L’immense hangar était rempli d’une odeur de pâte à gâteaux. Le doux parfum sucré se répandait comme un gaz toxique sur un champs de bataille dans toute la structure d’acier. Dans cette odeur alléchante piégée dans le bâtiment, une foule de petits personnages en blouse restaient quasiment statiques. Ils restaient debout, près de grosses machines. Toutes les cinq secondes exactement, N°21679 tirait sur un levier. Alors, un tuyau sortait de la machine et remplissait les moules de pâte à muffin. Puis le tapis roulant avançait, et il répétait l’opération. Trois mètres plus loin, devant un autre tapis roulant, un être en tout points semblable, N°22894, répétait la même opération. Et ainsi de suite. Au total, soixante dix hommes travaillaient dans le hangar. Mais que devenaient les mini-muffins à la fin du tapis roulant ? Personne ici ne le savait. Ils sortaient et disparaissaient. Et c’était tout. Pendant que la machine bien huilée fonctionnait à la perfection, un homme solitaire, l’observait depuis la baie vitrée d’un bureau flambant neuf, en surplomb. L’homme en costume saisit un mini-muffin dans le paquet qu’il tenait dans la main, et l’enfourna dans sa bouche avec délectation. Ensuite, il s’essuya la main sur son costume sur mesure, et se détourna de la vitre.
