Chap 4 : Adriana

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« Ne pleure pas, mon fils. Tout va bien, regarde, je n'ai rien. »

Comme j'aimerais pouvoir prononcer ces mots, mais j'en suis incapable. Je n'ai même pas la force de me relever, alors que mon petit garçon crie de tous ses poumons. J'entends sa tristesse, je ressens sa douleur, et alors la mienne n'a plus d'importance. Mon fils, attrape la main que je te tends, je t'en prie. Serre-là et réchauffe-là de tout l'amour que tu me portes. L'intégralité du courage que je montre, il me vient de ta force. Comment pourrais-je vivre ainsi, sans toi ?

Ce n'est pas de la chaleur que je reçois dans ma main, mais une agréable fraîcheur. Après avoir bu une gorgée d'eau du verre que l'on vient de m'offrir, je commence à me détendre. Mes jambes ne tremblent plus, mais mon dos continue de me montrer qu'il souffre. C'est comme si on m'avait planté des milliers d'aiguilles dans la colonne vertébrale. Visiblement, je n'ai rien de cassé, je n'aurais jamais pu me relever et rentrer si ça avait été le cas.

« Maman... Tu vas mieux ? » me demande une petite voix hésitante.

« Viens, Rémi. » je réponds en présentant mes bras ouverts vers cet adorable petit être. Celui-ci n'attend pas une deuxième offre et se blottit contre ma poitrine. Je n'ose imaginer le regard qu'il porte sur moi à cet instant. Il a vu sa propre mère incapable de se défendre, et il n'a pas pu faire quoi que ce soit. Ce sentiment d'impuissance, je le ressens tous les jours, mais aujourd'hui il est décuplé par les bleus qui ont sûrement déjà fait leur apparition sur mes côtes. Alors que je caresse ses cheveux soyeux, une sonnerie retentit. C'est une alarme provenant de mon téléphone, la chanson préférée de Rémi.

« Papa appelle ! » s'exclame ce dernier tout en s'agitant à la recherche de l'objet convoité. Il court vers la cuisine, et revient vers moi à la même allure. Il prend le temps d'appuyer sur le bouton « décrocher » avant de placer le téléphone dans ma main droite, après quoi il reprend sa position, visiblement confortable.

« Adriana, tout va bien ? J'ai reçu un SMS de Rémi tout à l'heure, je n'ai pas compris ce qu'il racontait. Qu'est-ce qu'il s'est passé ? »

Je me demande quoi lui répondre. Comment lui expliquer que je marchais dans la rue en ramenant notre fils de l'école, et qu'un adolescent a décidé de déverser sa colère sur moi, pour aucune raison ? Il se mettrait en tête de trouver les parents de ce jeune homme et de se venger. Et puis, il n'a pas frappé si fort que ça, non plus. J'ai connu de plus grandes douleurs. Il y a sept ans de cela, par exemple, lorsque je suis tombée de ce fichu échafaudage qui m'a coûté la vue, et qui a failli m'enlever mon fils.

« Je t'expliquerai ce soir, ça vaudra mieux. Ne t'inquiète pas, ce n'est rien de grave. Retourne au travail, je t'aime.

- A ce soir, papa ! ajoute alors Rémi, toujours allongé dans mes bras. »

Du haut de ses six ans, c'est le petit garçon le plus adorable du monde. Tout le monde voudrait avoir un fils comme le mien. Il est si gentil, et si mignon... Enfin, d'après Thomas. Tous les jours, lorsque je l'entends rire innocemment, j'imagine son sourire, et ses yeux. De quelle couleur sont-ils ? Et ses cheveux ? Est-il au moins bien coiffé ? Et bien habillé ? Mon fils, me souris-tu quand tu me vois ?

Comme je regrette cette erreur d'inattention... J'y ai laissé une importante partie de moi, celle qui me permettait d'exercer ma passion. J'ai dû m'en trouver une autre, mais cela n'a pas été chose aisée. Maintenant, quand je ne suis pas mère au foyer, je suis créatrice de parfum. A défaut de voir, je peux toujours sentir et toucher. Cependant, j'essaie de conserver la dextérité acquise de mes nombreuses années de dessin, en agitant la main en l'air, ou en dessinant avec mon fils alors qu'il me guide, comme toujours. Les premières années de sa vie ont été turbulentes, Thomas faisait presque tout le travail, le pauvre. Maintenant, j'ai presque l'impression que Rémi prend plus soin de moi que je ne m'occupe de lui. Il est intelligent, indépendant, fort, créatif et charitable. Je pense qu'il a été incroyablement bien été élevé, et je n'en suis pas peu fière.

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