CHAPITRE 26

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En rentrant, Aaron me mit directement dans mon lit. Cette balade dehors m'avait fait du bien. Il prit une chaise et la mit près de mon lit en me prenant la main. Il plongea ses prunelles bleutées dans les miennes. Elles semblaient briller, de légères larmes commençaient à se former aux coins de ses yeux et ses lèvres tremblaient. Je compris facilement qu'il avait quelque chose à me dire de compliqué mais qu'il n'osait pas vraiment.

Gaël : Qui y a-t-il ? Pourquoi pleures-tu ?
Aaron : Ce que tu as dit tout à l'heure... on aurait dit que tu te préparais à nous dire adieu... Je me trompe ?
Gaël : Écoute... Je sais que je n'en ai plus pour longtemps, ma maladie est bien avancée, mais je peux aussi le ressentir. Mon heure arrivera à un moment, je devrais faire mon salut... alors je voulais vraiment faire cette sortie avec toi, passer du temps à tes côtés. Quand j'étais petit, lorsque que j'ai tenté de me suicider... Je n'avais plus rien sur quoi me raccrocher, et j'avais préféré mourir. J'avais souhaité que je ne me loupe pas et que je quitte ce monde. Mais je m'étais réveillée. J'étais encore en vie. Et plusieurs années plus tard, je t'ai rencontré. Tu as éclairé mes jours, tu as remis du bonheur dans ma vie et tu m'as fait aimé cette vie. J'ai aimé sentir mon coeur battre plus fort pour toi, ces sentiments, j'aurais aimé les ressentir encore longtemps... j'aurai voulu mourir vieux, à tes côtés, car je t'aime ! Je t'aime vraiment beaucoup ! Mais il s'est avéré que le souhait que j'avais fait gamin, c'est réalisé... à retardement mais il a bien été réalisé... car je vais mourir. Je vais partir, je vais devoir dire au revoir à ma famille, toi et Shannon. La vie est vraiment injuste, alors que j'y reprenais goût, elle a décidé de m'éteindre. Je n'ai pas eu une belle enfance, ni d'adolescence tranquille. C'est toi qui as rendu ma vie plus colorée et je t'en remercie sincèrement.

Les larmes coulaient sur nos joues. On continuait de se regarder dans les yeux puis il me prit dans ses bras, m'enlaçant avec douceur. Je fermais les yeux, profitant de cet instant. Je pouvais sentir mon coeur battre la chamade mais je sentis aussi une chaleur m'envahir. J'étais bien dans ses bras, je me sentais en sécurité.

Gaël : Je veux que tu me promettes de rebondir et d'avancer après ma mort. Promets le moi... s'il te plaît.
Aaron : Ça sera vraiment compliqué... Je t'aime. Je t'adore ! J'ai du mal à me voir sans toi... Je ne veux pas y penser. Un monde sans toi, n'est pas un monde où je veux être. J'aurai un énorme vide... Je... J'ai peur... Je suis effrayé à l'idée de ne plus pouvoir te voir. Ne plus pouvoir contempler la couleur de tes yeux, ne plus pouvoir rire avec toi, ne plus pouvoir boire de thé ou manger à tes côtés, ne plus pouvoir te montrer à quel point tu comptes pour moi... ne plus pouvoir te dire "je t'aime".
Gaël : S'il te plaît...
Aaron : Je vais tenter...
Gaël : Non, je veux que tu me le promettes.
Aaron : ... Je te le promets.
Gaël : Merci. Veille sur Shannon aussi. Et si ça peut te soulager, je t'autorise à aller insulter mes parents.
Aaron : (rit) Je tâcherai de m'en souvenir ! Je demanderai l'adresse à ta soeur.

Nous rîmes pendant quelques minutes puis l'heure des fins de visites arriva. Aaron m'embrassa le front, caressa mes cheveux puis embrasse ma main. Il me fit un grand sourire en entrelaçant nos doigts puis déposa un baiser sur mes lèvres.

Aaron : Je t'aime.
Gaël : Moi aussi, je t'aime à la folie.

Puis il ferma la porte. Je me retrouvais à présent seul, mais je ne sais pas pourquoi, avoir dit tout ça, m'avait un peu soulagé. La nuit tomba lentement, les bruits du couloir et des chambres alentour se faisaient de plus en plus sourds. Une infirmière me donna mon repas, vérifia ma bouteille d'oxygène et repartit dès que j'eus fini de manger.

Je me réveillai en plein milieu de la nuit, ma respiration devenait compliquée. Elle n'était pas douloureuse, mais je sentais clairement qu'elle ralentissait petit à petit. Mon électro-cardiogramme aussi ralentissait. Je fermai les yeux, puis plus un bruit, plus de lumière, plus le bip continuel de la machine, plus rien. Je ne sentais plus rien, pas même mon drap. Je me sentais plus léger, je n'avais plus de poids, c'était comme si on me tirait doucement de mon corps. Mon heure était arrivée, je venais de quitter la vie, j'avais laissé mon amour et ma soeur derrière moi. Mon âme s'était envolée, sortant de sa coquille malade, libre, volant à tir d'ailes vers les cieux, vers ce ciel sans nuages de la nuit, ce ciel parsemé de tache de lumière blanche.

Au revoir...

"À la couleur de tes yeux..."Où les histoires vivent. Découvrez maintenant