Le Nouveau Miracle

S'Écarter du Chemin

Aurore venait de terminer une micro-sieste pour reprendre quelques forces avant d'engager le combat. Si tout se passait selon ses estimations, elle n'aurait pas à se dévoiler avant le moment fatal. Car elle voulait rester anonyme, au cas où les choses dérapaient. Si sa cible ne connaissait pas l'identité de son agresseur, il aurait plus de mal à le retrouver. Oh, bien sûr, il serait sur ses gardes pour la prochaine tentative, mais sans connaître précisément le danger.

De toutes manières, il n'y aurait pas de deuxième tentative. Une seule suffirait. Elle avait été entraînée pour cela.

Elle avait été entraînée pour beaucoup de choses, mais elle n'excellait pas forcément dans toutes ces disciplines. Son maître lui rappelait sans cesse qu'il fallait qu'elle soit patiente, qu'elle avait encore quelques années devant elle pour parfaire ses compétences.

Bien sûr, elle ne remettait pas en question ses affirmations, mais cela ne l'empêchait pas de se maudire chaque fois qu'elle ne réussissait pas l'une des épreuves qu'il lui avait confié.

Ce qu'elle avait du mal à maîtriser ces derniers mois, était d'analyser un inconnu le plus vite possible. Son maître l'avait faite s'entraîner dans les rues de la ville, en commençant d'abord par des personnes qu'il connaissait. Il voulait qu'elle fasse des suppositions sur ces gens, simplement en les regardant. Ils s'étaient alors assis sur un banc, et observaient les passants. Par moments, son maître lui désignait l'un d'entre eux, et elle devait le décrire. Tous les détails étaient importants. La première fois qu'elle avait joué à ce jeu, elle avait passé toute l'après-midi à décrire l'un des serveurs du bar qui se trouvait en face d'eux. A chaque fois qu'elle pensait en avoir fini, son maître lui donnait une piste qu'elle n'avait pas exploré, et elle repartait en décrivant le même individu, mais de différentes manières.

La plus facile était de décrire ses habits. Puis elle se mettait à observer son corps. Puis ses gestes, puis sa parole, puis son vocabulaire, puis ses réflexes, puis ses erreurs, puis ses yeux... Des détails, des détails, encore et encore. Son maître s'abreuvait de détails et en voulait toujours plus. Il n'était satisfait que lorsqu'elle avait épuisé sa salive et ne parvenait plus à aligner deux pensées cohérentes à la suite.

L'étape qui avait suivit lui avait paru encore plus idiote. Car une fois qu'elle avait terminé sa description, son mystérieux précepteur lui ordonna de faire des suppositions à partir de tous ces renseignements qu'elle venait d'obtenir. Ne s'en rappelant pas la moitié, Aurore dû recommencer plusieurs fois le premier exercice avant d'enfin commencer le deuxième.

Mais cela était extrêmement compliqué ; elle devait faire preuve d'imagination. Et ce n'était pas une chose à laquelle elle était habituée. Normalement, elle se contentait de laisser son maître lui donner les consignes, et de les exécuter du mieux qu'elle pouvait. Jamais il ne lui avait demandé ce genre d'exercice.

« Cela va entamer la deuxième partie de ton apprentissage, ma chérie, s'était-il exprimé lorsqu'elle lui avait répondu que le travail qu'il venait de lui demander était beaucoup trop difficile pour elle. Agir est facile, une fois que tu as assimilé les leçons. Mais un Assassin n'est pas uniquement un soldat chargé d'exécuter les ordres qui lui ont été donnés. Un Assassin doit être capable de penser, de réagir, de s'adapter ! Mais cette étape requière d'avoir un cerveau ! et de s'en servir ! Et crois-moi, chérie, ce n'est pas donné à tout le monde de nos jours... »

Et justement, elle était en plein dans cette deuxième étape dont parlait tant son maître. De ce qu'elle avait compris, cela lui tardait d'arriver à ce moment de son apprentissage :

« Concevoir un outil et lui donner une forme procure un sentiment de plénitude à celui qui l'a créé. Mais voir son œuvre se transformer sous ses yeux en une créature capable de s'utiliser par elle-même donne à son créateur l'impression divine d'être le père de cette chair. »