Chapitre 6

62 12 52
                                    

Je me réveille après un lourd sommeil. Il faut dire que j'avais des heures à rattraper. Je me prépare: sac à dos contenant de la nourriture, à boire et mon porte-feuille. J'y ajoute les feuilles avec ce que j'ai planifié la veille; les stations et arrêts, ainsi que les moyens de transport à prendre.

J'enfile ma casquette. Je suis habillée en mode road trip, car c'est un long voyage vers le désert, au sens figuré. Je compte faire un aller - retour simple, sans repos entre les deux, même si cela me fait revenir le lendemain tôt dans la matinée. Après, je ne sais pas du tout à quoi m'y attendre une fois arrivée à destination donc je prends quand même mes précautions en emportant avec moi assez d'argent.

Je ne peux pas partir le ventre vide, alors je mange mon petit-déjeuner avec ma grand-mère, qui ouvre la discussion:

" Tu es habillée assez... différent de ton habitude. Tu vas quelque part ma chérie?

- Je vais faire de la randonnée. Ça va m'aider à décompresser un peu.

- Oh, je vois. Bonne balade alors!

Elle m'adresse un sourire. Je le lui renvoie.

- Dis, mamie... Pourquoi tu m'as pas dit qu'un collègue de travail était passé me voir?

- Excuse-moi de n'avoir rien dit. Je ne l'ai pas fait à sa demande, car il m'a dit que tu risquais de t'énerver si tu apprenais sa visite.

- Pourquoi m'énerverai-je?

- C'est pas parce qu'il a sécher des heures de travail? Comme je te connais bien, il m'a dit que tu ne pardonnais pas quand il était en retard.

C'est un bon menteur lui dis donc.

- Ouais. Mais du coup il t'a raconté pourquoi il est venu?

- Pour te donner un dossier, non? Il ne t'avait pas vu au commissariat mais ce n'est qu'après être arrivé qu'il s'est souvenu que tu étais sur le terrain pour une autre affaire.

Il ment vraiment très bien. Ou c'est grand-mère qui est trop dupe.

- Je voulais juste vérifier qu'il ne t'ai pas dit d'âneries.

- Non, c'est un mignon jeune homme. Il m'avait l'air de s'intéresser à toi, car il m'a posé pleins de questions sur toi.

Comme on pouvait s'y attendre. Il a vu que j'ai menti à ma grand-mère en prétextant que j'allais travailler ce jour-là, et cela a dû lui paraître bizarre. D'où son comportement après. J'espère qu'il n'en a pas trop appris.

- Bon, assez parler de lui. Mamie, j'y vais. Ne t'inquiète pas, je rentrerai sûrement tard. Je te joins par téléphone, de toute manière.

- Fais attention à toi. Et essaie d'être plus douce avec lui, malgré ton caractère."

Mamie doit être la seule à connaitre mon vrai caractère. Car aux yeux des autres, je suis la vraie fille modèle. Il faut que je garde cette image, avec la fouine aussi, même si la tâche n'est pas facile avec lui.

Je sors de l'immeuble, m'apprêtant à démarrer mon voyage. Avant de tourner vers la gauche, je m'attarde sur quelque chose d'anormal: une voiture devant moi, garée en double file, avec une main sortant de la fenêtre pour m'adresser un coucou. Je plisse des yeux afin de voir bien au clair le conducteur, et... Oh, non, j'aurai dû m'en douter.

" Hey! Alors comme ça tu croyais partir sans moi?!

- Que fais-tu là, Rob-bert? Dis-je d'un sourire hypocrite.

- Aller, monte! Je t'emmène.

Aha, il a rêver lui.

- Écoute... euh... comment dire...

Comment dire d'une façon la plus adaptée à mon image?

- Tu ferais mieux de laisser tomber. J'ai déjà tout prévu comment y aller...

- Bon ok alors. Si tu veux pas venir, je te suivrai en voiture.

Il m'a coincé. Mais je peux quand même pas accepter:

- Écoute tu vas arrêter de me suivre sans arrêts et de te mêler de ce qui ne te regarde pas, trouve toi une vie enfin!

Oups, mon image s'est envolée maintenant.
Il me fixe. Puis, tourne sa tête du côté passager de la voiture. Il en ressort un dossier. Il me le tend en disant:

" Tu peux me dire pourquoi le dossier José Cooper ne parle pas du tout de José?

Mince, il a mis la main sur le dossier que j'avais dissimulé à la place de celui de mon père. Il continue:

- Regarde, je savais pas que c'était une fille en fait! Bon, elle a 72 balais... C'est logique dis-moi?

J'avoue que j'ai mal joué sur ce coup-là. J'aurai dû le remplacer au moins par un dossier lui ressemblant. C'est que je n'aurai jamais crû que quelqu'un allait vérifier mes pas.

Je le regarde agacée. Mon visage devient rouge de colère et d'embarras:

- C'est bon! Tu es vraiment têtu tu sais?

- Disons que je suis prêt à tout, au nom de la vérité.

- C'est quoi ce sourire? Tu veux absolument tout savoir pour t'en vanter à tes supérieurs?

- Mais non, calme-toi. Je suis de ton côté. Et puis, j'ai déjà à peu près tout compris sur toi."

En clôturant par cette phrase, il m'ouvre la portière. Je ne vois vraiment aucune échappatoire à part celle de monter avec lui. C'est ce que je fais.

La voiture démarre. Avec son GPS, il tape la destination en fonction des coordonnées. C'est parti pour le voyage.

" Qu'est-ce que tu sais de moi?

Je décide de lancer la conversation qui, de toute manière, est inévitable.

- Mmm, je commence du début? Depuis la première fois que je t'ai vue, j'ai eu le pressentiment que tu n'étais pas ce que tu montrais. Cette histoire de fille parfaite, j'y croyais pas.

- Donc c'est pour ça que tu me colles depuis le début?

- Pas que. Le fait que je préfère parler avec toi qu'avec des vieux arrogants, c'est vrai. J'ai pas menti sur ce point-là. Et quand j'ai débarqué chez toi, c'était vraiment pour venir te parler du résultat de mon enquête. C'est en découvrant que tu n'étais pas là-bas que ça m'a mis la puce à l'oreille. Hier, avec ton énigme et ton histoire bidon, j'ai décidé de procéder d'une autre manière et de retourner sur le lieu qui a déclencher ton comportement bizarre: la salle des archives. J'ai découvert un dossier aucun rapport avec son nom, et j'ai simplement remarqué que vous aviez le même nom de famille.

Voyant que je reste sans dire un mot, il continue:

- Ton père, il a disparu il y a 12 ans. Toi, tu entres dans la police. Forcément, le calcul dans ma tête est simple: tu veux retrouver ton père. Maintenant, si je peux me permettre - comment as-tu eu cette énigme?

Je mets quelques secondes avant de parler, essayant de digérer ce que je viens d'entendre, toute ma vie décrite et analysée, découverte alors que je la cachais.

- Mon père... Il a laissé des pistes que seule moi peut comprendre, reliées par des souvenirs d'enfance. Du moins pour l'instant.

- C'est bizarre quand même. Pourquoi faire ça?

- J'en sais rien du tout.

- Et tu ne sais pas ce qui nous attend là-bas - il pointe du doigt le GPS - non plus?

- Non plus.

Je marque une pause.

- Si tu veux faire demi-tour, tu peux toujours. Je ne te demande pas de me conduire jusqu'à cette endroit abandonné. Je peux très bien me débrouiller toute seule.

- Je préfère te montrer comment agit un vrai détective à l'oeuvre", me dit-il, mettant ainsi fin à cette conversation.

Jusqu'où j'iraiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant