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NÉNÉ & OZ



22:05



— C'est mon toit ici.

Oz fronça si fort ses sourcils qu'ils se rejoignirent au milieu de son front. Il était tranquillement en train de fumer sa cigarette électronique quand une femme avait débarqué de nul part. Elle envahissait son espace vital et le regardait comme s'il avait assassiné JFK. Ce qui était impossible, car il n'était même pas encore né à cette époque.

— Ah ? souffla-t-il. Je ne savais pas que le toit d'un immeuble pouvait appartenir à quelqu'un. Non, je sais ! Tu es la fille du propriétaire de la coopérative ? Ou du gardien de l'immeuble ? Si c'est ton père ou ta mère qui gère le bâtiment, je comprends mieux ce que tu...

— Ok, ouais, nan, stop. Tu parles trop. C'était mieux quand t'avais l'air surpris.

— Tu veux que je re fronce les sourcils ?

— Je t'en prie.

— Cool.

Les deux jeunes adultes échangèrent un regard sans le vouloir et ne purent se retenir plus longtemps. Ils éclatèrent de rire. Des rires étouffés, mal contrôlés, bourrus et clairement pas aussi beaux que ceux des personnages dans les films. Leur première conversation était si pathétique que ça en devenait drôle.

La jeune femme finit par essuyer une larme qui perlait au coin de ses yeux. Elle s'assit à côté d'Oz, en tailleur. Elle avait un style vestimentaire particulier, mais qui lui allait comme un gant. Ses cheveux roux, bouclés, étaient coupés en un carré très court qui dévoilait sa nuque piquée de taches de rousseur. Son trait d'eye-liner n'était pas droit et ses sourcils pas brossés. Elle portait une salopette en velours côtelé verte sapin sur un col roulé noir. Elle tapota doucement la clope qu'elle avait à la main contre ses converses blanches, afin de faire tomber la cendre.

— T'habites ici ? Je ne t'ai jamais vu avant, commença-t-elle pour lancer une vraie discussion.

— Je viens d'emménager au premier étage. Dans le petit studio en face de la vieille dame au chihuahua.

La rouquine eut un sourire en coin.

— Géraldine ? Fais gaffe, elle adore les hommes plus jeunes qu'elle.

Oz lui lança un regard effaré et elle se mit à rire.

— Pourquoi tu me racontes ça ?

— Je plaisante, pouffa-t-elle. Enfin, à moitié. Attend, je te raconte ! Quand j'étais en terminale, mon professeur de physique-chimie est venu à la maison...

— Hein ? Déjà, ça, c'est super bizarre ! s'exclama Oz en ouvrant grand les yeux.

— Mais non, t'occupes. Il avait une bonne raison. Bref, il est partit vers 18h je crois. Après, je suis allée voir des potes un petit moment et quand je suis rentrée vers, disons, 22h, il sortait tout juste de l'immeuble !

— Ne me dis pas que...

Elle esquissa un rictus mi-grimace mi-sourire.

— Si ! Il sortait de l'appartement de Géraldine, j'ai même entendu cette vieille folle l'appeler mon chou. Et quand je l'ai croisé, il avait une traînée de suçons dégueulasses juste ici, raconta-t-elle en désignant son propre cou d'un air écœuré.

Oz ne savait pas vraiment s'il devait rire ou pleurer. La vieille dame lui avait paru très sympathique avec ses cols claudine et son far à joues qui lui donnait un petit air ahuri. Même son chihuahua avait été gentil, sachant que le jeune homme n'aimait pas spécialement les chiens. Mais savoir qu'il avait une cougar comme voisine l'inquiétait un peu.

— Attend, réalisa-t-il soudain. Tu veux dire qu'il est resté au moins quatre heures dans l'appartement de Géraldine ?

— Qu'est-ce que tu veux ? répondit-elle en haussant les épaules. Elle est endurante la mamie.

Ils eurent beau se mordre l'intérieur des joues, ils ne purent empêcher le rire de franchir à nouveau la barrière de leurs lèvres.

— Ok, stop, supplia Oz en reprenant son souffle. Je ne veux plus jamais avoir une telle image de ma voisine !

— Bientôt tu auras peut être même l'action en direct live, pouffa la rouquine en écrasant sa cigarette contre le sol en béton de l'immeuble.

Il leva son plus beau majeur devant le visage de la jeune femme qui esquissa un sourire franc.

— Finalement, t'es plutôt cool comme gars. Je m'amuse bien avec toi. J'accepte de partager mon toit avec ta personne.

Oz lui lança un regard et elle sourit.

— Comment tu t'appelles ?

— Les gens m'appellent Oz généralement, comme le magicien là.

Elle lui tendit la main.

— Moi, on me surnomme Néné.

Au-dessus des toits des autres immeubles de la ville, le soleil amorçait lentement sa descente. Il dardait ses chauds rayons lumineux sur les deux silhouettes des jeunes adultes, formant autour de leurs deux corps une auréole brillante. On avait l'impression que la lumière émanait d'eux, malgré le fait qu'ils ne soient pas incandescents. On appelait ce phénomène la luminescence.

Et Oz serra doucement les doigts de Néné.

La rousse & le blanc-becOù les histoires vivent. Découvrez maintenant