Je me lève, il est six heures. Je vais dans la cuisine. Je prépare la pâte à crêpes. Je l'ai tellement faite que ça devient presque naturel. Pas besoin du livre, ni des doses. Will fait cuire quelques crêpes, et laisse la pâte reposer. Je sort le sucre, et regarde Will faire du caramel au beurre salé. Heureusement que Tallia a le sommeil profond. Il verse le caramel dans une poche, et je fais une spirale de caramel dans chaque crêpe. Je verse des fragments d'Oréos dans la première, des fragments de Granolas dans la deuxième, et des copeaux de chocolat dans la troisième.
On ne fait jamais ça d'habitude, mais elle adore ça. Pour son anniversaire, on se doit bien de le faire, non ? On adore se faire les meilleurs cadeaux possibles entre frères et soeur. Maman travaille dans une crêperie. La sienne. On l'aide beaucoup, c'est pour cette raison que je connais bien la recette des crêpes. Tallia n'est pas très douée, elle s'abstient de rentrer en cuisine, sauf pour aider à servir. Elle préfère accueillir les clients.
Je pose les crêpes sur un plateau bleu fonçé. Will pose un verre de jus d'orange, et un chocolat chaud. Je monte les escaliers avec un des deux plateaux, celui avec la nourriture, et Will suit avec le plateau cadeaux.
Je rentre dans sa chambre, et recouvre un peu Tallia, qui dort en courte chemise de nuit.Je pose le plateau sur la table de nuit de Tallia, et ouvre les rideaux. Je mets sa musique préférée, et je la réveille d'une main, le plateau dans l'autre. Elle se réveille, clignotant des yeux. Elle voit les plateaux, et ses yeux s'ouvrent grand. Elle s'asseoit dans son lit. Je pose le plateau sur ses genoux. Elle sourit.
- Je vous adore ! Vous êtes trop géniaux. Je vous adore ! Répète-t-elle.
- Nous aussi, on t'adore. Joyeux anniversaire !
Une boule se forme dans mon estomac. Je sors de la chambre. Les larmes me montent aux yeux, mais je les refoule. Je me demande combien de fois j'ai été horrible avec elle. Je ressens ça sur le moment, mais la prochaine fois qu'elle va m'énerver, je n'aurais pas autant de regrets. J'espère que l'on ne se disputera pas trop souvent.
Je reviens. Je prends le plateau, et le pose sur la table de nuit. Je la serre dans mes bras. Elle sent bon. Je la serre fort. Elle est étonnée, mais me serre aussi dans ses bras. On s'aime. C'est le principal.
Will s'asseoit aussi, et nous prend dans ses bras à son tour. On reste comme ça quelques temps. Puis Will déclare :
- Les crêpes et le chocolat ne vont plus être très chauds. J'ai oublié le sucre.
Il sort.
- Je reviens, j'ai rangé le sucre dans un endroit où il ne cherchera pas.
Je dévale les escaliers.
- Qu'est-ce que tu as ? Ais-je demandé.
- Rien.
Ses yeux tristes me regardent.
- Juste que...Non rien.
- Raconte où je te force à manger la pâte à crêpes crue.
- Erk. Je...J'ai bientôt dix-huit ans, et Père va me forcer à partir. Je me sens mal pour vous. Qui peut deviner quand est-ce qu'il aura sa prochaine crise de rage ? Vous pourriez être blessées, comme le jour où je vous ai retrouvées au sol, presque mortes de peur ! Mais cette fois-là, je ne vous retrouverais pas ! Qui sait ce qu'il pourrait se passer ? Il s'en prend encore à toi, son état s'empire !
- Will, n'oublie pas que nous sommes la plupart du temps chez Maman... Là-bas, rien ne pourra se passer.
- Oui... Où as-tu mis le sucre ?
- Ici.
Je me baisse pour l'attraper, quand je sens du froid dans mon dos.
Jim m'a versé de l'eau dans le dos.
- Iiiiiih ! C'est froid !
Il rit, la bouteille d'eau à la main. Je cours dans les escaliers. On se bat. Je retiens son bras avec la bouteille d'eau. Il relâche un peu son bras, et je fais sursauter la bouteille, qui déverse son contenu sur Will. Il grimace.
- C'est un peu...froid.
Je ris.
On retourne auprès de Tallia. On rit, on joue, et je réalise que Will a raison. On ne sera plus pareilles sans lui. Il nous a protégées, et il apporte le bonheur que nous n'aurions jamais trouvé sans lui. Il va me manquer. Pendant que Tallia mange, nous nous regardons dans les yeux. D'un regard triste et désolé pour l'autre. Il sort de la chambre, après que son regard se soit empli de larmes. Et le mien du même coup. On rentre chez maman dans deux semaines. Deux semaines à tenir.
- Jeanne... Qu'est-ce qu'il se passe ?
- Ne t'inquiète pas. Je ne veux pas t'attrister aussi.
- Si vous êtes tristes, je le suis aussi. Ne pas me dire ce qu'il se passe ne fera que m'attrister encore plus.
- Je crois que Will est triste de savoir qu'à ses dix-huit ans Père va l'obliger à partir. Il s'inquiète pour nous.
- Oh. Il va partir ?
- Pas de son plein gré, mais oui.
- Oh.
- Mais moi, je serais là, et on ira le voir. D'accord ?
- Oui...
- C'était bon ?
- Délicieux ! Tes goûts et ceux de Will mélangés sont un mélange parfait !
- Habilles-toi, on a planifié une super journée ! Ok ?
- Comment ça, une super journée !? Gronde la voix de mon père dans mon dos.
Je me retourne brusquement.
- Vous voudriez peut-être que je me barre ? TU-AS-DU-BOU-LOT, JEANNE, martèle Père.
- Mais...Tu ne peux pas gâcher cette journée ! S'il te plaît !
- Ose refaire affront à ton père et tu verras.
- Mais...
- Qu'ais-je dit ? gronde-t-il.
- Mais tu n'as pas le droit ! ais-je explosé. Tu n'as pas le droit de nous traiter comme ça ! Nous tenir dans la terreur de tes crises, ce n'est pas être père ! Tu es ignoble, et tu ne l'assumes pas ! Tu gâches tout ! Tous les bons moments deviennent des punitions quand tu es dans les parages !
Il prend mon bras, et le serre fort. Je me dégage brusquement.
- Arrête ! ais-je crié, me faisant mal à la gorge,d'une voix aiguë, emportée par ma colère. Lâche-moi ! Tu n'auras jamais une quelconque récompense ! Tu es trop horrible pour mériter quoi que ce soit. Je te hais, hurlais-je. Tu m'entends ? Je te hais ! Je demanderais à ne plus jamais revenir chez toi ! Je ne suis même pas chez moi ici.
Il reste figé par la surprise. Son regard s'emplit de rage. Il se dirige vers moi, le poing levé. Je le frappe. Dans l'entrejambe, de toutes mes forces. Puis au visage. Il s'affale sur ses genoux. Je sors précipitamment Tallia de son lit, et descend l'escalier à toute vitesse. Je prends nos chaussures dans le premier sac de courses que je trouve, puis je cours hors de la maison, tenant Tallia par la main.
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Jeanne
AdventureC'est l'anniversaire de Jeanne aujourd'hui. Elle doit faire comme si tout allait bien. Mais, arrivée la nuit, elle fait un rêve, un rêve qui va lui rappeler des souvenirs.