Le Nouveau Miracle

Le Cadeau du Roi

Le château était plein à craquer. De tous les côtés, des servantes s'affairaient pour que tout le beau monde ait à boire et à manger. Dans toutes les directions et où qu'on posât le regard, les déplacements pressés des habitants de la ville et de tous les comtés alentours témoignaient de l'importance de l'événement : le Prince allait se marier.

Pour Eadwin, rien de tout cela ne lui semblait réel. Il y a deux jours à peine, il se rendait tranquillement à ses leçons d'escrime et voilà qu'aujourd'hui, il allait devoir se présenter à ses parents, en face de l'autel à côté de celle qui deviendra sa femme. De celle qui deviendra la Princesse.

Le nom de cette jeune fille ne s'était toujours pas imprimé dans son esprit. Même s'il comprenait l'importance d'une telle union, le sens profond de cet amour lui resterait à jamais inaccessible. En tant que futur Roi, il devait renoncer à cette forme de beauté dont il entendait si souvent parler.

Et enfin, l'heure sonna. Les coups de la cloche prévinrent d'un même son tous les attendant que la cérémonie allait commencer.

Eadwin attendait, debout sur les trois marches de pierre au centre du grand édifice qui constituait le temple. Sa fiancée n'était pas encore apparue, et c'est cette attente qui le torturait le plus. Il posa son regard sur toute l'assemblée tenue devant lui, tous ces gens qu'il ne connaissait pas. Au premier rang à droite, Ider continuait de sourire bêtement. Depuis qu'il était entré, il avait gardé cet air d'extase permanent qui lui avait valu plus d'un regard interloqué de ceux qui le remarquaient. Sur le rang de gauche, Orpale, souverain de tous, se tenait droit. Et à ses côtés, le Maître Mage Haymeth conservait la même prestance. La troisième personne de ce banc était une très jolie jeune femme qu'Eadwin n'avait encore jamais vu. Pourtant, ses traits lui paraissaient familiers, sans qu'il ne sut expliquer la raison.

Et puis soudain, retentissant triomphalement et emplissant l'espace d'une détonation majestueuse, les trompettes signalèrent l'arrivée de la future Princesse. L'écho répéta toutes les notes jouées, et enfin, les portes en bois s'ouvrirent pour laisser apparaître une robe d'un jaune éclatant.

Les reflets du soleil parvenaient à rebondir depuis l'extérieur sur ce habit de noces, faisant rayonner sa porteuse de mille feux. Des spirales dorées tombaient gracieusement de part et d'autre de son corps élancé, et le tissu bouffant s'emmêlait à ses pieds dans une forme nuageuse.

Le temps qu'il lui fallut pour s'approcher de l'autel parût s'étirer. Eadwin ne quitta pas des yeux cette forme somptueuse qui s'avançait vers lui. Et quand, enfin, l'instrument porteur de paix se plaça à sa gauche, il comprit qu'il ne pourrait jamais en tomber amoureux.

Les raisons qui les unissaient ne seraient jamais celles de l'amour. Et même s'il savait que son père considérait que ce sentiment n'était pas pour ceux de sa caste, Eadwin restait persuadé qu'il n'arriverait pas à faire semblant d'aimer.

Pourtant, c'était là son devoir. Faire croire à ce peuple que deux être allaient s'unir pour toujours. Mais les apparences restent ce qu'elles sont, et pour le Prince, son cœur restait toujours inassouvi.

La musique cessa, et le silence emplit l'autel. Pouvoir palper ce vide grandissant donnait à Eadwin une sensation de vertige. Il pouvait entendre le moindre toussotement, chuchotement, éternuement. Tous ces petits sons étaient amplifiés pour ses oreilles qui ne voulaient certainement pas entendre la suite des événements.

« Eadwin Magencien, voulez-vous prendre pour épouse Amayelle ? »

Le Prince cligna plusieurs fois des yeux, incapable de reprendre ses pensées.

« Pardon ? »

Le prêtre qui officiait la cérémonie, allait s'adresser à la sublime femme à la droite d'Eadwin, quand il prit conscience de la réponse de celui-ci. Son visage réussi à exprimer à la fois à la fois un étonnement et un désarroi. Il n'avait probablement jamais eu ce genre de réaction.