14.L'Immigration

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Allongé là sur ces dunes de sable,
Tu revoies ta famille assise à cette table.

Tu revoies le visage de ta mère souriante,
cette femme dévouée, courageuse et battante.

Pour laquelle tu as voulu partir vers d'autres cieux,
Pour laquelle tu as voulu te battre pour qu'elle se sente mieux.

Tu revoies tes frères et soeurs jouant et criant à tue-tête,
Tes oncles et cousins te dénigrant les jours de fêtes.

Tu revoies cette misère dans laquelle tu vivais,
Cette maison de 03 pièces que de ton feu père tu héritais.

Tu revoies toutes ces journées entières à jeûn,
Ces petits boulots n'ayant aboutit à rien.

Tu revoies tes bagages et la promesse que tu t'es faite,
"Tout faire pour que demain tout le monde te respecte".

Tu revoies le début de ce long périple,
Les ennuis, la police et les épreuves multiples.

Tu revoies la traversée terrible du désert,
Le soleil brûlant, le manque d'eau et l'absence de repères.

Tu revoies ton arrivée en Lybie,
Avec pour but d'atteindre l'Italie.

Tu te revoies sur ce bateau plein à craquer,
Des hommes et femmes qui comme toi ont préféré se sauver.

Tu revoies toute cette foule à perte de vue,
Puis tu repenses à ceux là qui n'ont pas survécu.

Tu revoies comment à la mer on a jeté leurs corps,
Comment on a dû les balancer par dessus bord.

Tu te revoies à l'orée de l'Europe,
Plus que quelques Km pour que ta vie devienne toute autre.

Tu revoies la police italienne et leur navire,
Refusant l'accès de nouveaux migrants sur leur empire.

Tu revoies votre embarcation escortée jusqu'aux côtes Africaines,
Tu te revoies entreprenant le retour vers le Mali en marchant avec peine.

Et maintenant tu te revoies, allongé là, sur ces dunes de sable,
Mourant de faim et de déshydratation inévitables.

Et tu te demandes si ça valait vraiment la peine  de tout abandonner,
Pour mourir loin de ses proches dans le désert seul et apeuré.

À bout de forces et poussant ton dernier souffle tu comprends enfin:

-› Que la véritable richesse ne se résume pas qu'au montant en banque ou à la quantité de biens.

-› Qu'immigrer n'est pas une fin en soi,
Il vaut mieux dormir à jeûn mais dormir sous son toit.

Triste réalitéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant