Karol
Le temps passe bien trop vite à mon goût. Ruggero est loin, et je ne peux rien faire pour le ramener. Nous sommes déjà en Novembre. La fin de l'année scolaire se rapproche, et avec elle, la fin du lycée. La fin de tout un pan de mon existence. L'université m'effraie, surtout dans mon état. Je ne sais pas ce que je dois faire.
- Chérie, tu as du courrier.
La voix de ma mère résonne dans toute la maison. Mon cœur rate un battement. Je me précipite dans le salon pour récupérer mon bien. Enfin ! Bon sang, enfin ! Le temps est si long. Il faut presque un mois entre chaque missive pour qu'elles me reviennent. Un mois depuis ma première échographie, ma prise de poids est de plus en plus visible. Mes seins sont douloureux. Tous mes soutient-gorges sont devenus trop petit ! Ma mère essaye de me mettre au régime et je suis épuisée. La nuit, je ne cesse de pleurer.
J'arrache presque l'enveloppe des mains de ma mère. Celle-ci esquisse un sourire indulgent, comme si elle ne voyait qu'une fille éprise et non pas la souffrance qui m'anime. Parfois, j'ai l'impression qu'elle sait ce qui se passe. Parfois, j'ai l'impression qu'elle est aveugle. La lettre serrée contre ma poitrine, je m'enferme dans ma chambre. Mes doigts tremblent. J'arrache une partie de l'enveloppe en essayant de la décacheter.
Les larmes me brûlent les yeux. Fébrile, je décide de tout déchirer, pour aller plus vite. Il ne reste que des miettes de l'enveloppe, mais au moins, la lettre en elle-même est intacte. Je la déplie rapidement, l'estomac contracté et le cœur battant si fort qu'il m'assourdit. Lorsque je lis mon prénom au lieu du traditionnel « Mi Amor », je sais que quelque chose ne va pas. L'angoisse me noue les tripes. Prise de tremblements incoercibles, je suis obligée de lâcher la feuille pour ne pas la froisser. Elle tombe sans un bruit sur mon lit. Je baisse les yeux vers l'écriture maladroite. Ruggero a toujours très bien écrit, mais dans le désert, impossible pour lui d'être stable.
« Karolita,
Ta lettre m'a perturbé. Je suis loin de toi, et tu me manques atrocement, mais j'ai l'impression que tu te joues de moi. Je ne comprends pas où tu désires en venir en me demandant de rentrer. Tu sais pertinemment que je ne possède pas ce pouvoir. Je me suis engagé, Karol. Je ne peux pas abandonner en cours de route.
Si je dois être honnête avec toi, sache que je suis terrifié. Par seulement par notre situation et tout ce qu'elle implique, mais par notre relation. J'ai peur que tu te sois donné à un autre. Un coup d'un soir pour tromper la solitude qui se termine mal. Et te voilà, enceinte de deux mois, à chercher désespérément un père pour cet enfant.
Pire même, rien de tout cela n'est vrai et tu t'amuses. Tu tentes de faire de moi ton pantin. JE te manque tant que tu essayes de me faire revenir en inventant cette histoire.
J'espère, je prie, pour qu'aucune de ces deux fabulations ne soient vraies, mais les doutes m'assaillent, Karol. Je n'ai même pas eu droit à une photo de l'échographie. Une toute petite photo de notre bébé, pour la mettre à côté de la tienne, était-ce trop demandé ? J'essaye de te comprendre. J'essaye d'être positif et compréhensif. Je sais que c'est dur pour toi, mais ça l'est pour moi aussi. Je me sens impuissant, incapable de te protéger et de t'aider, condamné à t'aimer sans te tenir dans mes bras.
Je suis perdu. Tout est devenu trop compliqué, d'un coup et j'espère sincèrement que tu ne m'abuse pas de belles paroles pour cacher ton erreur. Karol, je voudrais te croire. Putain, tu n'imagines pas à quel point je voudrais que tout ça soit vrai, en avoir la certitude pour me décharger de la peur qui me ronge le ventre ! Mais je ne peux pas.
Je t'aime, Karolita. Je t'aime de tout mon être, depuis l'autre bout du monde, et je suis prêt à tout pour notre enfant, s'il s'agit bien du mien, mais tu sais comme moi que je ne peux pas revenir pour le moment. Je suis obligé d'obéir aux ordres. Ne me demande pas de déserter, car cela te mettrait encore plus dans l'embarras. Sache juste que j'ai pris une décision : quand ma mission sera terminée, je demanderai un poste de bureau. L'armée nous fournira un logement de fonction, et nous pourrons être ensemble.
J'ai seulement besoin que tu me promettes que tu ne mens pas, que ce soit sur l'identité du père ou ta grossesse en général. Je t'aime, Karolita. Ne brise pas notre relation, je t'en prie.
Je suis content que Valentina t'épaule. Cependant, tu ne peux pas rester comme ça. L'année se termine bientôt, et tu partiras à l'université pour mars. Il faut absolument que tu en parles à tes parents, Mi Amor. Tu dois leur dire, même si ça fait peur ! Demande à Valentina d'être avec toi pour le faire, pour te soutenir.
Et si jamais tes parents s'énervent, plaque tes mains sur ton ventre en hurlant : « Le bébé ! Le bébé ! » ;)
Je t'aime,
Ti Amor. »
Je vois presque floue avec les larmes. Mon oreiller serré contre moi, je lis et relis cette missive douce-amère, qui est parvenue à m'arracher un sourire malgré tout.
J'ai oublié de lui joindre l'échographie. Il doute et je me sens idiote Comment ai-je pu croire que tout resterait pareil entre nous ? Qu'il n'aurait aucune crainte depuis l'autre côté du globe ? J'ai été stupide et pourtant, il me montre encore et toujours sa force, son courage, et son indéfectible loyauté envers moi. Je suis prête à tout pour qu'il me croie, et s'il veut faire un test ADN, alors nous en ferons un. Je ne suis pas allée voir ailleurs, et je suis enceinte. Il est le père et prêt à tout pour rester près de moi dès qu'il le pourra.
J'ai de la chance qu'il soit à mes côtés. Sans lui, je serais perdue. Je me lève pour récupérer mon téléphone. Il a raison. Je dois parler à mes parents.
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Chapitre écrit par AngieWings97

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Mi Amor
FanfictionTomber enceinte à 18 ans ne faisait pas vraiment partie des projets de Karol. En couple depuis six mois avec Ruggero, sa grossesse survenait au pire moment possible : quand son petit ami était en mission militaire. Comment va-t-il réagir en apprenan...