Ne m'oublie pas

Chapitre 2

Le réveil sonne assez tôt ce matin, bien que fatiguée, je préfère profiter au maximum de mes journées. Aujourd'hui, je vais découvrir les alentours, c'est important de connaitre les lieux avant de s'installer complètement. Je quitte mon appartement et parcours les rues près de chez moi, je passe devant plusieurs monuments historiques, un parc, puis j'arrive – je crois bien – au centre-ville. Là, s'étendent de nombreuses boutiques sur une place bondée de monde. J'entre dans l'une d'elle, une boutique de musique qui vend albums et instruments de musique. Je me précipite vers le rayon albums latinos, heureuse de pouvoir enfin toucher des albums que je peine à trouver en France. Je fouille le rayon tout entier, passant de Daddy Yankee à Nicky Jam, de Maluma à Yandel. Je tombe aussi sur des chanteurs qui me sont totalement inconnus. Enfin, du côté reggaetón, non, je les connais tous. Je suis très tentée d'en acheter un, mais si je commence maintenant, j'y laisserai rapidement une fortune. Je sors de la boutique et me promène sur la place. La plupart sont des magasins de vêtements ou des bars et restaurants. Je trouve aussi une boutique de livres, ce qui m'intéresse fortement car j'aime lire et je n'ai encore jamais lu de livres en espagnol. Je m'autorise à y faire un petit tour. Je me dirige vers le coin jeunesse à la recherche de noms intéressants. J'y trouve forcément des livres tels que Harry Potter ou Twilight. Mais je trouve aussi quelques auteurs espagnols. Mais je n'ose toujours pas dépenser mon argent maintenant. Déjà, je dois absolument me trouver un travail avant le début des cours. Autrement, je ne tiendrai pas l'année. Serveuse dans un bar ou caissière dans un petit supermarché me suffirait amplement. Mais comme je l'ai dis, aujourd'hui, je flâne.
Après avoir fait le tour de la place, je quitte les lieux et vais me balader dans les rues voisines. Ce n'est tellement pas naturel pour moi de croiser des gens sortir des bars, leur verre à la main, parlant haut et fort en espagnol. Mais cela me plaît bien, ça donne une ambiance joyeuse et dynamique au quartier. Chose que l'on ne trouve pas en France, les gens sont bien trop fermés et casaniers pour faire cela.
Soudain, j'entends des cris de joie venant de la rue voisine. Par curiosité, je m'y rends pour connaître la cause de cette hystérie. Toutefois, j'arrive trop tard, le calme s'est installé; et au loin, j'aperçois des filles sautiller, brandissant un morceau de papier. Ont-elles rencontré quelqu'un de connu et réclamé un autographe ? Je l'ignore, car aucun visage ne m'est familier ici. Je croise par accident le regard d'un garçon un peu plus âgé que moi, qui se tient debout sur le bord du trottoir depuis tout à l'heure. Je perçois une once d'incompréhension dans son regard mais il m'offre un sourire avant de porter son attention sur son téléphone. Peut-être devrais-je m'adresser à lui pour me renseigner sur les lieux intéressants à visiter dans le coin. Il ne semble pas méchant après tout.
Peu sûre de moi, je m'avance vers lui et demande timidement en espagnol:
- Excusez-moi, je peux vous demander un renseignement ?
Le garçon pose de nouveau son regard intrigué sur moi.
- Oui bien-sûr, me répond-il en français avec un clin d'œil.
Quel était le pourcentage de chance que je tombe sur un français ?
- Je viens tout juste d'arriver ici et j'avoue être un peu perdue. Vous connaissez des endroits sympas à visiter ? le questionné-je, un peu troublée.
- À vrai dire, tout est sympa à visiter ici. Cela dépend juste de ce que vous recherchez.
C'est là que je détecte un léger accent dans sa voix. Un accent espagnol. Je crois que j'avais encore moins de chance de tomber sur un espagnol qui parle le français à la perfection, et pourtant, il est bien en face de moi.
- Je ne sais pas trop ce que je recherche, j'ai juste envie de découvrir la ville, répondis-je en me sentant légèrement agaçante. Tu parles super bien français pour un espagnol, ajouté-je.
- Ma mère est française, me sourit-il. C'est un avantage pour apprendre une langue.
- Effectivement, répondis-je.
A ce moment précis, j'oublie la raison pour laquelle j'ai engagé la conversation, je ne sais pas où cette discussion me mène mais, le point positif c'est que je me sens moins seule. Car je ne connais encore personne ici, je ne le connais pas non plus, lui.
- Je peux t'emmener dans un bar si tu veux, me propose-t-il.
- C'n'est pas un peu tôt encore ? rigolé-je.
- Quoi ? Tu m'as demandé des endroits sympas, non ?
- Je ne m'en sors pas trop mal finalement, je rencontre mon nouveau guide, qui en plus de ça parle français, dès le premier jour.
Nous nous mettons en route vers ce bar en question, en silence. Je me rappelle soudain de ce que ma mère m'a dit avant de partir: "Ne fais confiance à personne." Devrais-je l'écouter ? Mais si je ne fais confiance à personne, je ne peux pas non plus avancer. Je veux dire, les gens ne sont pas tous méchants, si ?
Sur le chemin, je perçois un détail intriguant: plusieurs personnes qui, passant à côté, nous dévisagent. Ce ne sont pas des regards méchants mais plutôt surpris; cela me met mal à l'aise. Je n'aime pas que les gens m'observent. Surtout lorsque j'ignore pour quelle raison ils le font. Certains se décident même à prendre des photos.
- Viens, c'est par là, dit-il en passant en vitesse dans une petite ruelle.
- Pourquoi les gens semblaient étonnés de nous voir ? questionné-je mon guide.
- Je ne sais pas, je ne comprends pas non plus, répond-il, les sourcils froncés.
Cette scène était vraiment étrange. Cela m'inquiète un peu.
Nous nous arrêtons devant un bar, dans cette même ruelle peu peuplée. Cela semble plutôt calme par ici, c'est un bon point. Toutefois, c'est peut-être un peu loin de chez moi. J'ai beaucoup marché pour venir jusqu'ici.
- J'ai l'habitude de venir ici, m'explique-t-il. On s'y sent vraiment comme chez soi.
A l'intérieur, je découvre un petit bar rustique, tenu par un homme d'un certain âge. Des tabourets sont alignés le long du bar, certains déjà occupés par quelques personnes et leur boisson. Dans le reste de la salle sont réparties des tables et des fauteuils où les gens peuvent s'installer pour commander à manger. Il n'y a pas grand monde; nous sommes mardi après tout, les gens travaillent.
- Pablo ! Comment tu vas mon grand ? s'exclame le barman.
- La forme et toi ? répond mon guide.
Il s'appelle donc Pablo.
- Gloria me fait encore la gueule mais je garde le sourire, rit le barman avant de poser son regard sur moi. Qui c'est ?
- C'est..., commence-t-il avant de se tourner vers moi. Comment tu t'appelles ?
- Krystell.
- Ravi de faire ta connaissance Krystell, me répond-il. Tu as une boisson préférée ?
- J'aime bien les mojitos, mais sans alcool. Je ne touche pas à l'alcool.
Le barman m'offre un grand sourire avant de préparer mon mojito sans alcool et de poser une boisson en face de Pablo. Ce dernier attrape son verre et le lève dans ma direction. Je fais de même.
- Tu t'y prends un peu tard pour tes vacances, me dit-il avant de boire une gorgée.
- En fait, je ne suis pas en vacances, expliqué-je.
Pablo lève un sourcil en signe d'incompréhension.
- Je suis ici pour mes études. Je compte valider ma dernière année de licence ici.
- Alors tu restes en Espagne pendant un an.
Je hoche la tête.
- J'avoue que je me sens très dépaysée et un peu perdue du fait que je ne connaisse personne mais c'est un projet qui me tient à cœur.
- Tu ne connaissais personnes, je suis là moi, me corrige-t-il.
- Et tu fais quoi toi dans la vie ?
Il prend un moment de réflexion avant de me répondre.
- Je voyage. Dernièrement, j'ai entrepris un voyage en Amérique. Je suis rentré depuis peu.
- Et tu ne travailles pas ?
- Mon travail, c'est de faire ressortir le meilleur de mes différents voyages.
Je ne comprends pas tout à fait ce qu'il veut dire par là mais ne m'attarde pas sur la question.
- Et donc, tu as déjà planifié ta prochaine destination ou tu t'accordes une petite pause ?
- Je suis entrain d'y réfléchir. Et toi, pourquoi avoir choisi l'Espagne ?
- C'est un pays que j'admire beaucoup et que j'aimerais connaître un peu mieux. Je n'ai jamais pu le visiter avant aujourd'hui.
Pablo sourit, mais sans me regarder. Comme s'il souriait à lui-même. Nous restons silencieux, appréciant le moment. J'en profite pour réfléchir à ce que je compte faire les prochains jours. J'aimerais visiter quelques monuments, aller à la plage et me faire une journée shopping avant d'aller en cours.
Je finis par sentir la faim monter dans mon estomac. Il est vrai que je n'ai pas encore mangé ; je jette un coup d'œil à ma montre: 15h26. Effectivement, je peux comprendre ma faim mais ne souhaite pas la rassasier. Si mon guide peut me proposer une autre activité, j'en serais ravie.
Je m'apprête à lui demander, mais suis devancer par le barman:
- Alors, tu nous chante quelque-chose aujourd'hui ?
- Non, pas aujourd'hui Alberto, je vais devoir y aller. Mais peut-être la prochaine fois.
- Pas de problème mon garçon, la porte t'est grand ouverte.
Pablo serre la main du barman avant de poser son regard sur moi. Je ne sais malheureusement pas l'interpréter et ne sais pas s'il veut que je le suive ou me au revoir.
- Je te ramène au centre-ville, tu retrouveras ton chemin à partir de là ? me demande-t-il.
- Oui, je crois que je pourrai m'en sortir.
Nous quittons le bar et retraçons chemin dans l'autre sens. Je suis très contente d'avoir fait connaissance avec ce garçon, il est très sympathique et m'a vraiment fais sentir chez moi ici. Ce serait un plaisir de recroiser son chemin. Arrivés sur la place qui m'est à présent plutôt familière, nous nous arrêtons près d'une voiture que je présume être la sienne.
- Je te souhaite une bonne année en Espagne du coup, me dit-il en souriant.
- Merci.
Pablo ne dit rien d'autre, et entre dans sa voiture. Je le regarde démarrer son moteur et quitter son emplacement. Il s'éloigne progressivement, et je ne bouge qu'au moment où sa voiture disparaît définitivement de ma vue. Ne sachant pas quoi faire de plus de cette journée, je rentre chez moi et appelle ma mère via Whattsapp. Je ne lui parle pas de Pablo, et lui raconte ma journée en détail sans mentionner son nom.
Après cela, j'entre dans ma chambre et organise mes affaires de cours. Il vaut mieux s'y prendre à l'avance, comme ça s'il manque quelque chose, j'aurai encore le temps de les acheter. Aussi, il faut vraiment que je trouve du travail au plus vite. A vrai dire, j'ai déjà une petite idée en ce qui concerne ce sujet; je vais postuler en tant que serveuse dans un bar, ça s'est définitif. Où, je pense savoir. Demain, j'irai poser ma candidature.