La jeune femme allait exploser. Comment avaient-ils osé ?! L'évincer, elle ? Elle travaillait depuis des décennies pour obtenir cette place ! Près de cent années, peut-être même plus, à courber l'échine, à obéir, à apprendre, encore et toujours apprendre. Elle n'avait plus rien à apprendre ! Elle était sans conteste l'Immortelle la plus douée de sa génération, la plus puissante depuis des millénaires ! On ne la remplaçait pas, elle ! Et encore moins par cette incapable, cette ancienne fleuriste, cette angelette, cette catin ! Qu'avait-elle fait de plus qu'elle ? Rien ! Cette opportuniste avait simplement réussi une mission, simplement une ! Alors qu'elle, elle en avait couronné de succès des dizaines. Tout ceci était injuste.
Ils lui rappelaient sans arrêt les valeurs, « il faut représenter les valeurs », qu'ils disaient. Toujours les va-leurs. Mais ils les transgressaient à la première occasion, contre elle en plus ! Alors qu'elle s'était appliquée à les représenter dignement.
Ils venaient de réduire toutes ses possibilités, et ses ambitions, à néant. Elle n'avait plus rien désormais. Elle avait travaillé tellement dur, tellement longtemps, pour qu'on la remplace au dernier moment ! On avait privilégié cette amatrice. Tout ça pourquoi ? Parce qu'elle avait amené la paix aux Mortels, ces inutiles créatures, parce qu'elle avait stoppé leur guerre. De toute manière ils recommenceraient. Les Mortels ne savaient que voler, et détruire. Elle le savait mieux que quiconque. Enfin, étaient-ils aveugles ?! Elle était sur le terrain, elle aussi, en tant qu'Angitorine. S'il y avait une victoire, et quelqu'un à récompenser, c'était bien elle : elle avait été chef des opérations ! Vraiment pas cette ange-gardienne, novice qui plus est, qui avait simplement conduit cette mortelle inutile, cette Jeanne d'Arc. De son temps on ne donnait pas des prénoms aussi mièvres. Pour couronner le tout, son Suoja était mort prématurément, la Mortelle avait péri.
Elle ne se laisserait pas faire. Oh que non, on ne la laissait pas tomber, elle. Pas sans conséquence. Elle se vengerait. Oh que oui. Ils auraient dû faire plus attention, réfléchir un peu plus avant. Ils la sous-estimaient depuis le départ, de toute façon. Ils ne la croyaient pas, quand elle disait qu'elle était celle qu'ils attendaient, elle leur montrerait.
Elle les détruira, tous, sans exception. Elle prendra la place qui lui reviens de droit. Elle fera payer cette petite impertinente. Qui a dit qu'un Ange devait pardonner ? Les valeurs sont des mensonges.
Dans sa fureur, la femme aux cheveux châtain, qui ressemblait plus à une créature surnaturelle avec ses grandes ailes blanches et son auréole s'obscurcissant depuis quelques minutes, retournait la pièce en cherchant ses affaires. Ils lui avaient demandé de partir, de quitter les lieux, de laisser sa place. Alors, tout en ruminant sa haine, elle récupérait toutes ses affaires dans la bibliothèque de Lem Atane. Ses livres, ses essais, tout son travail durant ces cent dernières années. Son cerveau tournait à plus de milles à l'heure. Elle fouillait déjà dans tout ce qu'elle savait, connaissait, ressentait, pour trouver un moyen de se venger. En hurlant, elle serra les poings. La plupart des meubles et étagères présentes dans la pièce s'envolèrent, comme poussés par un vent violent. L'Ange, qui se considérait comme trahie, Déchue, ramassa ses effets personnels par terre. Mais un détail attira son attention dans l'armoire renversée. Un minuscule bout de papier, plié et replié à l'infini, était coincé entre deux étages. En un clin d'œil, au sens propre, l'objet s'envola jusqu'à sa paume ouverte. Il brilla, puis se déplia. La feuille, jaunie, paraissait vieille de plusieurs milliards d'années, et fragile comme une plume d'Effir. De nombreuses lignes étaient rédigés d'une manière soignée, à l'encre noire, en Kielli ancien :
« Quand le Mal, après prospérité de sa vile destinée, sera enfermé, la fin sera enclenchée.
En croyant l'arrêter, ils ne feront que le rendre plus fort.
En croyant l'emprisonner, ils ne lui donneront que plus de liberté.
La noirceur est dangereuse, mais elle ne l'est que plus quand on la combine à un cœur pur.
Les ténèbres ne sont que plus ravageuses quand elles ont la possibilité de se donner vie.
Ils le feront, remplis d'illusions, d'espoir, d'un orgueil fatal.
Ils profaneront l'Être le plus pur du monde. L'élu, seule chance de salue, deviendra Malédiction.
Ils anéantiront leur seule chance de repousser le Mal.
Car en introduisant la noirceur en lui, ils donneront une chance aux ténèbres de se donner vie.
Elles seront alors indestructibles. Car leurs valeurs manichéennes seront obsolètes, ils resteront dans le Passé, fermeront les yeux sur l'Avenir.
Ils se berneront pendant bien longtemps, en se disant qu'il pourra l'arrêter. Qu'il pourra choisir.
Mais ils réaliseront bien vite qu'une fois le Mal réveillé, il ne peut pas se rendormir.
Et que dans un choix pareil, les ténèbres l'emportent.
Toujours. »
Un sourire carnassier vint étirer les lèvres roses de l'Immortelle. N'avaient-ils pas dit que toutes les anciennes Prédictions des Nakysuus de L'Ancien Temps avaient été détruites ? Qu'il ne fallait pas se fier aux Lectures, qu'elles étaient incomplètes, et souvent irréelles ? Mensonges.
Sa vengeance, elle la tenait au creux de sa main. Il lui faudrait du temps, de l'acharnement, de la puissance. Mais surtout de la ruse, de l'aide, quelqu'un qui aurait ouvert les yeux comme elle. Elle savait déjà qui.
Les valeurs étaient des mensonges. Les Hautes et Basses Lumières étaient des mensonges. Le bien et le mal étaient des mensonges. Ce Monde était un mensonge.
Si c'était comme ça, elle le referait.
Elle construirait un nouveau Monde, basé sur la Mort de ses dirigeants actuels s'il le fallait, ainsi il serait comme elle le souhaite.
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// SANS NOM // Tome 1 : Sous l'aile du Ciel
FantasyAngie Seven aime sa famille, la simplicité de sa vie. Comme tout le monde, elle y réglerait bien quelques petits détails, comme ramener son père à la vie, pousser son petit ami à l'aimer vraiment, ou réussir à s'affirmer de nouveau face aux autres...