Chapitre 12

545 55 20
                                    

Quand Eren referma la porte des douches, déjà sec et vêtu d'un pantalon et qu'il s'avança dans le vestiaire il trouva Levi debout devant son casier.

Il ne comprit pas tout de suite de quoi il s'agissait puis les connexions nerveuses de son cerveau se mirent soudainement à fonctionner.

"J'avais la même."

Levi n'avait pas bougé d'un millième de millimètre mais c'était bien sa voix qui était parvenue aux oreilles d'Eren.

"J'avais la même dans ma veste à Urlga."

Eren serra les dents en entendant la voix du capitaine faire un infime écart. Son cœur sauta trois battements et son sang se glaça dans ses veines.

La photo.

Pourquoi avait il eu besoin de laisser la porte ouverte ? Non. Pourquoi était il si sensible aujourd'hui ? Il avait eu la gorge noué beaucoup trop de fois dans la journée.

Tout à l'heure quand Levi semblait bouleversé sur les tatami et qu'il l'avait envoyé balader. Quand il lui avait demandé s'il l'avait ménagé dans les douches. En encore maintenant quand il remuait des souvenirs encore bien trop douloureux pour lui.

Bon sang qu'est ce qu'il avait à ressasser le passé encore et toujours ? Le brun avait une envie folle de hurler, de frapper et de retourner les vestiaires pour se débarrasser de ce poids dans sa cage thoracique.

Être près de Levi le faisait souffrir. Parce que ça lui rappelait en permanence ses erreurs. En permanence son passé. Et en permanence son incapacité à aborder clairement le sujet de Urlga depuis quatre ans.

Il avait souffert. Beaucoup. Mais voir Levi debout, en chair et en os lui laissait un goût amer dans la bouche. Car au fond il savait que tout était de sa faute. Il savait que sa douleur n'était pas légitime. Il le savait pourtant... Pourtant il ne pouvait pas se maîtriser.

Il s'avança, décrocha la photographie de la porte de casier en la refermant, plaqua le papier sur le torse de Levi et tourna les talons, torse nu, ses affaires dans les bras.

"Garde la."

Il passa la porte du vestiaires et s'engouffra dans les toilettes adjacentes.

Il tourna le loquet, et colla son dos à la porte. Il ne se décida à s'avancer vers le miroir que quand son dos fut glacé à cause du métal du battant.

Il enfilla son t-shirt qui colla à sa peau encore humide et observa son visage dans la glace un moment.

Les mains appuyées de chaque côté du lavabo, il s'observait et ressassait encore les mêmes pensées.

Ce visage il le haïssait. Il ne voulait plus rien avoir à faire avec ce visage, avec ces cheveux, avec ces yeux. Ce corps le répugnait car il avait survécu.

Il aurait voulu mourir en même temps qu'eux. Pourtant, il s'était fait une promesse.

Il s'était juré de se venger car il refusait de croire que leur mort avait été inutile. C'est pourquoi il se le répétait chaque jour, encore et encore. Pour ne pas oublier.

Il avait travaillé dur. Peut-être plus dur que n'importe qui dans sa section. Mais ce n'était pas encore suffisant.

Il baissa la tête sur la main serrée autour son genou caché sous son pantalon. Caché.

Dans un excès de frustration il frappa violemment sur le lavabo ce qui fit trembler la tuyauterie. Il jura et prit une grande inspiration pour se calmer.

Il lâcha son pantalon et sortit des toilettes sans un regard pour son reflet dans le miroir.

Il passa l'encadrement du vestiaire et quitta la salle de sport sous le regard des recrues dans le hall du bâtiment.

Battlefield's LordsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant