Point de vue Loki : Vacances prévues

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Je jette un rapide coup d'œil au repas posé devant moi puis reviens vers Astrée. Assise de l'autre côté de la table, elle est en pleine lecture d'un livre que je lui ai recommandé il y a quelques jours.

- Toi aussi tu dois manger ça ? je lui demande.

Elle relève la tête et sourit. J'imagine que non. Parce que croyez-moi, il n'y a rien de rigolo dans l'assiette devant moi. Je grimace. Déjà que d'habitude ce n'est pas le grand luxe, aujourd'hui c'est encore pire. Et pas besoin de gouter pour le savoir. Le visuel et l'odeur sont des signes plus que distinctifs. A vrai dire je serai même bien incapable de savoir ce que c'est. Dire qu'à une époque je critiquais tous ce que faisait le chef cuisinier du palais et l'obligeait à tout refaire.

- Ne fais pas ton difficile.

C'est facile de dire ça quand ce n'est pas devant soi. Je prends ma fourchette et commence à pousser du bout de celle-ci les différents aliments en espérant en reconnaitre au moins un. En vain, et ce n'est pas faute d'être devenu un pro des animaux et de la nature de chaque planète de notre galaxie grâce aux livres qu'elle me ramène. Après quelques instants, elle pose son livre et redirige son attention vers moi. Avec le temps, ses visites sont de plus en plus longues et depuis quelques jours elle me tient même compagnie pour le déjeuner. C'est plutôt sympa. De toute façon tout est plus sympa quand elle est là.

- Tu regrettes ce que tu as fait ? A Midgar, précise-t-elle.

- Il m'arrive quelques fois de ne plus savoir pourquoi je l'ai fait.

Bon sang, c'est vraiment immonde. En temps normal j'aurai balancé mon assiette et exigé autre chose toutefois son regard suffit à calmer mes ardeurs. Elle serait bien capable de ne rien me donner ou pire de me forcer à ramasser. Je prends une grande inspiration puis fourre la fourchette dans ma bouche. J'avais tort, c'est pire que ce que je pensais. J'avale et toussote, le goût dans ma bouche persistant fortement. Je prends l'eau et bois à pleine gorgée.

- Je suis sûre que même toi tu ne sais pas ce que c'est, je lui dis quand je retrouve de nouveau l'usage de ma bouche.

- Non. Mais je sais qu'il ne vaut mieux pas le savoir.

- Très rassurant.

Mon ventre se met à gargouiller et je dois me faire violence pour recommencer l'expérience. Par mesure de sécurité je demande à Astrée une autre bouteille d'eau. Elle me l'apporte puis reviens s'assoir. Il n'y a qu'une chose qui m'énerve. Elle ne mange pas elle aussi et peut donc me scruter sans rien manquer de mes gestes, m'obligeant à faire attention à ceux ci. Surtout que la nourriture est tellement molle qu'elle passe aisément entre les dents de la fourchette et que je dois faire face à ne pas m'en mettre sur moi.

- Tu ne vas pas me voir pendant quelques jours.

Je relève la tête et arrête de manger. C'est vrai que depuis que je la connais elle n'a pas quitté la prison. En tous cas elle ne m'en a rien dit. J'imagine qu'elle doit avoir pas mal des vacances à prendre. J'hoche la tête malgré le sentiment que m'inspire cette information. Au moins je suis prévenu.

- Combien ? je demande en reprenant mon repas.

- 5.

La réponse me fait frissonner. J'ai l'impression qu'elle est en train de m'annoncer ma condamnation à l'isolement. Parce qu'en réalité, c'est ça. Ce sont 5 jours où je ne pourrais voir personne. Et pour avoir passer de long mois à Asgard sans parler à personne je sais que ça ne va pas être très plaisant.

- Quand ?

- A partir de demain.

- Tu pars en vacances ?

- Mon père passe dans le coin. Il aimerait me voir, me dit-elle en détournant le regard.

Elle fait toujours ça quand elle ne veut pas que je puisse lire en elle. Mais ça ne marche pas, parce que je la connais du bout des doigts.

- Ça n'a pas l'air de t'enchanter.

- Si tu connaissais mon père, tu ne le saurais pas non plus.

J'attrape mon bout de pain sec et le casse en petit morceau que je mange l'un après l'autre. Je comprends totalement ce qu'elle ressent. Moi aussi avec Odin s'est compliqué. Surtout quand on a passé la moitié de sa vie à l'idolâtrer.

- Attends que je sois revenu pour essayer de t'évader. Parce que sinon un autre que moi devra en porter la responsabilité. Et même si je ne l'aime pas, je ne veux pas lui être désolé.

- Je t'attendrai, je m'exclame comme une évidence.

Parce que c'est ce que s'est. Ça ne me servirait à rien d'essayer de m'échapper si elle n'est pas là pour m'en empêcher. Comme ça ne sert à rien de jouer aux échecs avec des animaux.

- Tu veux que je te ramène quelque chose avant de partir ? Un jeu de carte ? Des livres ?

- Dépêche-toi juste de revenir, je lui réponds.

Entrave, tome 1: DétentionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant