Chapitre 8

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— Tu sais, souffla Adrien impulsivement, je suis soulagé qu'on sache qui on est, toi et moi. Je sais bien que c'est dangereux ! s'empressa-t-il d'ajouter en voyant que Marinette s'apprêtait à réagir. Mais j'ai l'impression qu'on pourra être plus efficaces, comme ça. Par exemple, on pourra se joindre aussi en dehors des masques si nécessaire. Et quand l'un de nous deux sauve l'autre en civil face à un akuma, plus besoin de chercher un abri hyper loin du danger, ajouta-t-il en se frottant la nuque.
— Oh ! Mais au fait, comment tu as fait, face à Gorizilla, pour être à deux endroits à la fois ? s'étonna-t-elle brusquement en ouvrant des yeux ronds.
— Ah, oui, c'est vrai, ça... commença-t-il sur un ton penaud en se frottant à nouveau la nuque. C'est pour ça que Chat Noir mettait si longtemps à arriver, en fait, mais je ne pouvais pas te le dire... J'ai été très touché de ta confiance, d'ailleurs, ce jour-là, ma Lady, avoua-t-il avec un petit sourire timide. Et donc, comment j'ai fait ? Euh.. eh bien... j'ai un peu triché. Tu te souviens de Wayhem ? Le fan qui s'était habillé comme moi et n'arrêtait pas de me poursuivre ?
— Oh oui ! confirma-t-elle en levant les yeux au ciel. Qu'est-ce qu'on a eu du mal à s'en débarrasser, de celui-là !
— Ben... heureusement qu'il a été persistant, expliqua Adrien en regardant sur le côté, un peu gêné. Parce que lorsqu'il m'a rejoint, à la fin, je me suis servi de lui. Je lui ai fait croire que j'avais peur de l'akuma et que je voulais me cacher, et je lui ai demandé de prendre ma place. Avec le casque et en découpant la tête de la silhouette en carton qu'il trimballait, c'était presque ça, on a juste échangé nos habits pour parfaire l'illusion. Et quand il m'a rapporté mes affaires, après le combat, j'étais déjà détransformé et il ne s'est douté de rien.

Marinette éclata brusquement de rire, un grand rire nerveux qui, d'une certaine manière, faisait retomber la tension, et Adrien se joignit rapidement à elle. Un peu comme le jour où il lui avait donné son parapluie au début de l'année scolaire, mais avec tout un vécu et une complicité qu'ils n'avaient pas encore à l'époque.

Lorsqu'ils parvinrent à peu près à reprendre leur souffle, ils évoquèrent de nombreuses autres situations où ils avaient dû jongler entre leurs deux identités, ou bien cacher à l'autre le fait qu'ils étaient en réalité partenaires. Les deux jeunes gens étaient alternativement partagés entre rire et consternation, durant toute cette discussion.

Au final, cela leur permit de se détendre réellement pour la première fois depuis l'instant où Chat Noir avait prononcé le prénom de Ladybug et laissé filtrer sa propre identité. Cela leur permit, aussi, de retrouver la complicité qui les unissait lorsqu'ils portaient leurs masques.

Plus important, cela leur permit, enfin, de mieux sentir à quel point Marinette et Ladybug ne faisaient qu'une, à quel point Adrien et Chat Noir ne faisaient qu'un. C'était étrange, d'une certaine manière, après tant de mois à se voir comme des personnes différentes. Mais, en même temps, cela éclairait désormais tellement, tellement de choses !

— C'est dommage, quand même... finit par soupirer Adrien.
— Quoi donc ?
— Ben... Finalement... Si on avait su plus tôt qui on était... Ça aurait été tellement plus simple, j'ai l'impression... On aurait vraiment gagné en temps et en efficacité, toutes ces fois-là... explicita-t-il en se frottant la nuque nerveusement.
— C'est vrai... soupira-t-elle tout en s'appuyant sur le dossier de sa chaise. Mais... Tikki m'a toujours répété que personne ne devait savoir. Comme Plagg de son côté, je suppose.
— Plagg ? Il me l'a dit pour mon père et pour les autres en général, mais il ne m'a jamais dit que je ne devais pas partager mon identité avec toi.
— Ah ?
— J'ai déjà répété à Tikki je ne sais combien de fois... intervint le kwami du chat en se posant sur le bureau entre les deux jeunes gens.
— Plagg ! l'interrompit la kwami de la coccinelle en plaçant ses deux pattes sur la bouche de son compagnon pour le faire taire.
— ... qu'il valait mieux que nos porteurs sachent qui ils sont dès le début ! continua le premier en se dégageant.
— Arrête ! C'est dangereux ! contra-t-elle sur un ton indigné.
— Tikki, tu sais très bien que nous sommes complémentaires, que nos porteurs sont normalement choisis pour l'être aussi, et que nous fonctionnons bien mieux ensemble.
— Cette Ladybug et ce Chat Noir ont toujours parfaitement bien fonctionné en équipe, tu l'as vu ! objecta-t-elle tout en levant le menton et en croisant les bras, une moue sur les lèvres.
— Parce qu'ils sont complémentaires, insista Plagg. Et puis, tu les as entendus à l'instant comme moi, non ? En ne sachant pas qui ils étaient, ils ont perdu du temps plus d'une fois, mais ils se sont aussi mis en danger !
— Mais... Je croyais que cela protégeait nos identités du Papillon ? intervint Marinette d'une voix troublée, les sourcils froncés.
— Pfff ! Si vous êtes capables de protéger votre propre identité de votre ennemi, vous êtes tout aussi capables de protéger celle de votre partenaire ! objecta Plagg en haussant les épaules et en levant les yeux au ciel.

À ces mots, Adrien ne put empêcher une exclamation satisfaite de quitter sa bouche, bouche qu'il cacha aussitôt de ses deux mains avec horreur, persuadé que sa Lady allait la lui reprocher. Mais le regard perdu que la jeune fille lui lança lui donna plutôt envie de la rassurer face à toute cette folle situation, et il posa une main sur son épaule.

La réaction de Marinette à ce geste ne fut pas celle à laquelle il s'attendait. Elle ferma les yeux et soupira profondément, avant de les rouvrir pour le regarder brièvement avec un petit sourire tremblant, puis de se tourner à nouveau vers les kwamis.

— Je ne comprends plus rien... souffla-t-elle dans leur direction. Pourquoi tu ne m'as pas dit que Chat Noir et moi pouvions partager nos identités, Tikki ?

La kwami de la coccinelle resta silencieuse, le regard sombre, et Plagg posa, lui aussi, une patte sur l'épaule de sa partenaire.

— Elle... elle a peur de ce qui pourrait t'arriver... souffla-t-il à voix basse.

Marinette et Adrien se regardèrent, silencieux et brusquement inquiets. Le jeune homme se souvint que son kwami lui en avait un peu parlé.

— Elle a peur que l'histoire se répète, c'est ça ? vérifia-t-il.
— Quelle histoire ? demanda la jeune fille en se penchant en avant, les sourcils froncés.

Brusquement mal à l'aise et, lui-même, inquiet à l'idée de la perdre, Adrien ôta sa main de l'épaule de sa partenaire et attrapa la main de la jeune fille, qu'il serra tendrement. Elle ne le repoussa pas, même si elle sursauta légèrement au début.

Sans regarder les deux humains, Tikki soupira longuement et s'assit sur le bureau de sa porteuse.

— Tu sais très bien que c'est dangereux, Plagg, et que c'est à cause de ça qu'ils sont morts, cette fois-là...
— Non, Tikki, ça c'est ton interprétation. Regarde mon Chat Noir actuel : il n'arrête pas de se sacrifier pour ta Ladybug. Le fait de savoir qui elle est n'y changera rien. Ça les met en danger uniquement parce que, du coup, ils ont besoin d'un temps d'adaptation à ces nouvelles données, au lieu d'avoir appris à fonctionner ensemble dès le début. C'est le fait de ne pas savoir qui les a le plus mis en danger, jusqu'à présent.
— Mais...
— Et tu crois vraiment, l'interrompit Plagg, que ta Ladybug le laisse se sacrifier sans états d'âme ? Qu'elle ne s'est pas attachée à lui, même avant de savoir qui il était ? continua-t-il sur un ton de reproche.

Machinalement, Marinette serra fort la main d'Adrien dans la sienne, tout en regardant toujours vers les kwamis. Il tourna avec surprise la tête vers elle. Elle avait toujours les sourcils froncés et un air particulièrement concentré, qu'il lui connaissait surtout sous son masque.

— Est-ce qu'on peut savoir ce qu'il s'est passé, la fois dont vous parlez ? intervint la jeune fille d'une voix tendue. Après tout, ça nous concerne, non ?

La (très) grosse bourde de Chat NoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant