Chapitre 12

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« J'ai entendu maman pleurer toute la nuit. C'est comme ça tous les soirs depuis la mort de mon frère. Moi aussi je suis triste mais je ne peux pas pleurer, je dois être forte. Papa me répète tout le temps que je dois m'endurcir, que je suis trop faible, que je me laisse trop marcher sur les pieds. En même temps il a raison, je me laisse faire quand on m'embête à l'école, quand on me pousse, qu'on me griffe, qu'on me vole. Je ne dis jamais rien parce que je ne sais jamais quoi dire. »

Je m'arrête et remarque que j'avais cesser de respirer en commençant à lire. Je soupire en me disant que ce que je fais n'est pas forcément bien. Est-ce que j'ai le droit d'entrer dans sa tête et dans sa vie comme ça ? Je n'arrive pas à décider. J'ai de plus en plus envie de découvrir tout ce que cette fille cache. Mais devrai je ? Est ce dangereux ? Mes doigts tournent les pages tous seuls sans même que je lise quoi que soit. Puis je m'arrête face à une page où des gouttes rouges parsèment l'écriture maladroite. Je me fige. Du sang. Son sang. J'ai soudain du mal à respirer et je sens des larmes me monter aux yeux alors que je ne peux m'empêcher de lire.

« J'ai réagi. Pour la première fois. Je ne me suis pas retenue cette fois, je n'ai pas réussi. C'est bizarre, je me suis sentie comme possédée. J'avais en moi comme une voix qui me disait que ça ne pouvait plus continuer. D'habitude j'ai peur ou je suis triste, très triste. Mais pas cette fois. Aujourd'hui c'était de la colère, une rage qui était si profondément enfouie, jusqu'à maintenant.

Ils sont une nouvelle fois venus me voir, ils m'attendaient à la sortie des cours. Ils étaient quatre, très grands, deux têtes de plus que moi. Ils m'ont poussé et ma tête s'est violemment cognée contre le mur de brique. J'ai été un peu étourdie ce qui leur a permis de m'assener un coup de poing dans le ventre. Je me suis écroulée par terre en crachant ce liquide rouge qui me satisfait maintenant. Et ça a été ça leur erreur : me faire saigner. Ça m'a rendue folle, complètement folle. J'ai souri et je leur ai dit de s'en aller avant que je leur fasse mal en les regardant droit dans les yeux. Ils ont ri, évidemment, ils ne me prenaient pas au sérieux. Je me suis relevée et ai attrapé le bras du plus grand. Je l'ai tiré vers moi et on est tous les deux tombé sur le sol.

À califourchon sur lui, je me suis mis à le frapper dans la mâchoire jusqu'à ce que sa lèvre inférieure pisse le sang. Je l'ai cogné dans l'arcade sourcilière jusqu'à ce qu'il perde connaissance et que mes poings soient rouges. J'ai hurlé, pleuré, juré. Des adultes sont intervenus, ils ont essayé de m'éloigner mais je ne voulais pas, j'ai continué à le frapper jusqu'à ce qu'on m'éloigne de force.

Il paraît qu'il est au coma maintenant mais il n'a eu que ce qu'il méritait. Étrangement quand je suis rentrée, mon père était très en colère contre moi, il n'était pas du tout fier. Il avait honte, il était déçu. Il m'a attrapé le bras et m'a tiré dans LA pièce. J'ai gardé la tête haute et je n'ai pas pleuré. J'avais réussi à me défendre de ces élèves, j'arriverai bien, un jour, à me défendre de mon père. »

Je m'arrête parce que je comprends que je suis allé trop loin. Je n'aurai jamais du lire tout ça, ça ne me concerne pas, je ... Les larmes coulent toutes seules le long de mes joues alors qu'un cri de désespoir s'échappe de ma gorge comme le grognement d'un ours. Comment a t-elle pu vivre toutes ces horreurs ? Comment peut-elle paraître si ... pure ? Que lui faisait son père ?

Je ferme les yeux et essaie de me calmer, en vain. Je range toutes les affaires et me met à marcher en espérant effacer ma rage mais ça ne marche pas et je sens grandir en moi un sentiment si puissant que j'ai peur de faire mal à quelqu'un. Et je comprends, je comprends et je sais qu'il faut absolument que je la retrouve, maintenant. Avant qu'elle décide de se faire du mal ...

Mais alors que je continue à avancer en criant son prénom, je sens mes forces me quitter et je n'ai plus de nourriture ni d'eau. La chaleur est si étouffante que ma respiration devient saccadée et mes pas deviennent de plus en plus lents, de moins en moins grands et toujours plus douloureux. Ma gorge est sèche, elle me brûle terriblement. Je tousse à m'en arracher les cordes vocales et je sens un goût métallique se répandre dans mon palais.

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⏰ Dernière mise à jour : Jun 06, 2019 ⏰

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Shimo no HanaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant