Le journal de Mathieu (4)

Jour 31

Je ne le précise que lorsque quelque chose d'important se produit, mais il ne faut pas oublier que presque chaque week-end nous organisons une soirée. Pour se retrouver entre amis, pour danser, rigoler, picoler, fumer. Hier soir, la fête se déroulait chez moi. Mes parents étaient enthousiastes, surtout à l'idée de rencontrer mes amis. Sébastien est venu me voir, une heure avant les autres. Il est entré dans ma chambre, a fermé la porte et m'a ordonné de m'asseoir sur le lit.

— Qu'est-ce que tu as demandé à Cyril ?

— Rien, en fait. C'est lui qui m'a posé la question. Il voulait savoir si Jérémy m'avait rendu ma clé USB. J'ai juste dit la vérité, je ne lui ai rien demandé.

— C'est de ma faute, j'aurais dû te mettre en garde. Cyril fait partie de notre groupe, mais juste au lycée. À l'extérieur, il a des potes beaucoup moins fréquentables.

— Vous le savez et vous l'acceptez quand même ?

— On ne vit pas dans le monde des Bisounours, Mathieu. Dans la vraie vie, on ne se met pas à dos un mec comme Cyril. Il sait que nous l'acceptons dans le groupe parce qu'il est dangereux de le refuser. Il fait semblant d'être ami avec nous, mais ses vrais potes, ce sont quasiment des criminels. Il fait partie d'un gang. Pas comme ceux que tu imagines.

— Explique.

— Réfléchis. On vit dans les beaux quartiers. Nous ne sommes pas des enfants d'une banlieue dangereuse où même la police n'ose pas mettre les pieds. Cyril fait partie d'un gang formé de gosses de riches. Ils ne sont pas moins dangereux. Leur principale activité, c'est la drogue.

— Des dealeurs ?

— Oui, Sébastien. Tu crois que l'herbe qu'on fume dans nos soirées vient d'où ? C'est Cyril qui nous fournit. Évidemment, pour lui, nous ne sommes que du menu fretin. Il deale des substances beaucoup plus fortes, auprès des autres gosses de riches.

— Pourquoi il a voulu devenir mon pote ? Pourquoi il va jusqu'à faire de la boxe avec moi ?

— Je ne connais pas ses intentions, mais tu dois te méfier. Il ne faut surtout pas s'en faire un ennemi. Par contre, trop s'en rapprocher est dangereux aussi.

— Super !

— Je m'en veux tellement de ne pas t'avoir prévenu. Je pensais que j'avais encore le temps, je ne pouvais pas imaginer qu'il t'aborderait aussi rapidement et explicitement.

— Il ne viendra pas ce soir.

— Non. Il ne participe pas à des fêtes « pour bébés », comme il dit, ce qui signifie : sans cocaïne. Le week-end, il bosse pour son gang, il faut approvisionner les gosses de riches.

— Maintenant, je flippe.

— Toi aussi tu fais partie d'un groupe. J'espère que tu as bien compris que l'équipe de natation est plus qu'un club de mecs qui se retrouvent pour nager. On veille les uns sur les autres, ne t'inquiète pas. Maintenant, il faut savoir pourquoi Cyril t'a approché. Dans sa tête, il t'a rendu un service en fracassant Jérémy. Il veut sans doute quelque chose en retour.

Difficile de faire la fête après ça. Surtout le temps que mes parents sont restés pour faire la connaissance de mes amis. Ça a duré à peu près une heure. Dès qu'ils sont partis, pour nous laisser entre jeunes, nous avons sorti les alcools forts. J'en ai rapidement abusé pour que ma tête tourne et que j'oublie un peu toute cette histoire avec Cyril. J'aurais tellement aimé que Steven soit présent. Ça aurait été étrange qu'il participe à une fête d'ados. Heureusement que nous avons les SMS illimités pour rester en contact permanent.