Chapitre 2 - Rencontre et départ

76 8 1
                                    

Rien de tel que les cours de langue des signes, on se croirait dans une maison pour personnes malentendantes et encore, je suis gentille car c'est toute la ville qui s'est transformée en un territoire pour sourds. Il faut avouer que notre école n'est pas comme les autres, vous savez où nous avons notre propre emploi du temps, où nous pouvons manger avec nos amis, sécher les cours, jouer au basket avec tout un groupe, ici les professeurs sont strictes, ne nous laissent aucune liberté (et je ne parle pas seulement que de notre voix) et la majorité d'entre eux sont convaincus que vivre dans une ville où le calme est installé est la meilleure chose à faire pour rester concentrer sur les leçons qu'on nous donne, les cours. Mais l'avantage par rapport à d'autres lycées, c'est que nous ne sommes pas perturbés par le nombre d'heures de cours que l'on a pendant une semaine, nous n'avons pas d'examen à passer et nous sommes tous uniques extérieurement mais il ne faut pas se cacher que la plupart des élèves aimeraient s'exprimer.

Avant que le projet ne s'installe, Orlane, ma meilleure amie, voulait participer à un concours de chant car, je dois l'avouer, elle a une voix aussi douce que celle de Blanche-Neige, chantonnant dans sa forêt magique avec des nains pervers comme ils sont... pardon je me suis emportée. Orlane était la première à voir mon caractère, on va dire mature, à un certain âge. Je suis plutôt réaliste en ce qui concerne les contes de fées, les croyances, la magie de Noël, ...  je ne crois qu'en ce que je vois. C'était un peu une fleur qui attirait l'attention de toutes les abeilles du monde, une fille que l'on ne pouvait pas esquiver rien qu'en l'observant. C'était la star du lycée si on peut dire ça, sans en dire plus. Je me rappelle de ce jour où elle a fait toute une scène, mais littéralement, dès qu'elle a entendu « The Madcaps - All I Really Wanna Do » ; elle s'est déchaînée comme une guitariste d'un groupe de métal et elle s'est rendue encore plus populaire involontairement ; c'était ma meilleure amie après tout. Après que l'on se soit disputée à cause d'un garçon qu'elle aimait beaucoup, à cause du même garçon qui m'aimait beaucoup, à cause de cette jalousie qu'Orlane ne peut contrôler, à cause de tout ça, notre amitié s'est achevée sur de la jalousie de rien du tout. Et depuis, Orlane a définitivement quitté ma vie, ma ville, mes pensées quotidiennes, je repense aux faits que tout ce qui me passait par la tête, c'était à elle que je me confiais, dans sa chambre qui ressemblait littéralement à une grotte sous la couette noire qu'elle avait depuis ses neuf ans, m'avait-elle dit. Alors quand le projet HUSH a été mis en place, je ne pouvais qu'être réaliste sur ce qui allait se passer les prochains jours, me focaliser sur l'idée que si Orlane était restée ma meilleure amie, elle serait déjà morte, alors oui, de temps en temps je pense encore à elle. Au moment de la fin de notre amitié, je me suis renfermée, comme me le montrait Amanda, et elle a été comme une mère pendant une courte période, à me consoler, me remonter le moral en me préparant des biscuits fait-maison (ceux-là sont les seuls à être mangeables et délicieux à mon goût). Puis retour à la case départ, elle était redevenue autoritaire.

Dans un cours de langue des signes, on est seulement dix dans une petite salle de cinq mètres carrés, avec du scotch adhésif collé par terre, pour nous placer tels des pions sur un échiquier. La règle dans ce lycée, c'est quil faut arriver quatre minutes avant l'arrivée du prof, qui peut débarquer n'importe comment et n'importe où. Alors avec les autres élèves, on a décidé d'installer des miroirs pour voir son arrivé dans les bons temps, plutôt ingénieux venant de Taylor, un garçon plutôt mignon, cheveux châtain, frisés jusqu'au front, ce qui lui fait un style charmeur. D'après ce que j'ai entendu de lui, il mesurerait un mètre soixante-seize, tandis que moi je ne fais qu'un mètre soixante-trois, et encore je mets des talons. Vous voyez les beaux-gosses que vous rencontrez dans la rue mais que vous ne reverrez plus jamais ? Dans mon cas je le vois tous les jours dans mon cours de langue des signes, un vrai miracle. Cette technique marche depuis quelques mois et personne n'a remarqué la disposition des miroirs. On est les seuls à savoir ça, et je suis contente de partager un secret avec Taylor. Le prof est arrivé, on a commencé le cours en récitant les règles fondamentales de HUSH, puis une minute de silence aux morts qui n'ont pas pu survivre à une ville aussi contrôlée qu'une base militaire. Dans les couloirs, les Pacenum sont intervenus au lycée car un élève n'avait pas pris soin de lui, alors il a éternué et ils sont arrivés en masse, l'attrapant par les pieds, ils l'ont emmené dans leur camion pour l'exterminer.

Silence de mortOù les histoires vivent. Découvrez maintenant