Voilà bien une demi-heure que j'attends devant le bureau de Lucien. Ce dernier doit probablement recevoir de nombreuses visites dans la journée car il a installé des chaises dans le couloir, ainsi qu'une table où jonchent des magazines. Ancienne musicienne que je suis, je bats du pieds, l'attente devenant insupportable. Je jette un regard à ma montre et constate en fait que je ne patiente que depuis dix minutes.
Lorsque qu'une personne s'assoit à côté de moi, je ne lui adresse pas même un regard. Depuis mon réveil, ce matin, une angoisse me tord l'estomac, comme si mes entrailles s'emmêlaient et se tordaient violemment. Soudain, une main apparaît dans mon champ de vision, et je me tourne en direction de son propriétaire . Mon voisin n'est autre que Jean, le vieillard du groupe de soutien. Un large sourire se dessine alors sur mes lèvres. J'aime bien ce vieil homme qui, à chaque réunion, prend le temps de parler avec chacun pour demander des nouvelles, et aborde cet air serein et apaisé malgré une maladie qui rendrait n'importe quel humain fou.
Je sors immédiatement mon carnet et lui tend.
« Qu'est-ce que tu fais là ? m'écrit-il.
- Je viens voir Lucien.
- Qui est-ce ? Ce nom me dit quelque chose...
- Un infirmier qui m'a fait une proposition. »
Son regard se couvre soudainement d'un voile sombre. Je n'avais jamais vu ces yeux sur lui. Ce n'est pas son genre, lui qui est d'un optimisme et d'une gaieté à toutes épreuves. Il m'attrape vite mon cahier et y gratte avec rapidité et frénésie quelques lignes. Mais une main se pose sur mon épaule avant que je ne puisse le reprendre. Il ne s'agit que de Lucien, mais je ne peux m'empêcher de frissonner. Mon corps devient d'une lourdeur désagréable et je peine à me relever. Je reprends tout de même mon carnet à Jean, le range maladroitement dans ma poche, les mains fébriles et tremblantes, et suit Lucien en jetant un dernier regard à mon camarade du groupe de soutien. L'air dépité qui se peint sur son visage livide ne fait que renforcer l'inquiétude qui me ronge de l'intérieur.
Une fois assise dans le bureau de Lucien, je chasse cette terreur insensée et illogique qui m'envahit et offre mon plus beau sourire à Lucien. Je n'ai rien à craindre, il veut juste me faire une offre . Et puis, il fait partie du Programme, je ne risque absolument rien.
« Bonjour, comment vas-tu ? m'interroge Lucien, une fois posté face à moi.
- Tout va bien merci, je suis assez curieuse.
- Et bien ne perdons pas de temps. Je suppose que si tu es là, c'est parce que tu as réfléchi à mon offre.
- Oui, et je voudrais en savoir plus, demandé-je en me penchant en avant.
- Le seul problème, c'est que le principe de ces missions est que tu n'en sauras jamais plus que tu ne dois.
- Comment ça ? interrogé-je, en fronçant les sourcils. »
De nouveau, la peur me broie le ventre, mais je la fais taire en me répétant que Lucien fait partie du Programme.
« Je vais essayer de t'en dire le maximum : le Programme ne pourra probablement pas te payer une opération avant deux voire trois ans. Les missions que tu réalises ne sont pas assez rémunérées. Et je veux te permettre de reprendre un quotidien normal d'ici quelques mois. C'est pour cela que je propose d'effectuer des missions qui te rapporterons bien plus que ton simple travail de femme de ménage.
- Quels genres de missions ?
- Elles ne sont pas communes et peuvent être dangereuses, c'est tout ce que je peux te dire. Mais tu commenceras par un simple échange de colis puis, tu pourras, si tu te sens capable de continuer, monter en grade et enchaîner les missions qui te rapporterons bien plus. »
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Sensationnel
Science FictionDeux inconnues que rien ne rassemble se retrouvent, sous la pression sociale, au sein d'un Programme miracle garantissant la guérison des maladies et blessures même les plus graves. Malgré de lourds handicaps, elles doivent se serrer les coudes et c...