No

678 156 90
                                    


  Dans l'aéroport témoin des tout les pleures, les adieux et les rires du monde, Hyunjin déambule. Son sac sur le dos et une tasse d'americano dans la main, il avance entre les enfants qui observent les avions qui décollent, les parents qui regardent les étoiles qui brillent dans les yeux et même certains couples qui ont leurs têtes appuyées l'une sur l'autre. Et lui, il marche seul. Il marche sans la présence de Jeongin à ses côtés, sans son souffle qui s'échoue sur ses lèvres, sans rien. Et il regrette. Il n'a jamais regretté quelque chose autant que ces adieux. Il n'y en a même pas eu d'adieux en fait. Ils n'ont même pas dit un mot. Il n'a pas réussi. C'est resté bloqué au plus profond de son coeur.Et Hyunjin s'en veut.

Il est 19 heures 30 et c'est terminé. C'est dur à se dire que c'est terminé. Hyunjin n'arrive pas à se le dire. Parce que Hyunjin il ne veut pas imaginer qu'il ne vivra plus jamais ça, qu'il n'ira surement plus sur les toits du monde avec lui pour parler d'amour et du temps qui s'arrête. En plus, ils ne se sont même pas échangés des coordonnées. Ils n'y ont même pas pensé. Dans la précipitation du temps, ni Hyunjin ni Jeongin se sont dit qu'il y avait des centaines de moyens pour communiquer. Une lettre, une adresse ou même un numéro de téléphone aurait suffi. Mais non, ça ne leur ait même pas venu à l'esprit parce qu'ils ne pensaient qu'à l'un, à l'autre, à eux deux et à ces 86400 secondes qui s'écoulaient.

  Puis y'a la voix qui résonne dans tout le bâtiment et qui dit que les portes pour l'embarquement à la place 40H vont bientôt s'ouvrir. C'est à dire que Hyunjin doit y aller. Il doit aller s'assoir sur les fauteuils en fer pas très confortables, au milieu des autres passagers du vol.

  Et c'est ce qu'il fait. Hyunjin arrive devant ce panneau 40H qui lui serre tant le coeur et il s'assoit à côté d'un gars qu'il reconnait. C'est celui qui lui a renversé sa boisson dessus pendant la première partie du vol. Il se demande ce qu'il a fait pendant 24 heures. Qu'est-ce que tout les passagers ont fait pendant 24 heures ? Est-ce qu'ils ont vécu autant de choses que lui ? On aura jamais la réponse. Mais Hyunjin imagine mal quelqu'un vivre quelque chose de plus intense que ce qu'il vient de vivre.

Hi ! You're the guy from yesterday ? Yes ! It's you !

Yeah, that's me.

I'm sorry for the drink, you know...

Don't worry, I'm okay.

So, what have you done since yesterday ?

  Et Hyunjin ne sait pas trop pourquoi, mais il lui raconte tout. Absolument tout. Il lui décrit les notes angéliques de Jeongin, il décrit son visage, sa personnalité, tout. Il explique aussi qu'il l'a embrassé. C'était soudain mais c'était plutôt bien. Et il lui explique que là, au moment où il lui parle, il n'a aucune idée de ce que l'autre garçon fait. Ils se sont abandonnés sans rien savoir du futur de l'autre alors que pendant quelques instants ils l'avaient imaginé ensemble.

   Et c'est le vieil homme qui lui fait comprendre qu'il n'a rien à faire ici, à attendre un avion qui l'emmenera juste plus loin d'ici. Presque en haussant la voix, il demande à Hyunjin ce qu'il fout ici. Il ne peut même pas répondre, évidemment. Il continue en lui disant qu'il devrait prendre tout le courage qu'il lui reste, mélanger tout ça à ce qui lui fait faire des choses soudaines et partir de ce foutu aéroport pour aller le rejoindre.

  Mais est-ce que Hyunjin est capable de faire ça ? Il n'en sait rien. En quelques secondes, tout se mélange dans sa tête. Il entend la voix de l'hotesse qui lui demande d'avancer, celle de son voisin qui lui dit de ne pas y aller et la sienne, qui répète en boucle le prénom Jeongin. Sa voix intérieure, elle ne répète que ça, rien d'autre.

Jeongin.

Non.

Je ne prendrais pas cet avion. Je ne le prendrais pas.

C'est impossible.

Ce sont ces mots-là que Hyunjin écoute. Il remercie son voisin une dizaine de fois avant de partir en courant, sous le regard consterné de l'hôtesse de l'air. Il traverse tout en sens inverse. Il slalome entre les valises et les touristes, les panneaux d'affichages et les secondes. Son coeur bat trop fort et il a l'impression que sa tête va exploser mais Hyunjin ne s'arrête pas. En passant par l'issue de secour, il arrive dans le hall d'entrée, celui juste à côté du métro dans lequel il se précipite.

Il ne sait pas où il doit aller. Il ne retrouvera jamais l'appartement où vit Jeongin de lui-même, c'est impossible. C'est une fenêtre dans une jungle d'appartement, c'est trop dur. Mais il pense savoir retourner au café, celui où il a laissé son americano pas payé, celui où il a entendu quelques notes d'une chanson qui lui ont plu. Celui où il l'a vu, tout simplement.

  Comme la première fois, Hyunjin tourne au hasard dans une rue à gauche, puis une autre à droite et au détour d'un angle, il reconnaît une autre ruelle. C'est celle un peu perdue mais pas vraiment non plus parce qu'il y a des habitants qui arrivent d'en face. Il s'engouffre dedans et tourne encore trois fois à droite puis une fois à gauche avant d'arriver sur la place où se trouvait le café. L'odeur des arbres et du café remontent jusqu'à ses narines. Il se rapelle, c'était bien là.

  Et au milieu de la foule qui afflue de tout les côtés, il y a un tabouret posé. À côté de ce tabouret, il y a un micro. Il dégage les notes d'une chanson que Hyunjin connaît bien. C'est celle que Jeongin a chanté devant lui la première fois. Et c'est lui qui la chante pour la deuxième fois.

  Hyunjin s'approche doucement dans la foule et se fond dedans. Jeongin ne le voit même pas. Le coeur de Hyunjin bat plus que tout. Il bat plus fort que tout les coeurs du monde réunis. Ça va exploser. Ça va bientôt exploser. Les yeux fermés, Jeongin ne le voit toujours pas. Il continue sa chanson, il chante avec toute la tristesse possible sans savoir que ce qui pourrait tout guérir est juste en face de lui, en train de l'admirer autant que la première fois. Il chante tout les mots parfois entrecoupés avec le son des émotions. Il chante le dernier mot et laisse son souffle résonner dans le micro.

  Et la seule chose qu'il entend, ce sont des applaudissements. Alors il ouvre les yeux et en face de lui, il y a plein de visages. Mais il y a un visage qu'il connait bien. Pas depuis longtemps, mais bien. C'est un visage auquel il n'a même pas dit adieu. C'est le visage de celui qu'il aurait voulu aimer à l'infini parce qu'il savait que cela aurait été possible. Au final, il n'a pas l'air d'en avoir besoin de ces adieux, puisqu'il est en face de lui. Juste là.

  Et il le regarde comme personne ne l'a jamais fait auparavant.



F i n .

- - - -

Et voilà !

J'espère que ça vous aura plu

Bref, défilez :)

86400 | HyuninOù les histoires vivent. Découvrez maintenant