Armande se massa l'arête du nez et essaya de s'éclaircir les idées. Assassiner un Voltaire, ça n'avait pas de sens.
Les hommes et les femmes qui siégeaient au parlement de la Néo-Commune n'étaient ni des politiciens ni des affairistes. La ville toute entière était une expérience, une aventure qui fleurait l'anarchie et essayait de proposer une nouvelle manière de vivre la cité.
Officiellement, Paris était toujours la capitale de la France. Dans les faits, il s'agissait d'une entité autonome qui luttait pour sa reconnaissance internationale. Entre les deux, on naviguait en zone grise.
Voilà plus de trente ans, une période de chaos avait secoué le monde et l'Europe en particulier. À Paris, un mouvement populaire initié par des hacktivistes avait accouché d'une situation en équilibre constant.
Les Fondhackers, comme on nommait ceux qui menèrent la révolte parisienne, avaient instauré un système où les Représentants n'étaient plus élus, mais désignés par un algorithme informatique. Partiellement aléatoire, celui-ci assurait une répartition équitable des différentes catégories socioculturelles qui composaient la cité.
Désignés pour une durée de un an, les Représentants siégeaient de façon anonyme. La toge et le masque qu'ils arboraient étaient tout autant un hommage aux origines de la révolte, qu'un moyen d'assurer cet anonymat.
Le système était fait de telle sorte, qu'il était impossible de connaître l'identité des Représentants. Et c'était bien ce qui chagrinait Armande. Assassiner un Voltaire ne rimait à rien.Elle se massa le cou et chassa une mèche orange de son front. Évidemment, il fallait que ça tombe sur elle.
Elle ruminait encore quand un grand Eurasien entra dans son bureau sans prévenir ni s'annoncer. Il portait un long manteau noir clouté qui traînait jusqu'au sol, des bottines du même acabit, un pantalon serré et bleu vif, voire fluo, ainsi qu'un haut de la même couleur. Ce faisant, il devait être un des derniers représentant de la mode vestimentaire « BLOC IN BLACK » tel qu'elle sévissait dans les cours de lycées trente-cinq ans plutôt. Car le gaillard accusait déjà cinquante ans. Cependant, on devinait mal son âge, la faute à des cheveux teints en bleu métallique et un visage que les rides évitaient. Et visiblement, il n'avait plus consulté un flux de mode depuis la période où il usait les antiques écrans tactiles à l'école.
Armande excusait sans problème cette excentricité, et quelques autres, pour la simple raison que Samuel Hong était probablement le meilleur détective de toute la brigade.
— Salut, Môchi.
Armande recula dans son siège et lança une mine désabusée à l'arrivant.
— Je t'en prie, donne-toi la peine d'entrer.
Samuel Hong ne remarqua pas le sarcasme et s'assit lourdement dans un des sièges libres.
— Il paraît que Blowsky t'a refilé le bébé ?
— Nous. Blowsky nous a refilé le bébé.
— Ouais.
Sam n'avait jamais été expansif. Dans son esprit, il ne faisait pas de différence en Môchi et l'équipe. C'était elle la boss, donc quand Blowsky lui confiait une affaire, il la confiait à l'équipe. Simple.
— Ça se présente si mal ? demanda-t-il.
— Moyen. J'attends l'autopsie.
Sam hocha la tête.
— Dans les flux, ils racontent que c'est une agression sexuelle.
Armande grimaça. Les chaînes de flux cherchaient toujours le sensationnel, et quand il n'existait pas ou qu'il ne l'était pas assez, elles en inventaient ou en rajoutaient. Elle aussi, elle avait vu les derniers reportages en date.
![](https://img.wattpad.com/cover/188556280-288-k791174.jpg)
VOUS LISEZ
ReVoltaire
Science FictionNéo-Commune de Paris, dernier quart du XXIe siècle. Dans la cité, devenue libertaire et autonome, la politique et le suffrage universel sont abolis depuis longtemps. Elle est dirigée par des représentants anonymes, désignés de façon équitable par u...