4. L'attente est une longue agonie

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Ruggero

Tout est calme aujourd'hui. Les exercices semblaient moins dure que d'ordinaire et notre instructeur hurlait moins que d'habitude. Nous n'avons pas été envoyé combattre. Les insurgés se tiennent à carreaux. J'ai peur chaque jour, mais je reste fort et brave, certain que si jamais je moufte, ma petite amie, peu importe où elle se trouve, le saura. Je ne veux l'inquiéter d'aucune manière.

Le soleil descend lentement pour embrasser l'horizon dans un baiser qui y met le feu. Installé à l'extérieur, je profite de la fraîcheur. Le désert africain est brûlant, mais lorsque la nuit tombe, l'air devient plus frais, et c'est agréable. Ma guitare à la main, je me suis éloigné de mes frères d'armes pour être un peu seul.

Le courrier n'est toujours pas arrivé, et je vois Karol partout. Les questions se succèdent en cascade dans mon esprit. Je me demande comment elle est habillée et si elle met encore des talons. Je suppose que ce n'est pas conseillé avec sa grossesse. Cependant, la pire interrogation concerne ses lettres. Cela fait bientôt un mois que je n'ai rien reçu : m'a-t-elle oublié ?

Mon estomac se tord. Et si tout ça n'était qu'un mensonge ? Et si elle avait osé coucher avec quelqu'un d'autre ? La solitude pourrait l'avoir poussé, et je serais près à l'excuser car c'est à cause de mon absence, mais si elle me ment sur le vrai père de cet enfant ? Je secoue la tête avant que ma gorge ne se noue. J'ai confiance en elle, mais une erreur est vite arrivée lorsqu'on se sent perdu et seul...

Je voudrais être à ses côtés en ce moment, une main sur son ventre pour m'assurer qu'ils vont bien tous les deux. Sait-elle combien elle me manque ? Et moi, est-ce que je lui manque ? Machinalement, mes doigts grattent les cordes. Une petite mélodie s'élève dans l'air frais du crépuscule. La nuit gagne du terrain sur le jour, et il fera bientôt si froid que nous devrons nous serrer les uns contre les autres en grelottant.

Peu à peu, mes épaules se détendent. La musique m'apaise, et lorsque j'entends une voix fredonner près de moi, je ferme les yeux pour m'en imprégner. Karol est toujours dans mes pensées, mais libérée de mes doutes, au moins pour le moment. Je ressens seulement son manque. 

La voix se tait. Je cesse de pincer les cordes de ma guitare et ouvre les yeux. Jorge se tient à mes côtés, les yeux brillants. Il fixe la lune, et les étoiles nous observent en retour.

- Elle te manque, pas vrai ? demande-t-il.

- Plus que tu ne peux l'imaginer... Je devrais être à ses côtés pour toutes les démarches !

Mais je ne verrais pas mon enfant grandir, comme tous ceux qui sont ici. Nous avons décidés, et je ne pensais pas que cela arriverait maintenant. Quand cette mission sera terminée, je demanderai une mutation pour être avec la femme que j'aime, et fonder une vraie famille, sans l'angoisse de me voir partir et mourir.

Pour cela, il faudrait déjà que je survive ici. Un soupir passe mes lèvres tandis que ma poitrine se serre douloureusement. Jorge passe un bras autour de mes épaules. J'ai trouvé des frères ici, plus que des amis, et il m'a toujours soutenu.

- Le courrier a été retardé, m'annonce-t-il. Elle ne t'a pas oublié !

- Je l'espère... Et si elle me mentait ?

- Bien sûr que non ! Ta petite amie t'aime !

Il me sourit, et je lui rends, sans être convaincu. Je ferais mieux d'aller me coucher. Je me lève en saluant mon ami. Il comprend que je n'ai pas envie d'épiloguer plus longtemps, mais nous savons tous les deux que je vais passer du temps dans mon duvet, à fixer la tente en attendant de trouver le sommeil. Et pendant ce temps, je ruminerai l'absence du courrier.

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Écrit par AngieWings97


Mi AmorOù les histoires vivent. Découvrez maintenant