Du fond de la classe, je médite en regardant par la fenêtre un immense arbre au sommet duquel sont perchés de drôles d'oiseaux. Au plumage coloré, ils me semblent prêts à décoller. Je les fixe en guettant le moment où ils s'envoleront. Le vent souffle fort et file entre les branches. A travers l'épaisse vitre, nous n'entendons qu'un doux chuchotement. J'essaie de me concentrer sur ces murmures, mais le chahut de ma classe rend ce travail compliqué. Je ferme alors les yeux.
J'entends bien, voire trop, les bavardages de mes camarades, le grattement des stylos, le tintement des fioles, et les froissements des feuilles. Mais je parviens à discerner aussi le son du vent. Je devrais pourtant être concentrée, le TP que nous allons réaliser est noté et exige une certaine dextérité. Notre professeur prend la parole, détournant mes pensées. Je soupire alors, en tentant de ne pas céder à l'ennui et à la fatigue qui pèsent sur mes épaules depuis quelques semaines. Les préventions de notre professeur sont longues, bien trop longues et bien trop barbantes. Le silence qui plane soudainement autour de moi devrait pourtant me faire comprendre que la manipulation qui va suivre n'est pas à prendre à la légère. Mais je ne réalise pas, et tente de faire bonne impression.
« Commencez, annonce notre professeur. »
Je me frotte les yeux, et demande à mon voisin de table s'il peut aller chercher le matériel. Il me regarde avec de grands yeux. Ce garçon a toujours un regard immense. On dirait qu'il est en permanence surpris ou effrayé. Loin d'être méchant, il est juste un peu perdu dans ses pensées. Aujourd'hui, je suis cependant la plus déconnectée du monde. Lorsqu'il revient avec des flacons recouverts de signaux inquiétants et colorés, et les pose sur notre bureau, j'en saisis un et l'observe avec attention. Une attention toute factice qui ne trompe personne. Faisant mine de lire les avertissements, je laisse mon collègue commencer la manœuvre délicate. Il tremble, et je ne comprends pas pourquoi.
Je remarque qu'il porte, ainsi que tous les autres élèves, des gants, des lunettes et un masque qui lui recouvre la bouche et le nez. Je le remarque, mais ne prend pas la peine d'aller en chercher.
Notre professeur passe entre les tables en réprimandant parfois un élève dont le gant est mal mis, ou dont le masque est de travers. Une fois à notre niveau, je fais mine de m'intéresser aux lunettes que mon camarade a gentiment apporté pour moi.
« Ne commencez pas sans protection, mademoiselle Jekyl, dit-il »
J'acquiesce. Une fois mon professeur de dos, je repousse avec négligence les gants en plastique bleus. Je sens le regard réprobateur de mon voisin, mais ne le note pas. Puis, je retourne à ma méditation et me penche vers la fenêtre. Les oiseaux sont partis, et je maudis toutes les entités qui puissent exister ou non, de m'avoir fait rater leur décollage. D'une humeur massacrante, je croise les bras en repensant à tout ce qui n'aurait pas pu être pire dans cette journée.
Me levant en retard de trente minutes pour aller en cours, j'ai débuté ma journée par une course contre la montre pour me préparer. J'ai couru pour attraper le bus qui est passé devant moi. Je me souviens bien de ces collégiens qui, à travers la vitre du bus, m'ont adressé des gestes obscènes en riant si fort que je parvenais à les entendre. Puis il y a eu ce moment où je me suis pris une porte dans les couloirs, et devant un groupe entier d'élèves qui n'ont pas loupé l'opportunité de s'esclaffer à leur tour. Je n'oublie pas non plus la malheureuse inondation provoquée par mon verre d'eau qui s'est renversé pour submerger la table où j'avais étalé le devoir que je devais rendre l'heure d'après.
Aussi, lorsque le cours se finit, je pousse un souffle de soulagement, rassurée à l'idée d'être au labo dans une demi-heure, où je fais mon stage. Lorsque la sonnerie retentit, je saute de ma chaise, range mes affaires et, comme à mon habitude, je suis la première à sortir de la salle de classe.
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Sensationnel
Science FictionDeux inconnues que rien ne rassemble se retrouvent, sous la pression sociale, au sein d'un Programme miracle garantissant la guérison des maladies et blessures même les plus graves. Malgré de lourds handicaps, elles doivent se serrer les coudes et c...