Vendredi 27 décembre 1940,C’est la première fois de ma vie que j’écris un poème portant sur l’amour. Je ne sais même pas si l’on peut appeler ça « amour ». Mes mots font plus peur qu’autre chose et ne ressemble pas à de l’amour véritable. Mais qui suis-je pour écrire sur quelque chose que je n’ai jamais connu ? En vérité, mon texte n’est qu’un message. Il faut que je voie Charles. Et s’il est intelligent, il saura où et quand me rejoindre. Et toi, si tu avais lu ce texte, l’aurais-tu su ?
Si tu es comme moi, je l’espère.« Toi,
Je t’aime à en mourir
Rien qu’en croisant ton regard
Il pourrait m’ôter la vieTon cœur à jamais sera
La raison de mon addiction
Car oui, je suis accroc
A l’amour, le vrai
Celui qui me fatigue
Celui qu’a créé CupidonMon amour, je serais l’arc
Tu seras les flèches. On aura
A nous deux une jouissif
Relation sans tyrannieJe t’aime vraiment beaucoup
Et je sais que c’est ce qui entrainera
Ma perte. Mon amour,
Je partirais en exil
Ne serait-ce que pour te garder en vie.Mrs. Freedom»
Tous mes fidèles lecteurs penseront que mon cœur rêve de celui d’un autre. Ils seront surtout particulièrement dessus de mon travail. Moi-même, je n’en suis que peu fière. Mais il y a des chances pour que ce soit l’unique fois où je raconte des choses aussi grotesques et fausses. Tout ce que je veux, c’est qu’il me comprenne. Charles n’est pas quelqu’un d’idiot. Au contraire même. Peut-être je dis bêtise, mais je sens que ce n’est pas un homme sot.
Le problème, c’est que je devais dorénavant la faire éditer. Lorsque je suis arrivée à l’imprimerie, et que j’ai donné mon texte, tous furent choqués de mes mots au moment où Traümen finit sa lecture. Il m’arrivait d’écrire avec amour, mais pas avec une passion aussi… dévastatrice. Je sentais qu’ils ne croyaient pas mes formulations, mais je ressentais plus leur incompréhension. Ce fut le jeune lecteur qui parla en premier :
« Eh bien, Free, tu nous a habitués à mieux.
L’homme à peine majeur me fit un sourire malicieux, tandis que je baissais la tête honteuse. Il a beau être un plaisantin, il n’en restait pas moins sérieux. Quant aux deux femmes, elles fuirent mon regard, probablement déçues de mon écrit. Seul Mr. Jo osa combler le vide de paroles :
- Quelle est ta raison, Free ?
Je relevais la tête et croisais le regard interrogateur de mon aîné. Je ne pouvais pas expliquer la vraie raison d’un tel désastre. Même mentir serait de trop. Pourtant, je n’avais pas le choix. Dire la vérité reviendrait à tout raconter, et je suis pour l’instant dans l’incapacité de faire cela. J’inspirais un grand air, implorais le père du mensonge et laissais les mots si faux sortir de ma bouche :
- Je parle de la Résistance.
En un instant, toutes les personnes autour de moi ont porté leur attention sur moi, et sont restés cloués. Je leur souriais du mieux possible. Cela n’a aucun sens, je sais. Mais j’étais capable de trouver une explication à quasiment chaque vers.
- Ça me paraissait logique, enfin ! dis-je en m’avançant et prenant le papier des mains de l’homme de la vingtaine. « Rien qu’en croisant ton regard, Il pourrait m’ôter la vie ». Lorsque l’un de nous croise la Résistance, ne risque-t-il pas de mourir ?
Ils s’échangèrent des regards dubitatifs mais désiraient tout de même connaitre la suite de mes explications que je faisais à l’instant présent.
- Et : « Je partirais en exil, Ne serait-ce que pour te garder en vie. ». C’est une vérité ! m’exclamai-je. Pour sauver la Résistance, nous serions tous prêt à partir, à abandonner nos vies, n’est-ce pas ?
- Free, m’interpella Blanche, je doute que tes vers soient très expressifs. Le message a beau être véritable, tu nous rends trop confus.
- Je sais, répondis-je en souriant nerveusement telle une enfant qui tentait de mentir. Je voulais faire ressortir plus d’émotions.
- En toute honnêteté, répliqua-t-elle, elles me font plus peur tes émotions qu’autre chose.
- Et donc ? Nous n’allons pas la publier ? demandai-je en me tournant vers le reste du groupe.
Il fallait absolument que ce texte soit dévoilé dans les journaux. Il fallait que l’Homme au Chapeau Vert la lise, et surtout la comprenne. Comment allais-je pouvoir connaître ses raisons sinon ? Je ne pouvais pas juste attendre que celui-ci nous massacre tous. Le reste du groupe restait muet, jusqu’à ce que Mr. Jo reprit la parole.
- Je veux bien qu’on la publie.
Les autres résistants le regardèrent comme surpris de sa décision. J’étais moi-même choquée qu’il accepte aussi facilement. Blanche secoua la tête et dit :
- Mais enfin, tu vois bien que…
- Ce n’est pas ce que nous publions d’habitude, je suis d’accord, la coupa-t-il. Mais nous pouvons essayer. Après tout, si Free dit vrai, le message de la Résistance, bien qu’il soit très dissimulé, pourra toujours se faire entendre. »
Je tendis un sourire à l’homme âgé. Il semblait me soutenir, comme s’il connaissait le véritable message de ce court texte. Mais je pense que s’il le savait vraiment, il m’en aurait parlé. Ainsi, toute l’équipe a décidé de le publier. Mr. Jo est comme le capitaine d’un équipage en mer : il prend généralement les décisions. Nous sommes encore des enfants, nous ne savons que peu de choses sur la vie. J’ai donc donné mon écrit à Traümen qui s’est occupé de faire des photocopies, pour que demain, Rose et moi partions les distribuer. Je ne peux que prier pour que Charles découvre ce poème et ne le lise.
Moi en retard? Pas du tout X)
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Résistance
Historická literatura" Je m'appelle Camille, Camille Loiret. Je suis française et j'ai la trentaine. [...] Mais je ne suis pas que ça: je suis aussi résistante. Histoire d'une femme résistante en France pendant la 2eme Guerre Mondiale.