Chapitre 1 - Au commencement

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Il me faut absolument les cinq milles points pour atteindre leur statut, sinon je ne pourrai pas m'exprimer et ça en devient pesant. Être en possession de points est aussi stressant qu'avoir une bonne note lors d'un examen ou encore avoir une moyenne satisfaisante qui pourrait convaincre des universités ou des facs de vous prendre. De toute façon, les gens de ma classe, tout comme moi, sont obsédés à l'idée d'obtenir les cinq milles points pour se considérer comme étant « riches ». Je ne suis pas si obsédée que ça, c'est juste une envie pour ne plus avoir à supporter les plaintes d'Amanda : elle s'énerve toute seule, elle me fixe du regard quand elle a tort. Je vous laisse imaginer quand elle a raison, c'est pire que Hiroshima là, on est dans un cas terrible avec elle ! Juste après le lycée, je chercherai directement un boulot pour obtenir le nombre nécessaire de points afin de quitter cet endroit, où il y a Amanda et ces fichus agents qui se permettent d'aller où ils veulent, dès qu'il y a le moindre bruit. Je dois m'habiller pour aller en cours, mais porter un uniforme, qu'il faut laver cinq jours par semaine, on perd tout de suite la motivation de le porter, mais les règles sont les règles. Se lever tôt pour faire un long trajet entre cet appartement et ce lycée, ce n'est pas ennuyeux, au contraire je peux me libérer l'esprit pendant une longue durée avant d'arriver au lycée. Dommage, qu'il n'y ait qu'une école dans cette ville. Amanda a déjà préparé le petit-déjeuner et comme d'habitude c'est toujours aussi répugnant, du coup je dépense mes points pour m'acheter quelque chose à la boulangerie. Leur pain au chocolat est un pur délice je sens le parfum du pain cuit dès que j'arrive là-bas ; les propriétaires ont été rapidement sympa dès mon arrivé à Pennytown, il y a quelques années de cela.

Je suis née à Sikeston, la nuit du onze septembre 2001, ma mère m'a raconté qu'il y avait beaucoup d'infirmières très occupées ce soir-là, mais que l'une d'entre elle, Mylène, a consacré son temps pour s'occuper de moi et depuis elles sont devenues des meilleures amies. Elle a été ma baby-sitter jusqu'à mes quatre ans, on jouait énormément ensemble, je l'aimais comme si c'était ma grande sœur et elle m'aimait comme si j'étais sa petite sœur, et soudainement elle a disparue de ma vie, sans me laisser la moindre nouvelle. Maman m'a dit que c'était due à ses problèmes de famille et qu'on ne devait plus prendre contact avec elle, mais au final, j'ai appris par moi-même à l'âge de douze ans, que mon père avait trompé ma mère avec Mylène depuis qu'elle est partie de ma vie. Au moment où je l'ai appris, je ne voulais pas intervenir par peur de me faire gronder par mon père mais ma mère l'a sue quelques semaines plus tard et ça a créé une grosse dispute entre eux : cela allait des cris, aux claquements des portes, en passant par les jets d'objets, j'avais peur qu'ils se séparent, mais en même temps, savoir que cette ordure ne devait plus vivre avec Maman me faisait un bien fou. Elle lui a pardonné au bout de quatre jours de dispute, je m'y attendais un peu vu la naïveté de Maman, mais deux ans après, tous les trois, nous avons appris qu'elle était atteinte de cardiomyopathie hypertrophique. Ma mère nous avait cachés qu'elle était atteinte de cette maladie depuis son adolescence et elle avait décidé de nous l'annoncer quelques mois avant de penser qu'elle en mourrait un jour. D'après elle, c'est une maladie génétique où l'un des muscles commence à s'épaissir et ses cellules ont une structure anormale. J'avais fait des recherches et j'ai vu que c'était la première cause de mort subite chez les jeunes de moins de quarante ans. Avant quelle ne parte le jour de mon anniversaire, nous avions décidé de passer le reste de ses jours à profiter de sa présence tant qu'il était encore temps. Le nombre de jours où j'ai pleuré non-stop peut être comparable au nombre de millilitres d'eau que boit chaque habitant par jour. Papa n'a tenu que quelques mois en vivant avec moi et m'a laissé à Amanda, ma tante, qui est à présent responsable de ma garde, mais en attendant, je devais lui obéir aux doigts et à l'œil pendant encore trois ans, la période où j'allais devenir une lycéenne, une pré-adulte, comme on le dit maintenant. Nouveaux amis, nouvelles connaissances, nouveaux chemins vers un avenir serein, que des bonnes paroles venant d'Amanda qui n'a même pas eu son bac au final, mais je la comprends : elle me dit ça pour me rassurer et me dire que je ne dois pas finir comme elle, elle s'inquiète pour mon avenir c'est déjà bon signe par rapport à son caractère habituel.

Je sors de leur boulangerie avec un pain au chocolat à la bouche et un cappuccino au lait sucré, ce que je prends tous les matins ; ça montre que j'économise beaucoup pour ma faim mais autant bien mangé que de mourir de faim avec des aliments et des plats immangeables (désolée Tantine mais je suis franche) ; et je croise le nouveau de notre lycée, celui qui attire l'attention de tout le monde, non pas parce qu'il ait de la classe ou qu'il soit connu, mais le fait qu'il ne soit pas habitué à notre environnement, ce qui nous fait un peu marrer, mais par-dessus tout, qu'il soit lui-même rien qu'avec ses gestes et son comportement. Je décide de lui proposer de l'accompagner pendant notre trajet vers le lycée, mais il a refusé. Pendant huit heures de cours, je ne fais que de la langue des signes. Pourquoi la langue des signes me demandez-vous ? Parce que le projet HUSH (Humans Use a Silence Hypnotic) a été mise en place par une femme, venue de nulle part, dont personne ne connaît l'identité. Ce projet consiste à « supprimer » le moindre bruit à Pennytown car les rumeurs auraient été trop propagé à travers la ville et ce projet permet à celle-ci de cohabiter dans un silence épanoui.

Silence de mortOù les histoires vivent. Découvrez maintenant