l'idée de tabasser des gays. Ça aussi ça pourrait être le signe qu'il refoule son homosexualité. Quand on est refoulé, on devient agressif.

— Je n'ai plus envie de lui parler.

— Si tu ne lui adresses plus la parole, il va immédiatement comprendre pourquoi et il y a un risque que tu te fasses tabasser à ton tour.

— Je ne vais tout de même pas le remercier.

— Non, évidemment. Force-toi à croire qu'il a fait ça pour récupérer ta clé USB.

— Ça pourrait être la vraie raison.

— Il aurait juste eu à lui faire peur. S'il l'a envoyé à l'hôpital, c'est qu'il y a une autre raison, plus profonde.

— Je ne sais pas si j'en aurais la force.

— Bien sûr que si, tu es le plus fort des hommes !

Quand les paroles ne sont pas assez rassurantes, les bras de Steven m'enlaçant prennent le relai et soudain, je me sens bien.


Le journal de Mathieu (4)Where stories live. Discover now