Chapitre 11

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Je me laisse tomber sur le sol et prends ma tête entre mes mains. J'essaie de réfléchir, de rester calme mais l'idée qu'elle puisse se faire mal persiste et la peur prend possession de mon corps. Je sais que ça ne sert à rien, que je perds tout simplement du temps mais cette sensation, cette impression que tout ça est arrivé par ma faute se fraie un chemin et s'ancre en moi. Il faut que je la retrouve ; c'est mon devoir, c'est ma mission, le seul but qui me donne envie de continuer à vivre.

Après une mûre réflexion, je décide de rejoindre notre campement et d'amasser nos affaires. Je trouve le sac de Mai et, un peu hésitant, je l'ouvre. La fermeture peine à descendre mais parvient finalement à me laisser une faille afin que je fourre mon bras à l'intérieur. Sans trop voir dans l'obscurité de la nuit, j'attrape quelque chose entre mes doigts et le sort du sac, c'est alors que je remarque que je ne tiens rien d'autre qu'une culotte à pois bleus. Mes joues s'empourprent immédiatement alors que je l'enfouis dans la hotte et la referme précipitamment en la mettant ensuite sur mon dos. J'essaie d'oublier ce souvenir qui me noue le ventre et fait battre mon cœur d'un rythme bien trop effréné. Que m'arrive t-il ? Pourquoi mon corps se tend t-il ?

J'attrape un poisson cuit par le feu et, sans hésiter, le met à la bouche, je déchire sa chair de mes dents avec lesquelles je la mastique un peu difficilement. Sûrement pas assez cuit, ce poisson est trop mou, trop moelleux et seules ses arrêtes craquent dans ma bouche. Crac. Crac. Crac. Un petit os vient se loger dans ma gencive avant qu'un goût métallique se répande dans mon palais. Je recrache ma nourriture et grimace de douleur. Je retire l'arrête toujours plantée à l'intérieur de ma bouche en commençant à avancer vers je ne sais où à la recherche de Mai.

Petit à petit, les étoiles se mettent à disparaître et bien que j'essaie de les retenir du bout de mes doigts, elles s'échappent et me laisse seul, moi et mon désespoir. Les questions s'enchaînent sans fin dans ma tête et je n'arrive pas à y voir clair alors je cesse de réfléchir et marche en ayant pour seul but de retrouver Mai saine et sauve. Je ne peux pas m'égarer en pensant à tout ce que je n'aurai pas du faire ; toutes ces erreurs commises ... je dois simplement agir.

Je marche dans la nuit, seulement éclairé par les rayons d'une lune blafarde qui s'infiltre entre les branches mortes des arbres nus. Le moindre bruit dans cette obscurité pesante m'effraie, me fais sursauter, me donne envie de m'arrêter. Mais je ne peux pas, je dois continuer. Pour Mai. Alors je crie son prénom à pleins poumons, l'appelle encore et encore en espérant qu'elle me réponde. Mais rien. Seule une chouette se mêlent à mes plaintes. Je me griffe les mollets sur des ronces cachées dans la nuit ; je me taille la paume de la main sur un rocher tranchant ; et mes yeux se ferment, épuisés de lutter contre la fatigue. Mais j'avance, encore et encore, sans jamais abandonner. Comme une plainte, ma voix se répand autour de moi. Mai. Où est-elle ?

Puis poussé par une force invisible ou peut être est ce seulement l'adrénaline qui coule dans mes veines, je me mets à courir. Je saute, grimpe, accélère et l'appelle. Mai. Un vent frais vient me fouetter le visage comme pour me faire taire mais je continue à lutter sans jamais abandonnéer Je rampe, je cherche, je crie. Une pluie violente vient me gifler mais je continue à avancer, la tête haute. Mais mon corps s'épuise, s'alourdit, se tue. Mai, où te trouves tu ?

Un hurlement me parvient, un long râle d'agonie. Qu'est-ce donc ? Une bête sauvage dont la vie s'échappe. Un ours, un loup ou pire ?! Qu'est ce qui se cache en ces lieux ? Je sens les larmes me monter aux yeux. Je regrette déjà d'être arrivé ici, j'aurais pu continuer ma vie paisible, avec ceux que j'aime. Non. C'est trop simple de dire ça. Les blessures sur mes poings existaient bel et bien. Pourquoi ? Parce que ma vie n'était pas si paisible que ça. Cependant, maintenant je me rends compte qu'elle pouvait être bien pire que ça. Cette douleur que je ne pouvais plus supporter semble maintenant être qu'une petite peine alors que ce que je vis maintenant est bien pire. Mais pourquoi est ce que je fais ça ? Pourquoi veux je tant sauver cette fille qui m'apporte bien plus de souffrance que tout ce que j'ai pu ressentir de toute ma vie. Pourquoi ?

Shimo no HanaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant