Chapitre XXXXI

117 6 0
                                    

La troisième étape sera la colère. Tu voudras tout faire pour me retrouver comme avant. Tu en voudras à tout le monde parce que tu te rendras compte que ça n'arrivera pas... Je pense que tu m'en voudras même à moi. Tu me détesteras de partir, de baisser les bras mais je n'ai plus de force...

 

« - Vous voulez quoi ?

- Un gin tonic. »

          Il est exactement quatorze heure trente. C'est un début d'après-midi tout à fait normal si on exclus le fait qu'Harry est dans un lit d'hôpital, que je suis assise à un bar prête à me bourrer pour oublier ma rage, que mon meilleur ami me déteste, que ma meilleure amie ne me parle plus, que mon autre meilleure amie est en France, que mon petit ami croit que je veux mourir, que ma mère vient de repousser son mariage pour se concentrer à sa fille. A part tout ça, je vis un après-midi commun à toute personne normale.

« - C'est un peu tôt pour boire non ? »

          Je lève la tête vers le jeune homme en face de moi. Il est roux mais contrairement à ce qu'on peut penser, il est assez mignon, il a des yeux verts, les mêmes qu'Harry... Il me fixe comme si son regard allait me dissuader de boire. Si ça avait été le beau bouclé, je n'aurais surement pas répondu :

« - Et alors ? Je fais ce que je veux ! »

          Il hausse les épaules en déclarant forfait et me sert mon verre. Lorsque le liquide se trouve en face de moi, je mets un certain temps avant de le gouter. C'est un peu comme un péché défendu, celui qui nous tente mais qu'on a peur de gouter.

« - Tu t'appelles comment ?

- Tu ne me reconnais pas ? Dis-je surprise.

Je devrais ?

- J'ai participé à x-factor, je suis sortie à deux semaines de la fin.

- A oui ! Bree Davis non ?

- Bee. Mais sinon, oui c'est ça.

- Pardon, je ne suis pas doué pour retenir les noms. Sans vouloir être indiscret, qu'est-ce qu'une star de la chanson fait dans un bar de si bonne heure ?

- J'attends que le temps passe. »

          Il hoche la tête, peu convaincu et retourne à son travail. Je fixe mon verre, jouant avec, passant mes doigts sur le contour mais ne touchant jamais au liquide.

Tu sais Bee, tu dois savoir qu'on n'est pas à plaindre tous les deux. Je veux dire, on a une belle vie quand même, on a réalisé nos rêves, on a connu l'amour, la vraie amitié. T'as réussi à faire le deuil de ton père. J'ai réussi à accepter ma mort. Quand je serais plus là, tu vas avoir un vide et j'en suis désolé, mais tu vas te relever, parce que tu es exceptionnelle. Tu te relèveras de la manière la plus humble du monde. Pour moi, pour Niall, pour Sawyer, pour ta mère, mais avant tout pour toi...

 

          J'entame mon dixième verre, ou peut-être mon onzième. J'ai arrêté de compter. J'ai arrêté de faire attention à ce qui m'entoure. Je sais parfaitement que je suis en train de déconner, je suis en train de faire une bêtise monumentale, bientôt, je ne saurais même plus ce que je fais. Mais je m'en contre fiche. J'ai tellement la haine contre tout ce qui m'entoure que je m'en fiche. Je m'en fiche totalement ! Le barman, nommé Pete, me regarde avec désolation. Oui, il a de la peine pour moi, ça se voit, je lui fais pitié, je reconnais ce regard. Le même que celui de mon psy. Je me souviens de tout ça. Je m'en souviens et ça me dégoute. Il me dégoute ! Je me lève d'un bon, manquant de m'écrouler au sol comme une idiote et après un dernier verre cul-sec, je décampe, mon portable à la main.

La couleur des sentiments [Troisième partie]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant