Chapitre 1 : Brooklyn

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- Anthony, ça va ?

Être appelé par son prénom après une nuit calamiteuse en cellule de dégrisement fit hausser un sourcil au jeune garçon de 18 ans.

- dis-moi comment tu te sens.

- bonjour... ?

Bon sang, mais qui était cet homme ? Le regard confus, la question de Tony était sous entendue alors que l'inconnu aux yeux clairs s'avança dans sa direction et échangea avec lui une franche poignée de main en plein milieu du commissariat.

- bonjour Anthony. Je suis content de te voir. Je m'appelle Joseph. Joseph Rogers. Je travaille pour ton père.

- vraiment ? Laissez-moi deviner, vous lui lavez sa voiture tous les week-end ou un truc du genre ?

- non, pas exactement.

À la plus grande surprise du jeune garçon, son interlocuteur n'avait pas l'air de prendre offense de son ironie un brin insolente, au contraire, un sourire étirait ses lèvres. Peut-être qu'il pensait que Tony avait besoin d'attention et d'écoute après s'être fait arrêté en état d'ivresse sur la voie publique, et le fils d'Howard Stark lui en était reconnaissant.

- je suis responsable des relations publiques chez Stark Industries.

- évidemment. Quelle question.

Tony leva les yeux au ciel, il se sentait vraiment idiot d'avoir eu l'infime espoir un instant qu'il en soit autrement.

- c'était sûr qu'il allait refiler le dossier aux RP.

C'était malheureusement lui le dossier et il n'y avait toujours rien de nouveau sous le soleil. Il n'était encore et toujours qu'un putain de caillou dans la chaussure de son milliardaire de père. Comme s'il pouvait n'y avoir autre chose que l'image de sa chère entreprise qui comptait à ses yeux pour Howard Stark !

- il se trouve dans un avion pour le Japon en ce moment-même, pour un contrat très juteux, il ne pouvait pas faire autrement. Je suis désolé Anthony. Je me doute que ce n'est pas ce que tu voulais entendre.

- ça va, c'est bon, je la connais la chanson, vous en faites pas, c'est toujours le même refrain de toute façon. On va où alors ? Vous devez me faire prendre le premier avion pour la prison de Guantanamo ? C'est ça, la vraie mission, pas vrai ? Alors, j'ai tout bon ?

Encore un sourire de la part de monsieur Rogers, décidément, il semblait fan de son humour un brin caustique.

- non, rien de tout ça, Anthony, je te rassure. Ton père souhaite juste que tu te mettes au vert un petit moment le temps que cette affaire se tasse et que les médias aient un nouveau scandale à se mettre sous la dent à la place, tu comprends ?

- un petit moment, c'est-à-dire ? Combien de temps exactement ? Et je peux pas le faire de chez moi j'imagine ?

- non, il y a déjà une horde de journalistes qui campent devant la villa des Stark, on va aller chez moi, ce sera plus sûr. Tu viens ?

Son interlocuteur l'invita à le suivre d'une simple main encourageante et à la sortie du commissariat, les yeux de Tony s'écarquillèrent d'effroi quand il vit monsieur Rogers se diriger tout droit vers cette vieille Mazda 929 garée sur le trottoir juste en face du psote de police, rien à voir avec l'Audi E-Tron GT que le jeune Stark conduisait habituellement. Il prit soudainement peur, il n'allait tout de même pas se retrouver à vivre dans un vieux taudis délabré, si ?

- heu... juste... vous n'avez pas précisé, c'est où exactement chez vous ?

- à Brooklyn. Pourquoi ?

Tony leva les yeux au ciel alors qu'il fixait maintenant sa ceinture de sécurité du côté passager, il vivait son pire cauchemar assurément.

- vous me faites une blague, c'est ça ? Elle est où la caméra cachée ?

Au lieu de répondre à sa question, Joseph se contenta d'un petit rire avant de mettre tranquillement sa clé dans le contact.

- quoi ? On peut savoir ce qu'il y a de si drôle ?

- rien. Ton père m'avait prévenu que tu aurais exactement cette réaction. Il te connaît bien.

La mâchoire de Tony se serra après ce dernier commentaire, non, son père ne le connaissait pas, pas du tout même, il ne savait pas qui était le vrai lui et il n'avait surtout jamais pris la peine de le découvrir.

- allez, on y va, c'est parti.

D'un air résigné, Tony reposa lentement sa tête sur l'appui-tête du siège passager, le regard perdu dans le vague et sur cette route qui défilait sans fin sous ses yeux. Une chose était certaine, là-bas, à Brooklyn, personne n'aurait l'idée de venir l'y chercher, son père avait donc parfaitement réussi son coup de maître.

- vas-y, entre, la salle de bain est à l'étage si tu veux te rafraîchir, je vais préparer le petit-déjeuner, tu dois avoir faim. J'espère que tu aimes les pancakes.

- j'adore ça.

Tony et son hôte échangèrent un sourire poli avant que ce dernier ne disparaisse dans la cuisine et que le jeune garçon accepte l'offre de son aîné et se passe de l'eau sur le visage dans la salle de bain familiale. Finalement, il y avait eu plus de peur que de mal, la maison des Rogers n'était pas si en ruines que ça, elle était même dans un état tout à fait correct s'il était honnête envers lui-même. Peut-être un peu petite certes, mais tout à fait convenable. 

En entendant son estomac crier famine une nouvelle fois, Tony rejoignit la cuisine à peine quelques minutes plus tard et fut agréablement surpris de voir que tout ce qui constituait un petit-déjeuner digne de ce nom était déjà dressé sur la table.

- viens Anthony, sers-toi, c'est fait pour ça.

Se tenant debout au milieu de la pièce, Monsieur Rogers l'invita à s'asseoir en lui montrant sa chaise et le jeune garçon ne se fit pas prier plus longtemps. Il croqua aussitôt dans un pancake et le mâcha avec appétit.

- merci m'sieur. Ils sont trop bons.

Un sourire étira les lèvres de Joseph Rogers, il trouvait Anthony vraiment très attachant comme garçon.

- Joe. Tu peux m'appeler Joe.

Tony acquiesça et vit son hôte jeter rapidement un coup d'œil  au cadran de sa montre.

- ah mince, faut que je retourne au bureau. Fais comme chez toi surtout. Faut pas te gêner d'accord ?

- attendez, vous comptez sérieusement aller bosser un dimanche matin ? C'est pas vrai, mon père est vraiment un despote. Je l'ai toujours dit.

- non, Anthony, c'est pas de sa faute, c'est de la mienne si j'ai pris du retard sur quelques dossiers. Bon, allez, je file. S'il y a le moindre souci, tu m'appelles sur mon portable depuis ce téléphone, mon numéro est dans le répertoire, ok ?

Joignant le geste à la parole, Joseph lui désigna le téléphone fixe qui se trouvait sur le plan de travail de cette modeste cuisine équipée.

- ça va aller ? Au pire, Steven ne devrait plus tarder à se lever, c'est mon fils, demande-lui de te faire visiter les alentours, vous avez à peu près le même âge, vous devriez bien vous entendre tous les deux. Allez, cette fois, j'y vais. À ce soir, Anthony.

 - ouais, à c'soir !

Tony sirota une nouvelle gorgée de son café alors que son hôte venait tout juste de quitter la pièce. Non mais Joe croyait quoi au juste ? Qu'il était là pour se faire des amis ? Ou encore par gaieté de cœur ? Alors oui, d'accord, c'était bien sympa d'obéir aux ordres de son vieux père en le recueillant un temps et en s'occupant de lui mais il espérait sincèrement que ce nouvel arrangement ne s'éterniserait pas trop longtemps. Vivre avec Howard Stark était un supplice mais sa villa restait sa villa, c'était son chez-soi et il n'en changerait absolument pour rien au monde.

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