Chapitre 3

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J'avoue que c'est un nom assez ridicule à donner à une chanson, 《Lily ha hey》. C'est d'ailleurs sûrement pour ça que les flics n'en ont pas tenu compte. Mais du coup, cela voudrait-il dire que mon père s'adressait à moi, 12 ans en avant?

Je me rappelle que cette chanson prenait une place assez particulière entre mon père et moi - il m'amenait tous les dimanches, près d'un lac non loin de chez nous. C'est là qu'il commençait à me parler de la fille de l'histoire: Lily.

C'est d'elle que parlait la chanson. La chanson disait en gros que notre Lily rêvait de découvrir les présumés secrets du lac, qui semblait si normal et clair, mais était persuadée que ce n'était que la surface cachant des choses que de simples passants ne pourraient remarquer. Elle décida donc d'observer ce lac chaque jour, attendant qu'un événement vienne perturber la paisibilité de celui-ci. La chanson appuyait sur le point qu'elle pouvait y rester des journées entières. Le dernier couplet annonce que la jeune et naïve fille commence à voir quelque chose surgir des profondeurs du lac... Et l'histoire s'arrête là, nous laissant sur notre faim.

Je reste sous le choc, car une pensée traverse mon esprit. J'essaie de la faire fuir, car cela me paraît tout bonnement impossible, mais j'ai beau réfléchir, j'arrive à la même conclusion: et si cette chanson avait une signification, au-delà de la vision de cette Lily?! Et si à travers cette chanson, mon père me transmettait un message, au moi du présent? Non, je délire là.

Je m'assois sur la chaise, m'adossant à son dossier. Je croise les bras, une main constamment posée sur mon visage, mon index levé, réfléchissant. J'ai toujours l'habitude de trouver des raisonnements logiques, mais là, la seule chose que je trouve, m'est insensée. Voudrais-je tellement retrouver mon père que je m'inventerais des choses? J'ai beau faire le tour dans ma tête, rien à faire, je me raccroche à cette hypothèse. Demain, je serai la Lily du lac. J'espère qu'elle n'a pas eu une fin trop tragique.

Je sens mes yeux lourds, mais je m'obstine à rester éveillée. Je pose ma tête contre le bureau, je contemple à nouveau la photo... Mes doigts viennent lentement se poser dessus, comme s'ils essayaient de caresser l'homme, désespérément. Mes yeux se ferment, une dernière pensée rejoint mon esprit avant de m'endormir: Aaah, j'aimerais tellement le revoir.

•••

Je me réveille aux sons des toquements de ma porte. À moitié endormie, je lève mon regard vers l'horloge, indiquant les 6h31 du matin. Ma grand-mère n'avait aucune raison de faire ce tapage à cette heure-ci. Ah, si. J'avais oublié que j'avais fermé la porte à clé et la connaissant, elle doit flipper. Je me lève d'un bond de ma chaise, sans même réaliser dans quel état je me suis assoupie. J'ai failli ouvrir directement la porte, mais je prends la sage décision de vite ranger le dossier, hors de vue. Cela serait dommage de se faire cramer si bêtement.

J'ouvre la porte, m'exclamant:

-Bonjour mamie!

Et là, tous les muscles de son visage se décontractent, laissant place au soulagement.

-Ma p'tite Lee! (C'était le surnom qu'elle me donnait) Tu m'as fait peur, pourquoi tu t'es enfermée comme ça? Ça ne te ressemble pas!

Il faut dire qu'après un membre disparu dans la famille, on peut vite devenir parano. Et l'âge ne rend pas service. Ne vous détrompez pas - c'est ma grand-mère du coté de ma mère, et non l'inverse. Je ne connais pas la famille de mon père et, comme vous l'aurez compris - je n'ai plus de mère. En ajoutant un père disparu, cela fait qu'il ne me reste plus qu'elle. Le seul vrai lien qui me rapproche de celui d'une relation familiale. J'espère qu'elle au moins restera pour toujours à mes cotés.

Je lui explique donc que j'étais tellement fatiguée hier que je ne me suis pas trop rendue compte de ce que je faisais. De toute façon, je me dis que n'importe quelle excuse lui conviendrait. Elle me propose des oeufs brouillés pour le petit-déjeuner. Je me prépare, engloutis mon repas et file vers la sortie.

-Oh ma chérie, tu pars déjà travailler?

-Oui, dure journée! À ce soir!

Je pourrai inventer n'importe quoi à n'importe qui, mais je déteste lui mentir. D'un autre côté, je ne me vois pas lui dire: "Yo mamie bah tu vois ta p'tite fille va chercher ton gendre, tranquillou!". De plus, je dois me rendre à l'endroit le plus vite possible, à la recherche du moindre indice, quitte à attendre du lever du matin jusqu'au coucher du soir. Pas le choix, si je veux être la fille du lac.

Arrivée là-bas, je m'étonne à quel point rien n'avait changé - le décor restait le même. À une personne près. Je marche machinalement vers ma place habituelle. J'attends.

J'ai vraiment l'impression d'attendre une éternité. Je consulte ma montre. Seulement une demi-heure avait passé. Un parfait exercice pour faire travailler ma patience.

J'essaie toutes sortes de techniques pour faire passer le temps; je me fredonne la chanson, une fois, puis deux, j'entre dans la peau du personnage, regardant la surface du lac comme une idiote. Je me mets à détester les paroles, la mélodie, cette Lily... Une fois la nuit tombée, j'en viens à conclure de ne plus me prêter à ce genre d'idées.

J'attends quand même encore une heure. Toujours rien. Agacée, je me lève. Je m'approche du lac, en colère, allant limite à lui crier dessus, comme s'il sagissait d'une personne. Je m'approche... Et m'approche...

Quelque chose attire mon regard. Je trouve un amas de cailloux. Je me rappelle qu'à la fin de ces journées, chacun son tour jetait un caillou, criant une phrase improvisée. Autant finir ce fameux rituel. Je décide de prendre celui le plus enfoui au sol, c'est ce que je faisait souvent petite. Mon père disait toujours que ça reflétait bien mon caractère. J'en prends un de très grosse taille, le lance à l'eau en criant: "FOUTUE LILYYY!".

Comme d'habitude, il arrive assez loin. Je l'entends tomber à l'eau, mais avec un << plouf >> anormal, ce qui attire mon attention. Je ne vais tout de même pas... Oh et puis tant pis, au point où on en est!

Je me "jette à l'eau", curieuse par le bruit. J'arrive au point d'atterrissage de la pierre, quand j'entre-aperçois quelque chose tapis sous l'eau. Plutôt presque entièrement sous l'eau, vu que le caillou l'a touché.

C'est une grosse boite carrée de verre, transparente.
J'arrive à lire la face de l'intérieur:

<<À ma chère fille du lac>>.

Jusqu'où j'iraiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant