Chapitre 4 - La descente aux enfers

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Après avoir vu l'oncle de Harley, j'ai vite compris qu'il manigançait quelque chose à propos de son neveu. Malheureusement à Pennytown, personne ne sait où sont emmenés ceux qui « enfreignent » les règles, et même si ce n'est ni mon ami, ni mon camarade de classe, je ne peux m'empêcher de l'aider. Je ne sais pas, je sens qu'il y a quelque chose avec lui (rassurez-vous, je ne suis pas amoureuse de lui), comme si je le connaissais depuis toujours. Il me fait penser à un agneau s'étant égaré de son troupeau, vous connaissez l'expression : être un mouton signifie suivre les autres, donc je pense que Harly est cet animal qui, justement, ne veut suivre personne et veut décider de tout lui-même. Ce silence m'est insupportable, aussi insupportable qu'un concert avec une foule déchaînée. J'enverrai un message à Amanda pour lui dire que je ne rentrerai pas tout de suite à la maison. Le motif ? « Heures supplémentaires apprentissage – Envoyé depuis mon IPhone ». Au final je me rends à la bibliothèque du coin qui se nomme Terrier des muets, là où on y trouve toute sorte de ressources à propos de la ville et de ses histoires anciennes. Je m'installe à une table qui se situe au fond de la bibliothèque, où la table est reflétée par les rayons du soleil que l'on peut voir à travers la fenêtre à carreaux située à proximité du plan de travail. Je dépose mon sac à dos noir à pois blanc ; ma trousse débordant de celui-ci tombe, je m'apprête à la ramasser quand je vois Taylor s'accroupir pour me la tendre. Qui aurait cru que le destin voudrait qu'on se croise dans un lieu aussi ordinaire ? Il me l'a rendue et m'a fixé du regard, je n'y ai pas trop prêté attention au début, mais une fois installée en face de la table, il s'est assis près de moi en abordant la conversation :

        « Séréna ? Je ne pensais pas te voir ici ? me demanda Taylor en langue des signes. Qu'est-que tu fais dans un endroit aussi fréquenté par des personnes qui ne te ressemblent pas ?

-        Bien écoute, j'ai décidé de me mettre à faire des recherches sur notre soi-disant ville parfaite sans bruit ni animaux. Et toi, que fais-tu là ? Je ne te vois pas souvent dans le coin.

-        J'essaye de trouver ma place depuis quelques mois à partir du moment où ma proposition concernant la disposition des miroirs dans la salle de Mr. Brown avec nos rubans adhésifs collés au sol, comme à un cours de danse classique, m'a fait prendre conscience que ma vie ici devait devenir mouvementée, dit Taylor en ricanant.

-        Je te comprends parfaitement ! Vivre dans une commune dans laquelle la société nous empêche de rester dans un environnement sonore où le vacarme n'a plus sa place parmi nous et...

-        Oh, je... se demanda Taylor.

-        Désolée de m'emporter mais quand il s'agit de Pennytown ou de ce qu'on doit subir à cause des Pacenum, je ne peux m'empêcher de vouloir montrer aux autres que cette ville n'est plus aussi belle et radieuse qu'auparavant.

-        Ne t'inquiète pas, je te comprends tout à fait. Et de toute façon mon enfance n'était pas très amusante...

-        Mais... de quoi tu parles ? dit Séréna d'un air étonné

Taylor était alors déjà parti de sa place et a quitté la bibliothèque sans me saluer. Quand vais-je le revoir ? Quand aurais-je l'occasion de lui reparler seul à seul ? Si ça continue, je sens que mes sentiments vont se dévoiler au grand jour et j'aurai peur de perdre mon amitié avec lui.

          En consultant un journal datant de 2005, je m'aperçois qu'une femme a déposé sa candidature autour de nombreux hommes pour être le maire de Pennytown, en restant anonyme : « Une femme d'une identité inconnue régnant sur Pennytown, la première à prendre des décisions sur l'environnement de notre ville, du bien-être des habitants, cloue le bec des concurrents en étant désignée comme le prochain maire de cette ville » , un autre article a été écrit sur elle cinq ans après : « De ce qu'on aurait pu souhaiter, le pire est arrivé : notre maire rédige une nouvelle loi qui consiste à ne plus faire de bruits à Pennytown, et engage des agents venant exécuter les personnes peu importe le lieu où ils se trouvent ; des caméras sont installées dorénavant en ville et des micros sont disposés de manière à ce que les habitants ne les voient pas ». J'ai beau cherché dans tous les journaux de la bibliothèque, je ne trouve aucune information sur cette femme, sur ses raisons d'être anonyme ou d'avoir mis en place ce projet. Pour quelle raison a-t-elle voulu installer ce projet dans notre ville, mais le plus important est de se demander qui est cette femme.

          Je quitte le Terrier des muets pour enfin rentrer chez moi. Les lampes de rues viennent de s'allumer comme le feu des projecteurs sur un tapis rouge ; l'oncle de Harley m'a encore dévisagé depuis sa fenêtre, je me demande vraiment ce qu'il me veut... Arrivée chez moi, je dépose mon sac à l'entrée, je vois Amanda venir vers moi, en colère, mais je l'ignore, comme d'habitude. Mais par rapport à d'habitude, elle m'attrape le bras et me regarde avec un air très fâcheux. Elle me traîne dehors par le bras ; me laissant en plan sur le gazon, elle fait quelques pas en avant, pour s'éloigner de moi, elle me fixe toujours avec cet air fâcheux, et remonte à la maison. Amanda Loud, une femme qui ne sait se montrer gentille avec qui que ce soit, me laisse l'opportunité de ne pas me faire la morale, quel exploit même ! Le courant du fleuve est si calme à côté de nos maisons, aucune être animalier n'est ici. Je rêve de revoir au moins un animal, que cela soit un animal domestique, sauvage ou encore aquatique.

          A cet instant, un sifflement m'interpelle. J'observe autour de moi pour voir si les Pacenum ne vont pas débarquer mais au lieu de penser à eux, je n'ai pas vu de caméras chez moi... ce qui me semble suspect. Le maire a dû oublier deux trois maisons, erreur humaine. Ce sifflement est toujours là et aucun Pacenum en vue... il vient de ma cabane, alors je me dirige vers celle-ci, j'ouvre la porte, elle grince, j'essaye de faire le moins de bruit possible : je ne veux pas que mes voisins m'entendent ou que ma tante débarque. Le sifflement devient de plus en plus proche de moi au moment où je piétine l'entrée qui mène vers la barque ; je n'ai jamais vraiment mis les pieds dans cette cabane mais Amanda m'en parlait autrefois, à l'époque où elle naviguait dans cette barque pour essayer de pêcher au moins un poisson, histoire qu'on se nourrisse d'aliments provenant de chez nous. J'ouvre la trappe mais à la place de voir la barque dont elle m'avait parlé, je vois une sorte de passage secret qui nous mène à je ne sais où. Bien curieuse, je descends et me dirige vers la sortie. Une porte bloque le passage et il faut un code pour pouvoir l'ouvrir. Le seul indice que j'ai, c'est « Quatre lettres pour une vie meilleure » mais au moment de vouloir tenter mes chances en saisissant n'importe quel mot, j'entends quelqu'un descendre. Des paires de sandales, un parfum qui dégage une forte odeur de rose, il n'y a aucun doute...

Silence de mortOù les histoires vivent. Découvrez maintenant