Jeanne

Mauvaise rencontre

J'enlève mon t-shirt, mes chaussures, et mon pantalon. Je me retrouve en maillot de bain.  Il fait tellement chaud que je n'ai même pas froid. 

Je sors de la cabane. Je mets un pieds dans le courant. L'eau est tiède. Ca va me rafraîchir.

Je plonge dedans, dans une partie plutôt profonde. Je remonte vers la cabane. Les guirlande à énergie solaire sont allumées. Comme toutes les nuits, je suppose. Elles sont accrochées parallèlement à la rivière, de chaque côté. 

Je m'allonge contre le fond. Soudain j'entends des cris étouffés. Je me relève brusquement. Je m'avance dans la forêt minuscule. Je vois une maison. C'est l'ancienne maison abandonnée ! Elle a été rénovée. Nous avons des voisins. 

Je m'approche de la maison. Je suis assez loin, pourtant j'entends tout. 

- Lilly ! De toute façon, tu ne fiches rien dans cette maison ! crie une voix d'homme. 

- Tu rigoles !? Je fais tout ici ! C'est toi qui ne fais rien, James !

- S'il vous plaît, arrêtez de vous disputer !

C'est une voix d'adolescent. Comme les voix des adolescents du collège. 

- Jimmy, retourne dans ta chambre. 

Il baisse un peu le ton de sa voix. J'entends quand même.

- Ta mère et moi discutons.

Je lâche un petit ricanement. C'est ce que me disaient mes parents avant de divorcer. Ils ont divorcé parce qu'ils "discutaient", peut-être ? Je ris jaune. Je plains ce Jimmy.

J'entends et je vois la porte d'entrée claquer. Un garçon en sort. Je suppose que c'est celui qui a crié. Les parents continuent de se disputer. Il rentre dans la forêt. Il se dirige vers le ruisseau. Nous sommes de l'autre côté du ruisseau, pas du côté de notre maison de vacances. Il enlève ses chaussures et traverse le ruisseau. Il entre dans la cabane. Je met une main sur ma bouche. J'ai laissé mes affaires dedans. Il ressort et regarde aux alentours si il y a quelqu'un. Puis il rentre.

Je traverse le ruisseau le plus silencieusement possible. Vers le milieu, je glisse sur une pierre et m'affale de tout mon long dans l'eau. Je lâche un petit cri. J'atterris avec splash !  Le garçon sort de la cabane. Je me relève. On se regarde.

- Euh... Salut. Ca va ? ais-je tenté.

Il ne répond pas. Il rentre dans la cabane. Il jette mes vêtements dans l'eau. 

- Hé ! De quel droit...

Il met de la musique. 

Je rage. Je rentre dans la cabane. Je prends son portable et son enceinte pendant qu'il m'ignore. Je cours et les mets dans un tronc creux secret. 

Je reviens. Il est au milieu de mon chemin de retour à la cabane.

Je lui fait un grand sourire.

- Bonjour !

Je retourne à la cabane. Il court chercher ses affaires. Il ne les retrouvera pas sans moi. 

Je rentre dans la cabane. Il a laissé son sweat. Je le jette dans l'eau. J' étends mon linge sur le fil qui traverse la cabane. Je me laisse sécher. Je cherche une BD. Quand on avait terminé cet endroit, on avait fait une petite bibliothèque dans un coin. On y avait mis tous les livres que l'on voulait laisser ici dans des sacs conservation, pour qu'ils survivent aux intempéries. 

- Tu les a mis où ?! 

Jimmy est dans l'entrée. Il parle d'un ton agressif. Je tourne ma chaise, et je continue à lire. 

Mon livre m'arrive violemment sur la poitrine. Jimmy l'a frappé. Je sursaute. Je le reprends et fais semblant de lire. Je le tiens bien, cette fois.

- Qui es-tu ? dit-il.

Je ne peux pas résister.

- Celle qui a construit cette cabane.

- Tallia ou Jeanne ? 

Je me retourne brusquement. Il tient le pacte entre ses mains. 

- Ne touche pas à ça, ais-je grondé. 

- Et tu vas faire quoi si j'y touche ?

- Ne jamais te dire où est ton portable. 

- Je le garde et je te le redonne quand tu m'auras redonné mon portable et mon enceinte.

- OK, dis-je à contrecœur. 

Je le mène jusqu'au tronc. Je lui redonne ses affaires. Je regarde dans le tronc, pour voir si je n'ai rien oublié, quand un bruit m'hérisse les poils et m'écorche les oreilles.

Je me retourne brusquement. Il a un morceau du  pacte dans chaque main. 

Je me jette sur lui. Comme je ne sais pas me battre, c'est facile pour lui. Il me repousse violemment contre le tronc d'arbre. Ma tête s'est cognée. Ça ne saigne pas, mais j'aurais un bleu.  Il me regarde, avec mépris. Je le foudroie du regard. Je me jette sur lui, mais cette fois-ci, c'est pour prendre son téléphone. Je le jette dans l'eau, les joues couvertes de larmes. 

Je retourne à la cabane. Il n'a plus aucun objet auquel je tiens. Je cours récupérer les bandes dessinées et mes vêtements. Je les cache dans un autre tronc creux. Je me rhabille et cours vers la maison. Je remonte dans ma chambre. Je reprends une douche, des larmes coulant encore en abondance. Je pleure depuis longtemps, maintenant. Il serait temps d'arrêter de pleurer. Mais le pacte est important. Il a cassé quelque chose de précieux dans ma vie, et je crois qu'il le sait. Je serais plus discrète sur les choses auxquelles je tiens, désormais. Je me sèche. Je marche calmement jusqu'à la cuisine, pour que personne ne m'entende. Je prends le pot de pâte à tartiner, une grosse part de gâteau, une cuillère, puis je remonte dans ma chambre. 

Je m'assied sur mon lit. Le gâteau part rapidement, et la moitié du pot de pâte à tartiner y passe.  Je ne peux pas refaire les choses de toute façon. Je vais discrètement reposer le pot de pâte à tartiner et mettre mon assiette au lave-vaisselle. Je remonte, me couche et m'endors.