Chapitre 1

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J'éteignis la lumière avec empressement, impatiente de m'endormir et de sombrer dans mes rêves. Ou plus précisément, dans un rêve que je faisais toutes les nuits et dont je gardais de très nets souvenirs en me réveillant. Le décor était toujours le même. Une salle de classe sans professeur avec seulement quelques élèves. Le bâtiment devait dater du siècle dernier avec ses bureaux doubles tapissés de trous rongés par les mites et recouverts de tellement de gravures qu'il aurait été impossible d'écrire sur une feuille sans planter la mine du stylo dans une fente creusée dans le bois. Il y avait les ordinaires M + J entourés d'un cœur, des gros mots, que les jeunes de me génération prenaient un plaisir à écrire partout où ils le pouvaient, des déclarations d'amours et, perdues au milieu de toutes ces marques, se trouvaient des dates. Tous les bureaux en face desquels je m'étais trouvée en possédaient au moins une dizaine. Comme pour montrer l'écoulement du temps. La plus ancienne que j'avais aperçue datais de 1917. Le bois s'était effrité autour, preuve qu'elle y avait été gravée des dizaines d'années auparavant. Mon inconscient avait vraiment créer ce monde avec tous les détails.

Je faisais ce rêve depuis mes dix ans. Mais à cette époque je n'y allais presque qu'une fois par année. Ce chiffre avait sans cesse augmenté jusqu'à dernièrement où je plongeais dans ce monde imaginaire toutes les nuits.

Je pris une grande inspiration et fermai les paupières. Evidemment, il me fallut une éternité pour sombrer dans le sommeil. Comme d'habitude, je me retournai encore et encore avant d'être finalement transportée dans la salle.

Je me retournai pour regarder la place vide, tout au fond. Il n'allait pas arriver avant plusieurs heures. À côté de moi une fille endormie apparu silencieusement affalée sur son bureau.

Au début, l'apparition et la disparition soudaine de personnes m'avaient troublée, mais ça avait fini par devenir normal. En une nuit, il y avait beaucoup d'allés et venus de différentes personnes de toutes cultures et origines. Cet éternel flot d'individus devait se poursuivre même après mon départ.

Je ne comprenais pas pourquoi j'avais inconsciemment construit un monde aussi étrange, mais, avec les années, j'avais fini par renoncer à m'interroger sur les mystères de mon esprit.

Jason semblait être la seule chose qui avait sa place dans mon rêve.

Jason Feuerwerk. Un chanteur de dix-neuf ans qui avait fait connaître sa musique dans le monde entier. J'avais entendu parler de lui a la télé et écouté plusieurs de ses chansons.

Dans chacun de mes rêves, il était nonchalamment assis sur une chaise de bureau et se contentait de griffonner sur un papier. Ses cheveux bruns foncé presque noirs brillaient sous l'éclairage des néons, ses yeux noisettes pétillaient et ses bras musclés se contractaient lorsqu'il faisait glisser la pointe de son stylo sur le papier. Il mâchouillait parfois le haut de son crayon en fronçant les sourcils.

J'avais fait sa connaissance quelques jours plus tôt, après avoir pris mon courage à deux mains pour aller lui parler. Ses yeux bruns s'étaient posés sur moi et sa voix grave m'avait données des frissons.

La nuit suivante, c'est lui qui était venu à moi. Il arrivait toujours vers la fin de mon rêve et nous avions donc pas beaucoup de temps ensemble avant que je ne me réveille. Vu que ce n'était qu'un songe, je pouvais ignorer le fait qu'il était une star et me comporter comme si j'étais face à un garçon ordinaire. C'était devenu un ami imaginaire. Il appartenait à mon rêve après tout.

Je me levai et sortis de la salle. Je ne savais jamais combien de temps j'avais devant moi. Il m'était déjà arrivé d'arriver pour repartir aussitôt ou de rester si longtemps que je m'endormais la tête sur une de ces vieilles tables.

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