Chapitre 8

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Nos mains enfouies dans nos poches, nous marchions depuis une demi-heure sous un soleil écrasant. La végétation avait rapidement remplacée les habitations. Après ce qu'il s'était passé sur Tempest et l'évènement de la veille, nous avions décidé d'éviter le plus possible les interactions avec d'autres personnes.

Après avoir échappé à la ville et son agitation, nous avions marché longtemps entre des champs de blé, de tournesol ou de petits pois, découpés par des petits cours d'eau. Voilà quelque chose que je connaissais et qui me rappela chez moi. On traversa même des rizières avec leurs bandes de verdure empilées en escaliers.

Marius avait dit que le portail se trouvait en pleine forêt. Et depuis quelques minutes, la forêt, ce n'était pas ce qui manquait. Il n'y avait que ça autour de nous depuis plus d'une demi-heure. Tout en longeant un des nombreux cours d'eau qui la serpentaient, je sortis ma gourde avant de la secouer, réalisant qu'elle était vide.

- Je vais aller la remplir dans le ruisseau là-bas, informai-je Jason en m'éloignant.

- Attends ! Cette eau vient de la ville. C'est celle qui coule dans les rues, je ne pense pas qu'elle soit potable.

Je grimaçai en imaginant tous les déchets qu'elle devait contenir. Je me rapprochai du bord de la rivière que nous longions et qui s'écoulait dans le sens inverse. Elle avait creusé dans la terre rendant son lit assez profond et l'eau ne montait pas jusqu'en haut.

- Aide-moi à descendre, demandai-je à Jason en tendant une main derrière moi, déjà tournée face à la rivière.

Jason me prit la main et je descendis lentement sur les bords raides du cours d'eau. La terre était humide et mes pieds glissaient sur la surface terreuse jonchée de racines.

Après plusieurs essais infructueux, je finis par avoir un appui plus ou moins stable et tout en serrant la main de Jason qui lui-même s'agrippait au tronc d'un arbre, je tendis ma gourde. Le goulot de la bouteille frôla l'eau mais pas suffisamment pour que je puisse la remplir. Je tirai un peu plus sur mes bras. Il ne manquait que quelques centimètres. Il suffisait d'une petite vague pour que l'eau y pénètre. Juste encore un peu...

Soudain, un filet d'eau se détacha de la rivière créant un serpent aquatique qui se tortilla avant d'entrer dans ma bouteille. Je fus tellement surprise que je faillis la lâcher. J'aperçus un éclat lumineux sur ma main qui tenait la bouteille mais il disparut aussi vite qu'il était apparu. Je secouai la tête troublée.

Je tins fermement ma gourde tout en réescaladant le mur de terre. Il ne fit aucun commentaire sur ce qu'il venait de se passer, me faisant douter. N'avait-il rien vu ? Est-ce que j'avais rêvé ?

Nous recommençâmes à marcher en silence. L'eau ne pouvait pas se transformer d'elle-même en serpent pour entrer dans ma gourde et j'étais persuadée d'avoir le bras trop court pour y tremper ma bouteille. Je refermai ma bouteille en chassant ces pensées. J'avais mieux à faire, comme trouver ce fichu portail.

Malgré les indications précises de Marius, on réussit à se perdre.

- Tu fais quoi ? me demanda Jason alors que je m'asseyais sur une pierre, au milieu d'une petite clairière.

- Je fais une pause. On clairement est perdus et je suis fatiguée. Figure-toi que j'ai rêvé que des insectes me grimpaient dessus alors que je dormais sur le canapé. Et je n'ai pas vraiment réussi à me rendormir après ça.

Un léger sourire illumina son visage alors qu'il se laissait tomber à son tour sur une pierre.

« J'ai bien fait de prendre le tapis » l'entendis-je murmurer.

Je ne répondis pas et me contentai de secouer la tête amusée.

- Alors monsieur j'ai tout retenu, on est moins sûr de soi maintenant ? le taquinai-je.

Il grimaça en ma direction et tourna la tête. Je pouffai avant de reprendre mon sérieux. Je levai les yeux pour observer autour de moi.

Ce que j'avais pris pour une clairière était en fait plutôt un champ de pierre. À vrai dire, ça ressemblait plus à un champ de ruines. Certains rochers formaient des murs. L'un d'eux ressemblait à la façade d'une maison. Un trou rectangulaire se trouvait là où une porte avait dû se tenir jadis. L'ouverture était surplombée par un dessin gravé sur une pierre ronde incrustée dans la roche. Je me levai pour l'inspecter de plus près. Le signe me disait vaguement quelque chose. Je l'avais déjà vu. Dans ce monde. Je posai mes mains sur la pierre. Elle devait avoir plus d'un siècle. Ce symbole datait peut-être de l'époque dont Marius nous avait parlé. Pourtant j'étais sûr de l'avoir déjà vu.

Je fermai les yeux, repassant ces derniers jours dans ma tête. L'école. L'ascenseur. Les hommes en noirs. Les cris des personnes que j'avais menées à la mort. La vague d'énergie qui m'avait traversée lorsque les portes s'étaient finalement ouvertes. Notre course effrénée jusqu'à la forêt. J'avais tourné la tête pour surveiller l'avancée de nos agresseurs. Ils étaient sur le seuil de l'école. Les débris de verre reflétaient la lumière des lunes et un cercle bleu dessiné au-dessus de la porte brillait de mille feux. Un cercle avec à l'intérieur trois tourbillons. Mais oui ! Le signe gravé sur la pierre était le signe d'une école ! Ce n'était pas celle du continent Tempest, c'était évident. Ça ne pouvait qu'être celui d'Hudôr. Ces ruines étaient donc antérieures à la construction des écoles, et sûrement contemporaines l'époque où les manipulateurs vivaient en harmonie avec les humains.

- Jason ! m'écriai-je, je crois que j'ai trouvé quelque chose.

Il fut à côté de moi en quelque secondes. Je lui expliquai ma découverte.

- Son histoire tient vraiment la route alors...

Il observa le symbole, pensif.

- Il ne nous a pas dit qu'on le saurait lorsqu'on aurait trouvé le portail ? Et bien je crois que c'est ici.

- On ne perd rien à essayer.

Je levai ma main et la posai sur un mur, mon anneau bien en évidence. Il avait dit de montrer nos bagues non ? J'attendis, attendis et attendis. Rien ne vint troubler le calme de la forêt.

- Je ne crois pas que...

L'eau d'une flaque de la taille d'un tapis qui se trouvait juste derrière la paroi commença à se mouver. Des vagues se créèrent à sa surface, naissant au centre et s'étendant vers les extrémités gauches et droites. L'eau se sépara pour s'agglutiner de chaque côté. Le petit cratère à présent à nu s'ouvrait sur un escalier.

Je jetai un coup d'œil à Jason avant de m'avancer. À ma grande surprise, le sol n'était pas mouillé et les marches d'escalier ne glissaient pas. Il n'y avait aucune trace de la moindre goutte d'eau. Comme s'il n'y en avait jamais eu. Lorsque j'eus descendu plusieurs marches avec Jason, l'eau se déplaça à nouveau, comme mue par une force invisible et recouvrit l'entrée, ne laissant passer qu'une faible lumière bleutée. Nous n'avions plus d'autre choix que de descendre ces escaliers au fin fond de la terre.

LuminescenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant