12. Équipe de choc

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Ruggero

On apprenait aux soldats à dormir en toutes circonstances pour être au taquet le lendemain, mais je ne parviens pas à fermer l'œil cette nuit. De trop nombreuses pensées me hantent. Elles tournent dans ma tête, et je repasse les membres de mon équipe ainsi que notre mission de sauvetage en boucle. Je pense aussi à Karol qui m'attend de l'autre côté du monde, inquiète et sans famille. Il ne lui reste plus que moi et je refuse de rater la naissance de notre enfant. J'obtiendrai ma permission. C'est mon objectif. Je ne dois pas mourir. Je dois survivre à cette mission.

Lorsque le matin pointe le bout de son nez, je me sens plus en forme que jamais. Je déborde littéralement d'énergie en quittant ma tente. Je suis prêt à libérer les otages pour prouver à mon servent que je peux rentrer chez moi. C'est tout ce qui compte. Mes équipiers ne semblent pas partager mon état d'esprit. Ils s'apprêtent en silence, plongés dans de sordides pensées. Je peux lire leur inquiétude sur leur visage. Ils craignent de ne pas revenir, et j'attends que nous soyons installés dans le 4x4 pour les haranguer.

- Les gars, vous savez qui nous sommes ?

Les interpellés se tournent vers moi, surpris dans leur rumination. Je vois le regard de certains s'éclairer. Il se passe quelque chose en eux. Ils commencent à réfléchir.

- Nous sommes le dernier espoir de ces hommes et femmes qui attendent d'être sauvés. Nous sommes le dernier espoir de nos concitoyens enfermés, prisonniers au cœur de ce désert !

Je mets de côté mes propres interrogations et peur, oubliant que les types qui se tiennent en face de moi sont mon dernier espoir de rejoindre ma petite amie. Je deviens un soldat, un homme capable d'abnégation, sans peur. Je sais qu'il y a le risque que je meure sur le terrain, mais j'ai une raison de rentrer chez moi. Mon regard croise celui de Jorge. Mon ami sait très bien ce qui me motive. Il hoche la tête, l'air grave.

Au moins, il est à mes côtés pour cette mission de sauvetage. J'ai à mes côtés la crème de la crème, une véritable équipe de choc. Je me plonge avec fougue dans ma harangue, motivant mes troupes autant que moi-même.

- Nous sommes le rempart, le bouclier, la clé qui brisera leurs chaînes ! Peu importe ce qu'il se passera là-bas, nous devons sauver ces gens ! Couvrez vos arrières, restez sur vos gardes, mais surtout, n'oubliez pas le but de notre mission !

- Ouais ! me répondent les soldats en chœur.

Ils ont retrouvé la niaque et l'envie de vaincre. Leurs jambes remuent dans l'attente de l'action. C'est pour cela que nous avons été formés. Nous mettons tout en off, notre cerveau passe en mode soldat. J'ai presque l'impression de dissocier mon esprit et mon corps. L'adrénaline ouvre les vannes et se déverse dans mon corps.

Le véhicule prend de la vitesse. Les roues projettent du sable autour de nous. Il n'y a plus que le désert dans lequel nous avons appris à nous repérer avec le temps et beaucoup d'entraînement. Le silence revient dans le 4x4, mais c'est de l'anticipation. Nous vérifions nos fusils, faisons l'état des lieux de chacun de nos pistolets, de nos munitions, et assurons que notre couteau est bien attaché à notre cheville. Pour survivre, nous devons être prêts.

Tout mon attirail est en ordre. Toutes mes pensées parasites sont bloquées. J'ajuste ma prise du mon fusil d'assaut et me concentre sur les otages à sauver. Je suis prêt.

Ellipse

Nous sommes arrivés sur site. L'endroit où les otages sont retenus se tient au cœur d'une oasis. Les maisons en pierres sont délabrées. Il manque le toit à la plupart. Le 4x4 nous a déposé suffisamment loin pour que l'on ne soit pas repéré et depuis, nous avançons en rampant dans le sable.

Autour de nous, ceux que nous sommes obligés d'appeler nos ennemis discutent. Ils sont calmes et ne se doutent de rien. Deux d'entre eux jouent aux cartes sans rien se dire, leur fusil posés à côté d'eux. Je me tourne vers Jorge et lui fait signe. Il hoche la tête, faisant signe à celui qui le suit. Ils s'échappent de notre peloton pour s'occuper des deux terroristes qui se tiennent, pour le moment, tranquille. Je m'interdis de penser à quoi que ce soit d'autre que notre mission. C'est la seule chose qui me tient en vie.

Nous continuons notre avancée, accroupi derrière les murets, le dos collé aux murs pour être certain de ne pas être pris en traître. Nous tentons de nous fondre dans le décor. Je disperse mes équipes au fur et à mesure que nous avançons pour couvrir le plus de terrain possible. Nous ne savons pas combien ils sont, mais nous les connaissons suffisamment pour savoir qu'ils sont capables de tuer les otages si jamais ils se pensent acculés.

Cependant, ce que je redoutais arrive. J'entends un cri, dans une langue que j'ai apprise au fil du temps, et je connais sa signification.

- Merde ! juré-je.

- Ces fils de pute nous ont repéré ! s'insurge Pablo qui couvre mes arrières.

- Lance le signal ! L'infiltration, c'est fini ! On fonce dans le tas ! La priorité, ce sont les otages !

Mon coéquipier s'exécute immédiatement. Des coups de feus retentissent. Je reconnais le bruit caractéristique de la kalachnikov, ce tac-tac qui ferait peur à n'importe qui. Le calme qui régnait dans cet oasis s'est dissipé. Nos fusils d'assauts résonnent également entre les murs de pierre.

Je quitte ma cachette derrière une maison à demie-effondrée et cours dans une rue pleine de sable. Les mains fermement refermés sur mon fusil d'assaut, j'appuie sur la détente lorsqu'un homme surgit devant moi. Il s'effondre sans avoir le temps de tirer. Mon cœur bat à tout rompre et le sang dans mes tempes m'assourdit. J'ai conscience de façon confuse de la présence de Pablo derrière moi. L'adrénaline me pousse à courir encore plus vite.

J'entends à nouveau le cri d'un terroriste. Il se rapproche et j'ai tout juste le temps de me jeter derrière un muret pour me cacher. Les coups de feu ricochent sur la pierre. Lorsqu'ils cessent, je me redresse, pose mes coudes sur le haut de ma barrière protectrice pour ne pas trembler ou souffrir du recul de mon arme, et tire. Malheureusement, le terroriste est caché lui aussi et je ne parviens qu'à mettre des balles dans le 4x4 qi lui sert de protection.

Je me cache pour recharger, frémissant en entendant le bruit des balles qui ricochent sur la pierre.

- Grenade !

La voix de Pablo me parvient quelques secondes avant que l'objet susnommé n'atterrisse à mes pieds. Mon cœur manque un battement. J'allonge la jambe et donne un grand coup dans la grenade dégoupillé. Elle passe au-dessus de ma tête et atterrit dans la rue entre le terroriste derrière son 4x4 et moi derrière mon muret.

Le temps se suspend. L'explosion nous balaie tous les deux.

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Écrit par AngieWings97


Mi AmorOù les histoires vivent. Découvrez maintenant