Bruyère

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Heureusement pour moi, Valentin n'a pas le temps de me passer au crible, puisque ses sélections ont également lieu aujourd'hui. Nous nous déplaçons vers les pistes, non loin du terrain de football. Je me fais également abandonner par Samuel, qui doit également passer son test pour le club, même s'il est presque sûr de reprendre son poste — et il ose me traiter d'arrogante après ça. Je me place donc contre les grillages entourant les différents terrains et j'attends tranquillement. Je suis un peu déçue d'être seule, mais je suis ici pour encourager mon meilleur ami, pas pour discuter. Pourtant, je ne peux pas empêcher mes yeux de partir à la recherche de mon âme soeur. Peut-être qu'il fait également partie de l'équipe de foot ? Ce serait peut-être un peu cliché, l'écolier très intelligent, beau comme un dieu et qui pratique un sport d'équipe. Mais je m'en fiche complètement. Je n'ai jamais rien eu contre les clichés, sauf s'ils sont stéréotypés — comme celui qu'on me sort systématiquement lorsque j'annonce que je suis attaquante et non pompom-girl.

Quelques personnes passent non loin de moi et mes oreilles trainent légèrement. Encore une fois, je pourrais peut-être glaner des informations sur Tanaka, et même peut-être son fichu prénom. Je m'en veux de ne pas avoir regardé sur le panneau d'affichage ce matin et je suis allée vérifier avant de me changer, les feuilles ont été enlevées.

— Oh, tu sais quoi ? Je suis dans la classe d'Eliot cette année et il a déjà commencé à répondre aux profs ! Franchement, je croyais qu'il leur laisserait un peu de répit avant d'attaquer comme un pittbull.

— Eliot Tanaka ?

Je sursaute. Son prénom, enfin ! Je me reprends rapidement afin d'écouter le reste de la conversation.

— Je ne comprends pas toutes ces filles qui lui courent après. Alors oui, il n'est pas dégueu à regarder, mais son comportement laisse clairement à désirer. Il a toujours quelque chose à dire pour se faire remarquer et quand tu lui demandes quelque chose, il t'envoie bouler en disant que ce n'est pas un dictionnaire ou un livre de maths. La moitié de ma classe le déteste à cause de ça, parce que grâce à lui, leur prof de maths, Monsieur Bluek est constamment de mauvaise humeur, continue la première fille, qui se plaignait déjà.

J'oublie complètement les informations que je viens de recevoir pour n'en garder qu'une seule. Son prénom. Qu'il sonne bien...Il est court, et finit de manière originale. Par contre, il ne va pas très bien avec le mien. Mais je m'en fiche, ce ne sont que des croyances bizarres que j'ai lue dans des magasines. Je suis sûre que nous sommes faits pour être ensemble.

— Tu penses à quelqu'un ?

Je sursaute et manque de faire tomber mon bras de la barre sur laquelle je reposais. Je me tourne vers mon interlocutrice dont le sourire est particulièrement rieur. Mes joues rougissent violemment et je hoche la tête.

— Une personne que tu aimes ? continue Heather

Nouveau hochement.

— Comme c'est mignon. Tu l'aimes depuis longtemps ?

— La Saint-Valentin. Je suis venue ici avec une amie, et nous l'avons sortir du bâtiment. J'ai eu un coup de foudre. Je ne lui ai jamais adressé la parole.

— Oh, j'ai l'impression d'être dans un bouquin. C'est marrant. J'espère que ça marchera pour toi. Mais est-ce que je peux t'offrir un conseil ?

Je me tourne vers elle et lui souris. Elle semble si sérieuse qu'elle m'effraie un peu.

— Ne te fermes pas la porte à d'autres possibilités parce que tu as eu un coup de foudre. Crois-moi, je parle par expérience. Il y avait cette fille, vraiment belle, et tellement intéressante. Et je n'arrêtais pas de la regarder, que je ne me suis pas rendue compte que l'une de mes amies avait un crush sur moi. Je suis sortie avec mon coup de foudre, qui m'a humiliée devant toutes ses amies en me traitant de monstre. Et je suis passée à côté d'une belle histoire. Donc ne fais pas comme moi, s'il te plait. Ne sois pas un cheval avec des oeillères qui fonce sur une barrière qu'il n'arrive pas à sauter.

— Je suis vraiment désolée pour toi, Heather. Et merci de me faire confiance, vis-à-vis de ton coming out.

— Tu as l'air d'être une fille bien. Et puis, j'ai parlé de toi avec ton ami, Valentin, c'est ça ?

— Oui ! C'est mon meilleur ami. Il t'as raconté sa vie ?

— Un peu oui, parce qu'il a vu un badge sur mon sac. Franchement, personne ne le remarque jamais, et je suis contente d'avoir quelqu'un de confiance ici. Je n'en ai pas beaucoup.

Je ris. Ça ne m'étonne pas que Valentin déballe tout comme ça, à la première personne qu'il croise. Peut-être qu'elle lui a fait penser à moi, à cause des cheveux.

— C'est quelqu'un de super, crois-moi. Il ne m'a jamais laissée tombée, même quand je lui ai foutu un énorme râteau.

— Ce que tu me racontes, ça me fait penser à mon frère. Il est un peu comme ça avec moi. Je me suis toujours mise en tête que parce que je suis la plus grande, c'est moi qui doit le protéger. Mais il est suffisamment fort et quand je tombe, il m'aide à me relever.

Encore un rire, mais plus sardonique cette fois-ci.

— Je trouve que ton frère ressemble à une porte de prison. Sans vouloir le vexer.

— C'est marrant, tes joues ne disaient pas la même chose tout à l'heure. Je t'ai vue rougir comme une pivoine quand mon frère t'a parlé.

Je pique encore un fard. Il va falloir que mes joues apprennent à se taire.

— Mais pas du tout !

— Tu as le droit. Mais rappelle-toi. Ouvres-toi toutes les portes. Samsam est quelqu'

Ciel fleuriOù les histoires vivent. Découvrez maintenant