Mécanique Humaine

Chapitre 1

Des pas précipités et irréguliers claquaient contre les pavés de la rue. La nuit était noire, seuls de grands lampadaires éclairaient la route où très peu de fiacres circulaient à cette heure tardive de la nuit. La pluie commençait à tomber alors que l'homme, perdu et blessé titubait sur la chaussé. Son ombre meurtrie léchée les murs des habitations et des devantures de magasin. A par lui, seul le bruit de la pluie et des quelques chats de gouttière venaient troubler le calme de la nuit. Mais l'homme faiblissait et sa course devenait laborieuse en tapant dans les obstacles qui se trouvaient sur sa route. A chaque nouvel impact il retenait un gémissement de douleur. Il perdait beaucoup de sang, trop de sang. Ses yeux troubles n'exprimaient rien d'autre qu'une profonde terreur. Comme si le diable en personne lui avait rendu visite. Presque dément, l'homme essayait de se retenir sur les murs tout en laissant des traces de mains ensanglantées. Ses habits en lambeau ne ressemblaient plus à grand-chose. Son souffle haché devint un sifflement de douleur. Sa vue se troubla et une lumière l'aveugla. Inconsciemment il se dirigea vers la lumière avant qu'un terrible bruit de klaxon ne rugisse dans ses oreilles lui faisant mettre les mains sur la tête. La douleur devenait insupportable. Il ne tiendrait plus beaucoup de temps. Ses jambes s'engourdissaient et déjà ses doigts devenaient froid. Sa vue faiblissait et bientôt il ne vit que l'obscurité. Il vacilla et tomba à terre en ne pouvant se retenir. Il lui sembla que sa tête percutait le sol et qu'une nouvelle vague sanguinolente lui coulait sur le visage.

Il n'entendit pas les pas précipités vers lui. Il ne sentit pas qu'on le retournait sur le dos pour l'ausculter. Il ne savait pas que sa vie venait de prendre un tournant radical.

* * *

Jimin travaillait dans son bureau depuis l'aube . Ses membres étaient raidis par immobilité et le sérieux de sa position, droit comme un piquet derrière une immense pile de dossier. Jimin avait un visage doux et pâle. Ses cheveux alors désordonnés par les vigoureux gestes pour les tirer en arrière, retombaient sans cesse sur son front lui donnant un aspect ébouriffé. Signe de sa concentration, les muscles de sa mâchoire se contractaient et sa jambe tressautait inlassablement sous le bureau. Il avait hâte d'en avoir fini avec toutes ses obligations.

A onze heure tapante son majordome vient lui rappeler de se préparer pour accueillir ses invités du déjeuner.

Il revêtit un ensemble pourpre et crème qui faisait ressortir la blondeur de ses cheveux. Jimin portait un soin très particulier à son physique qu'il entretenait avec beaucoup de rigueur. Ses vêtements, tous d'une très grande qualité, étaient soigneusement ornés de pierres et de fils d'or et d'argent. En soie ou en velours, Jimin s'imposait de toujours être élégant. Il ajusta son col et ses manchettes en dentelle puis glissa dans ses souliers noirs parfaitement cirés.

Quand il sortit enfin de ses appartements, il rejoint automatiquement les jardins où il savait que sa jeune sœur l'attendait. Le soleil l'aveugla un instant avant qu'il ne puisse contempler le magnifique jardin à l'anglaise qui s'étendait devant lui. Il avait personnellement suivit et assisté son jardinier pour confectionner cet écrin de verdure. Mais cela remontait à des années en arrière. Ses lointains et fugaces souvenirs disparurent à la vue d'une jeune poupée avachie dans l'herbe.

Elle riait à gorge déployée en se roulant dans le gazon verdoyant. Sa robe bleu pâle et toute en volant était tachée d'herbe et de terre. Jimin soupira. Jamais cette enfant n'entendrait raison. Elle devait être encore trop jeune pour comprendre ces choses la. Alors Jimin s'approcha et salua la nourrice qui lisait tout en surveillant la demoiselle d'un œil attentif. Il la salua silencieusement et s'accroupit près de la tête de l'enfant qui avait encore le yeux fermés sous l'impulsion d'un rire cristallin. Quand celle-ci ouvrit finalement les yeux, elle se jeta au cou de son frère.