I. L'écologueur.

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À notre poumon qui brûle dans l'indifférence.
Librement inspiré du « Déserteur » de Boris Vian.

Monsieur le président,
Je vous fais une lettre
Que vous lirez peut-être
Si vous avez le temps.

Je viens de recevoir
À la télévision
Quelques informations
Au journal de ce soir.

Des trottoirs étouffés,
Des rives étiolées,
La nature balafrée,
La planète estropiée.

Rien pour vous émouvoir
Monsieur le président
Vous le savez pourtant :
Vous êtes mort ce soir.

N'est-il vrai qu'on entend
L'appel de la nature
Dans votre propre usure
Monsieur le président ?

N'entendez-vous donc pas
Le cri rauque des plaines
Peser dans votre haleine
Et alourdir vos pas ?

Vous voyez pourtant bien
Dans ces âcres moiteurs
Et râles des moteurs
Que pourrissent vos mains

C'est votre vie, la mienne,
Notre unique mesure,
Qui va à toute allure
Succomber demain même bien.

Monsieur le président
Vous êtes bon apôtre
Mais pensez donc aux vôtres
Qui vivront dans trente ans !

Ils auront tant souffert
Qu'ils se moqueront des bombes,
Et se moqueront des tombes
Tant que vivra la Terre.

La guerre et la misère ?
Mon fils n'en mourra pas. 
Non, il étouffera
De ne plus avoir d'air.

Monsieur le président
Vous donneriez votre âme
Pour sauver votre femme
Ou bien vos chers enfants,

Mais pas un peu de temps
Et de bonne volonté
Là, pour L'Humanité
Et le monde vivant ?

Vous avez bien raison
De penser à l'argent
Monsieur le président.
Mais sans indiscrétion,

Pourriez-vous donc me dire
Comment payer nos arbres
Si vous rachetez votre âme
Au prix de notre avenir ?

Depuis que je suis née,
On tue mes océans,
On asphyxie mes champs,
On brûle mes forêts.

On nie ce qu'on a vu
On croit qu'on a le temps.
Mais depuis nos naissances
L'on en a déjà plus :

Cela fait trop longtemps
Qu'on espère demain,
Recevoir dans nos mains
Les preuves qu'on attend.

Monsieur le président
Ne tuez pas la Vie
Pour sauver une vie
Du devoir qui l'attend.

Agissez maintenant,
Non pas par charité
Mais par nécessité
Pour demeurer vivant.

Un dieu ne guérit pas
Mille ans de négligence,
Mille ans d'indifférence
D'hypocrites ingrats.

Alors demain matin,
Je fermerai ma porte
Aux nez des années mortes,
Je crierai aux chemins :

« Refusez d'obéir !
Oui, refusez d'attendre !
Faites vous bien entendre :
Refusez de mourir ! »

On cherche en des étoiles
Une trace de vie,
Mais on tue dans merci
Le seul astre viable.

Si vous me poursuivez,
Prévenez vos gendarmes :

Tant que vivront les arbres,
Ils pourront bien tirer.

MathildesBlaueBlume

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⏰ Dernière mise à jour : Sep 01, 2019 ⏰

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