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Je n'arrive pas à l'oublier. J'ai bien essayé, mais il hante mes pensées nuit et jour. Si bien que j'ai presque arrêté de vivre. Je ne devrais pas, pourtant, vu sa réaction méchante et flippante qu'il a eue il y a une semaine.

Me faire attraper par le col puis engueuler, ça aurait dû me donner envie de ne plus jamais le revoir. Ces paroles blessantes me repoussant clairement et expulsant toute chance de devenir amis auraient dû me faire renoncer.

Mais non. Le débile que je suis veut toujours le revoir. Et puis, il m'a fait réfléchir. En disant que je me trompais totalement sur ce qu'il disait. Comme quoi je ne connais rien à sa vie. Sa pique dans les toilettes aussi. La réaction de son oncle...

Toute la semaine qui suit, je réfléchis encore et encore à propos de ça. Alec n'est même pas venu en cours. Il est peut-être malade, mais je commence sérieusement à me demander si quelque chose de plus grave encore se passe chez lui.

Alors pour m'éclaircir les idées, j'ai convoqué mes deux meilleurs amis, Cat et Ragnor. Ils pourront peut-être m'aider, eux.

D'ailleurs, les voilà qui sonnent à l'interphone. Je leur ouvre, et dès leur arrivée, je leur tends chacun un chocolat chaud qu'ils apprécient au vu de la pluie qui tombe sans arrêt depuis ce matin.

On boit chacun notre boisson en s'asseyant dans le canapé, et après quelques gorgées et une conversation bateau, mon meilleur ami commence à rentrer dans le vif du sujet.

-Alors, que se passe t-il de si urgent avec ton copain ?

-Hum...ce n'est pas mon copain, répondis-je en baissant piteusement la tête et rougissant un peu.

-Tu en as envie ? Demande Cat, ma meilleure amie, innocemment.

Elle sait trouver le petit truc. Elle met la vérité en face des gens et leur fait réaliser l'essentiel. Alors je relève la tête, les regarde chacun droit dans les yeux, et hoche faiblement la tête, avant de murmurer :

-J'crois, ouais...

Je baisse à nouveau la tête, mais mes deux meilleurs potes viennent s'assoir à côté de moi et me prennent dans leurs bras. Ils savent à quel point c'est compliqué pour moi dès que je tombe amoureux.

-Je m'étais juré de ne plus jamais aimer qui que ce soit.

-Eh bien faut croire qu'il n'est pas n'importe qui.

Mon meilleur ami m'offre un sourire communicateur, et je dépose ma tête au creux de son épaule, tandis qu'il caresse tendrement mon dos. Comme on a toujours fait, lui et Cat me rassurent en me rappelant qu'ils seront toujours là pour moi.

Après une bonne demi-heure à se prendre dans les bras et à me faire dédramatiser mon coup de coeur, Cat me demande :

-Maintenant, faut qu'on trouve un moyen de lui faire comprendre que tu l'aimes.

Avant que je ne puisse répondre quoi que ce soit, Ragnor enchaine :

-Ben, y a le beau discours, mais on sait tous très bien que t'es pas doué pour parler, se rappelant la fois où j'ai déclaré ma flamme à Camille, qui m'a ensuite brisé le coeur...

-Sympa... mais le problème n'est pas là. Il faudrait déjà que LUI accepte de me parler.

-Comment ça ?

Je souffle longuement avant de passer la prochaine heure à tout leur raconter en détail, sans rien omettre du tout. Ils m'écoutent attentivement, et ne me coupent jamais la parole, buvant chacune de mes informations en mémorisant les plus importantes, mais aussi les plus futiles.

Lorsque je finis enfin mon long monologue, je les laisse discuter cinq minutes le temps que j'aille mettre nos tasses dans le lave vaisselle et de nous re préparer trois chocolats chauds.

Je retourne dans le salon, et vu la tête de mes amis, je suis sur le point de me faire passer un sacré savon. Je blêmis légèrement et m'assois, tremblant, en face d'eux et de leurs yeux meurtriers. Ils échangent un regard pour décider qui parlerait en premier, et Catarina, fidèle à son caractère, commence à m'engueuler.

-Tu es le gars le plus stupide qui soit, Magnus Bane !!

Même si je m'y attendais, son ton me fait sursauter et je m'enfonce un peu plus dans le canapé. Ragnor se mord la lèvre et regarde le pont de Brooklyn, visible depuis mon salon.

-Pourquoi tu te retiens de rire, mon vieil ami ?

Il tourne la tête et poursuit :

-Parce que Cat a raison : t'es complètent idiot. Que tu puisses imaginer un seul instant qu'il est amoureux de son oncle, oncle qui ne contrôle pas sa force... Tous ses retards. Le fait de le retrouver en pleurs et trouver ça ridicule. Penser qu'il met du fond de teint pour cacher... il s'esclaffe et reprend son souffle, de la peinture !!

Ragnor et Catarina repartent dans un fou rire qui sonne faux,  et je leur demande ce qui leur prend, ne comprenant pas du tout, ou ne voulant pas...

Alors Cat reprend son sérieux et me regarde droit dans les yeux, presque menaçante.

-Magnus. Il est clair que ton Alec se fait maltraiter. Le fond de teint, c'est pour cacher un coquard. Il a sans doute des cicatrices aux mains. Son oncle y est pour quelque chose, et ne lui veut pas que du bien, voire tout le contraire. Je pense qu'il le bat. Franchement, Magnus, va lui parler. Confronte le, quitte à vous énerver tous les deux. Mais il ne peut pas rester seul plus longtemps. Tu vas finir par le perdre sinon.

Un silence s'en suit, tandis que je prends conscience de tout ce qu'il s'est passé depuis cette rentrée. Mes propres souvenirs se mêlent aux nouveaux que j'ai concernant Alexander. Les deux vagues d'images se mélangent... Je comprends tout, ou presque, grâce à mes deux meilleurs amis qui m'ont ouvert les yeux. Il était temps, je crois bien.

Tandis que je les remercie en silence, ils reviennent me serrer dans leurs bras, m'apportant une fois de plus tout le soutien dont ils sont dotés. Qu'est-ce que je les aime...

Dès demain, lundi, j'irai voir Alexander et appliquer les conseils de Catarina. Je ne peux pas le laisser. Surtout maintenant que je sais qu'il ne va pas bien pour de bonnes raisons. Et que ma théorie de l'inceste et celle du pot de peinture étaient complètement à côté de la plaque et débile...

J'espère au moins que rien de grave ne s'est produit de son côté...

L'ange oublié.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant