Chapitre 5

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Un bon moment après la sonnerie du début des cours, le cœur d'Adrien s'allégea brusquement. Rouge d'avoir couru, rouge de son retard, Marinette venait de passer la porte. Elle présenta aussitôt ses excuses à leur professeur, qui lui permit de rejoindre sa place, et s'y glissa aussi discrètement que possible. Sans le moindre regard vers le jeune homme, au grand regret de celui-ci.

Lui, au contraire, l'avait dévorée des yeux tant qu'il avait pu, se forçant à se retourner vers le tableau lorsqu'elle s'était glissée sur son banc. Pour sentir avec encore plus d'acuité sa présence dans son dos. Adrien dut tellement mobiliser sa concentration pour ne pas se retourner vers elle qu'il eut le plus grand mal à suivre correctement le cours.

Bien que l'esprit presque entièrement tourné vers la fille de ses pensées, le jeune homme ne put s'empêcher de remarquer que son meilleur ami essayait discrètement d'interagir avec lui. Il regarda rapidement Nino et constata, avec un pincement au cœur, que celui-ci s'inquiétait pour lui. Malheureusement, il ne pouvait rien lui dire. C'était bien trop risqué qu'un civil sache qui étaient les deux principaux super héros de Paris !

Durant la pause du milieu de matinée, le cœur d'Adrien fit un bond dans sa poitrine. Le téléphone d'Alya l'avait informée d'une alerte akuma au moment précis où elle les rejoignait, Nino et lui, tout en traînant sa meilleure amie par un bras. Tandis que la blogueuse vérifiait les informations sur son appareil, Adrien put enfin échanger un regard avec Marinette.

Mais il ne s'attendait vraiment pas à ce regard affolé, traqué, presque désespéré. Était-ce vraiment ce qu'elle ressentait à l'idée de devoir à nouveau avoir affaire à lui ? Ou bien, au contraire, cherchait-elle son aide pour se défaire de l'emprise d'Alya ? Pris de vertiges, il préféra miser sur la seconde option. Après tout, il y avait d'abord un akumatisé à aller combattre.

— Je... je ne me sens pas très bien... souffla-t-il en se pliant en deux pour se tenir le ventre. Marinette... toi qui est déléguée... Tu veux bien m'accompagner à l'infirmerie, s'il te plaît ?

À sa grande surprise, la jeune fille rougit. Elle opina néanmoins, les lèvres pincées, fuyant son regard. Sous l'effet de la surprise, Alya avait lâché son amie et Nino s'était tourné vers lui, l'air inquiet. Marinette s'approcha d'Adrien et, avec hésitation, attrapa son bras pour le guider.

Dès qu'ils furent suffisamment loin de leurs amis, le jeune homme se redressa et, sans chercher le moins du monde à reprendre son bras, invita sa partenaire à le suivre dans une pièce qu'il savait généralement inutilisée, et où il s'était transformé et détransformé plus d'une fois.

Marinette le suivit sans hésitation à l'intérieur et s'adossa à la porte qu'il venait de refermer, les yeux obstinément fixés au sol.

— Je... je suis désolé de t'avoir entraînée avec moi comme ça... souffla-t-il. Je crois que j'ai un peu paniqué, là. Et puis, il fallait qu'on se débarrasse tous les deux de Nino et Alya, alors, euh...
— Oh ! Euh... Non, c'était très bien, ne t'inquiète pas ! s'empressa-t-elle de rétorquer tout en le regardant rapidement, avant de baisser à nouveau le regard. Il... il va falloir qu'on aille s'occuper de cet akuma, là... termina-t-elle d'une voix qui chevrotait un peu.
— Tu... tu veux bien qu'on continue à faire équipe ? s'étonna-t-il d'une voix teintée d'espoir.
— Évidemment ! rétorqua-t-elle en le fixant, les sourcils froncés. Enfin... à moins que tu ne veuilles plus...
— Bien sûr que si, ma Lady ! assura-t-il en la regardant avec un large sourire, le cœur gonflé d'espoir. Toi et moi contre le monde entier, tu te souviens ?

À son tour, la jeune fille se mit à sourire, l'air brusquement soulagée. Elle appela sa kwami, qui surgit de son petit sac et, devant les yeux fascinés d'Adrien, se transforma en Ladybug.

— Ben alors, tu attends quoi ? lui demanda-t-elle avec un sourire qui se voulait gouailleur, tout en croisant les bras.

Le jeune homme sursauta et se frotta la nuque, penaud, avant d'appeler Plagg et de se transformer à son tour.

— C'est quand tu veux, ma Lady ! assura Chat Noir d'une voix suave tout en lui faisant une élégante révérence.
— Tu sais... Tu as raison, il faut vraiment qu'on parle. Mais... pas maintenant.
— Oui, je sais, ce n'est pas trop le moment, là, confirma-t-il tout en se frottant la nuque. Mais... tu pourras me dire quand on pourra en discuter, s'il te plaît ? J'ai... j'ai cru que tu ne voudrais plus jamais me parler... termina-t-il dans un souffle.
— Oh Chat Noir ! Je suis vraiment désolée ! s'écria-t-elle piteusement. Ce n'est pas du tout ça ! C'est... c'est juste que... que je ne savais pas quoi faire, quoi dire... Je... j'avais besoin de digérer un peu.

Il déglutit et opina, avant de réorienter la discussion sur la tâche qui les attendait, et de lui proposer de vérifier ensemble les informations déjà en ligne concernant l'akumatisation en cours, afin de savoir de quel côté ils devaient se diriger.

Lorsqu'ils se glissèrent à nouveau dans la pièce où ils s'étaient transformés, peu avant le dernier bip de leurs Miraculous, les deux super héros échangèrent un regard un peu gêné, ne sachant trop comment réagir l'un vis à vis de l'autre. Dans le feu de l'action, l'adrénaline leur avait permis de fonctionner presque correctement, et de faire équipe à peu près normalement pour vaincre l'akuma.

Mais il restait encore beaucoup trop de non-dits entre eux. Beaucoup trop de choses à mettre au point. Ils se fixaient toujours lorsque, à quelques courtes secondes de décalage, leurs transformations se dissipèrent. Tandis que leurs kwamis rejoignaient leurs places habituelles dans leurs sacs respectifs afin de leur laisser le champ libre, les deux jeunes gens restèrent figés, incapables de réagir, comme s'ils avaient tous deux peur de détruire une porcelaine fragile.

— On... Quand est-ce qu'on peut parler, Marinette ? souffla finalement Adrien d'une voix incertaine, tout en se frottant machinalement la nuque.
— Pas maintenant, on a cours... rétorqua-t-elle sur un ton penaud, tout en fixant le sol et en se balançant d'un pied sur l'autre.
— Oui, ça je comprends bien, reprit-il. Mais... on ne peut pas continuer comme ça. Je dois te présenter mes excuses en bonne et due forme, et...

Adrien n'eut pas le loisir de dire un mot de plus. Marinette venait de poser son index sur la bouche du jeune homme, pour le faire taire.

— Je sais qu'on doit parler, Chaton, mais ce n'est vraiment pas le moment, soupira-t-elle. Tu es libre, après l'école ?
— Toujours pour toi ! assura-t-il sans hésiter. On se retrouve sur le même toit que l'autre soir ?
— Non... soupira-t-elle. Ils annoncent encore de la pluie. Déjà que je n'ai pas eu le courage d'y aller hier soir, en voyant le temps... D'ailleurs, tu as dû rebrousser chemin, toi, j'imagine.

Le silence et le regard fuyant d'Adrien répondirent pour lui.

— Oh ! Tu ne m'as pas attendue trop longtemps, j'espère ! souffla-t-elle, visiblement mortifiée.

Il haussa les épaules sans la regarder davantage et elle grimaça, un air penaud sur le visage.

— Oh... Bon... En fait, je... je me disais qu'on pourrait peut-être discuter chez moi tout à l'heure, après les cours. Enfin, si ça te va, bien sûr... souffla-t-elle. La boulangerie sera encore ouverte, mes parents devraient nous laisser tranquilles.

Cette fois-ci, Adrien redressa vivement la tête, et plongea son regard dans celui de Marinette. Elle lui proposait vraiment de discuter de tout ça chez elle ? Alors, il y avait sûrement de l'espoir, elle était probablement d'accord pour continuer pour de bon à travailler en équipe. Rasséréné, il accepta avec un sourire éblouissant, et fut troublé de la voir rougir.

Le reste de la matinée parut bien plus léger à Adrien, même s'il ne fut guère plus attentif au contenu des cours. Il lui fut encore plus dur d'éviter de se retourner vers Marinette, mais le jeune homme était bien conscient du fait que ce n'était vraiment pas la chose à faire. Au moins, elle ne le repoussait pas, c'était déjà ça. Il allait tout faire pour se faire pardonner.

La (très) grosse bourde de Chat NoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant