Le Roi du Silence {TERMINÉE}

Partie XII

En treize ans il a eu tout le temps de faire tout le tour du monde. Mais le monde lui a paru bien fade sans elle. Hanté par ce jour de 99 où il l'a poussée à suivre Barton pour rejoindre le SHIELD, il n'a plus bien dormi depuis ces années. Son lit désespérément vide et son cœur la pleure. Il y a comme un trou béant au creux de sa poitrine, il peut bien essayer d'avancer, rien n'a eu l'air de passer plus lentement que ces treize années.

Il a trouvé son bouclier. Il s'est retrouvé. Seul emprisonné. Congelé. Ça lui fait quelque chose au fond de lui. Mais au moins il renoue avec son vieil ami. Le marteau est dans un coffre bien scellé, après tout, il n'est pas censé le manier. Pas encore.

Mais il est là. Au pied de la Tour. Comme ça. Il n'a pas le choix dans dix jours on le retrouvera, il doit empêcher ça. Les mains bien enfoncées dans ses poches il ne sait pas bien commencer. Il entre, par la grande porte comme il sait si bien le faire.

– Monsieur, annonce un homme tout près de lui, le faisant presque sursauter.

Avec le temps il avait oublié leur silence.

– Pouvez-vous dire à Nick Fury que je dois le voir ?

Il a pris sa voix de leader, celle qui fait suivre les cœurs. Celle pour qui les hommes combattent, pour qui ils ont envie de se battre.

– C'est que...

– Dîtes lui que Steve Rogers veut le voir. Il devrait être là dans l'heure.

-x-

C'est comme un retour au passé. Il est là dans les couloirs aseptisés, il avance. Lentement. Son cœur martèle lourdement sa poitrine. Il sait ce qu'il va se passer. Il peut l'appréhender. La porte s'ouvre. Et son cœur avec. Elle est là, droite comme un i. Il la revoit en 2012, quand elle se battait à ses côtés, l'œil arrogant et les yeux pénitents. Un instant il a envie de la rejoindre en courant, de l'embrasser et d'y faire cogner ses dents.

– Vous dîtes que vous êtes Steve Rogers, le Steve Rogers ?

– Oui M'sieur.

– Je vous croyais mort.

– Je l'étais.

Il lance une œillade à Natasha mais aucune émotion ne transparaît. Dans sa rétine, il n'y a rien qui le met sur la voie. Est-ce que le hait? Est-ce qu'au moins elle le voit?

– Je ne peux pas vous croire sur parole.

– Je comprends M'sieur.

Fury a l'air déboussolé, bien embêté. Il a l'air de réfléchir à toute vitesse. Steve peut voir les rouages dans sa têtes.

– Faîtes un tour au labo et revenez me voir, l'Agent Romanoff va vous y conduire.

Il frémit.

-x-

Son dos se découpe lentement, elle marche activement mais il la connaît trop pour ne pas détecter la tension qui crispe ses pas.

– Nat ?

Elle avance, ne se retourne pas, il se colle à ses pas, lui attrape le bras.

– Nat.

La gifle le prend par surprise, il vacille prêt à s'excuser mais ses lèvres le percutent de plein fouet, il reste un instant sonné. Puis ses mains l'emprisonnent, dieu qu'elle lui a manqué. Il peut ressentir si fort son absence que ça le rend en transe. Ses mains parcourent son corps, avide, brulant, ardent sous l'afflux du désir qui le prend. Elle le repousse brutale, animale.

– Treize ans. Treize ans, Steve.

– Je suis désolé, fait-il à bout de souffle.

Son regard le transperce, incandescent.

– C'est loin d'être suffisant.