Chapitre 4

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Lorsqu'il pénétra dans la salle de classe, Adrien rentra instinctivement la tête entre les épaules. Néanmoins, lorsqu'il osa tourner son regard vers Marinette, ce n'est pas une personne brûlante de colère qu'il aperçut. La jeune fille avait ouvert l'un de ses livres de cours et l'avait placé à la verticale devant elle, masquant ainsi complètement son visage. Pire encore : plus il approchait de sa place et plus elle semblait se ratatiner sur la sienne, comme si elle le fuyait...

Adrien baissa la tête tout en déglutissant nerveusement. Il avait vraiment l'impression d'avoir tout gâché. Le plus terrible, c'était qu'il avait l'impression, du coup, d'avoir perdu deux des personnes auxquelles il tenait le plus, au moment exact où il avait deviné qu'elles n'en formaient qu'une. Car les réactions de Marinette lui faisaient encore plus réaliser à quel point elle était importante pour lui. Essentielle, même.

Il n'avait jamais encore compris, jusque-là, combien la simple présence de sa camarade de classe illuminait ses journées. Combien il aimait la voir sourire, l'entendre rire, la voir agir, l'écouter parler, la regarder interagir avec les autres, les aider. Et quand elle bafouillait timidement, elle était si mignonne ! Perdre Marinette était aussi douloureux que perdre Ladybug, réalisait-il de la plus cruelle des manières.

Avoir découvert qu'il s'agissait de la même personne avait été un bonheur incommensurable. Le moment le plus merveilleux de toute sa vie. Aussi, la perdre sous ses deux aspects était la plus horrible des douleurs. Il avait l'impression qu'on lui arrachait le cœur. Non, plutôt, qu'il se l'était bêtement arraché lui-même.

Tout à ses sombres pensées, Adrien fut particulièrement distrait ce jour-là, et se fit réprimander par plusieurs professeurs. Mais, pire que tout, il ne réussit à établir de contact avec sa Lady à aucun moment, ne serait-ce qu'oculaire. En même temps, elle montrait assez clairement par toute son attitude qu'elle n'avait aucune envie de lui parler.

Le jeune homme en était à un tel point de détresse qu'il se mit à espérer qu'un akuma se manifeste. Malheureusement pour lui, le Papillon n'était pas plus de son côté ce jour-là que les autres jours, et Chat Noir ne put pas davantage approcher Ladybug qu'Adrien n'avait pu approcher Marinette. Il espéra pouvoir lui présenter ses excuses à la sortie des cours, comme pour l'incident du chewing-gum au tout début de l'année scolaire, mais elle fila bien trop vite pour qu'il en eût le temps.

En rentrant chez lui, c'est un Adrien totalement démoralisé qui, une fois de plus, se jeta sur son lit. L'idée que ses journées allaient désormais toutes ressembler à celle-là le désespérait totalement.

D'autant plus que cette journée affreuse lui avait permis de vraiment réaliser à quel point il était, en fait, amoureux de Marinette pour tout ce qu'elle était, bien au-delà de la super héroïne.

Le jeune homme avait eu un coup de foudre pour sa partenaire lorsqu'elle s'était courageusement dressée face au Papillon, au tout début de leur mission, juste après avoir été sur le point d'abandonner. Depuis, leurs combats ensemble ainsi que leurs discussions durant leurs patrouilles n'avaient fait que renforcer ses sentiments.

À cause de cela, il n'avait pas réalisé à quel point il était profondément et totalement tombé amoureux de sa camarade de classe.

Adrien avait toujours chéri leur amitié, depuis ce rire partagé autour de son parapluie. Il admirait Marinette pour son intelligence, sa créativité, son altruisme et et sa sociabilité, et était heureux d'avoir la chance de faire partie de ses amis. Mais il n'avait pas su comprendre pourquoi la présence lumineuse de la jeune fille réchauffait ainsi son cœur.

Il n'avait pas davantage su voir à travers ses propres sentiments qu'à travers le masque rouge et noir de sa partenaire.

Une fois de plus, Adrien fut interrompu dans ses jérémiades par l'intervention bourrue mais secrètement attentionnée de Plagg. Le kwami fit de son mieux pour distraire son porteur. Il s'était particulièrement attaché à Adrien au fil du temps, et n'aimait pas le voir souffrir. Même s'il était bien conscient du fait que le jeune âge du garçon n'aidait pas.

Plagg avait envisagé d'aller voir Ladybug ou, du moins, Tikki. Il faillit même le faire durant le repas que son porteur prenait seul dans la salle à manger. Mais l'on ne savait jamais quand un akuma pouvait survenir, et il culpabilisait encore de l'état dans lequel il avait retrouvé Adrien le soir de l'anniversaire de Nooroo. Heureusement que sa petite Sucrette était plus douée que lui pour gérer les émotions des humains ! Mais pourquoi la porteuse de Tikki semblait-elle éviter complètement le sien ?

Bien loin de se douter des pensées de son kwami, Adrien avait attrapé son téléphone dès qu'il était revenu dans sa chambre. Finalement, après avoir beaucoup hésité et avec une boule dans la gorge, il ouvrit à nouveau, dans ses messages, la conversation avec Marinette. Évidemment, toujours aucune réponse de la fille qui occupait toutes ses pensées. Et il ne savait vraiment, vraiment pas comment parvenir à communiquer avec elle.

Était-ce une bonne idée, d'ailleurs, que d'essayer ? Sa Lady lui avait fait comprendre plus d'une fois qu'elle n'aimait pas lorsqu'il se montrait trop insistant, même lorsque ce n'était pas conscient de sa part. Sauf que... sauf que là, la situation était réellement problématique, et ils allaient sûrement devoir crever l'abcès, un jour ou l'autre. Le plus tôt serait le mieux, ils ne pouvaient pas se battre contre le Papillon comme ça...

En réalité, ce qui le faisait hésiter, aussi, dans ses tentatives pour renouer le dialogue, c'était le fait qu'il n'avait pas la moindre idée de la manière dont elle allait réagir. Pas la moindre idée de ce qu'elle ressentait réellement. Pas la moindre idée de ce que pourrait donner une mise au point. De plus, il était certain que c'était très mal parti pour lui, de toute façon, et qu'il avait bêtement perdu tout espoir avec elle.

Finalement, il déglutit, se redressa sur son lit et prit son courage à deux mains. La situation ne pouvait vraiment pas perdurer, et elle en était sûrement consciente elle aussi. Après tout, c'était un peu comme lorsque l'on arrache un pansement : mieux valait y aller d'un coup sec et souffrir franchement mais en sachant ce qu'il en est, plutôt que de souffrir en se consumant à petit feu.

Le jeune homme rédigea un premier message. En effaça la moitié. Reprit la fin. Effaça le tout. Recommença. Modifia à nouveau. Au final, il n'était toujours pas satisfait du message qu'il envoya mais, au moins, celui-ci ne lui semblait pas dangereux si quelqu'un d'autre tombait dessus (notamment Alya, au hasard...), et il ne lui imposait pas ses propres sentiments ni sa douleur. Il ne réitéra pas ses excuses, estimant qu'il valait mieux qu'il le fasse de vive voix.

« On a vraiment besoin de parler, de parler de tout ça. On ne peut pas rester comme ça. Je vais là où on a discuté, hier soir. Je t'attendrai. J'espère que tu viendras. »

Dès qu'il fut certain que le message était bien parti, il demanda à Plagg de le transformer et sortit par la fenêtre. La fraîcheur ambiante et, surtout, sa course nocturne sur les toits parisiens lui firent le plus grand bien. En même temps, cela ne lui rappelait que trop celle de la veille, dont la fin avait été si catastrophique.

Lorsqu'il atterrit sur le toit sur lequel ils s'étaient retrouvés, la vue de son affiche fut un cruel rappel de ce qu'il s'était passé le soir précédent. Le cœur serré et la gorge nouée, Chat Noir s'assit, la tête sur les genoux et les bras autour des jambes. Même s'il pleuvait, il attendit longtemps. Après tout, ce n'était qu'une bruine légère, qui plongeait le paysage dans une sorte de brouillard et mouillait sans donner l'impression d'être trempé.

Trempé, le jeune super héros l'était pourtant lorsqu'il finit enfin par rentrer chez lui, la tête basse, presque deux heures plus tard. À peine détransformé, il se précipita sur son téléphone. Mais pas plus de réponse de Marinette. Était-elle déjà endormie lorsqu'il lui avait écrit ? Il n'était pourtant pas si tard, et il l'avait déjà entendue dire à Alya qu'il lui arrivait fréquemment de rester debout longtemps pour ses projets créatifs... À moins qu'elle n'ait raconté cela pour protéger son identité, et notamment couvrir leurs patrouilles, réalisa-t-il avec remords.

Il fallut toute la persuasion de Plagg pour qu'Adrien ne se couchât pas avec les cheveux trempés. Pour qu'il se couchât, même. Et, à la grande inquiétude de son kwami, qui craignait la prochaine confrontation avec un akumatisé, il dormit très mal. Au final, il fallut que Plagg lui rappelât l'intervention de Nathalie, la veille, pour qu'Adrien trouvât le courage de sortir de son lit et de se préparer, ce matin-là.

Lorsqu'il arriva au collège, son cœur oscillait entre l'espoir et le désespoir. Mais, cette fois-ci, pas de Marinette à l'horizon, et son cœur se fit encore plus gros. Allait-elle le fuir à ce point ? Allait-elle quitter le collège ? Quitter Paris, peut-être même la France ? Avait-elle rendu son Miraculous à Maître Fu ?

La (très) grosse bourde de Chat NoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant