La rousse & le blanc-bec

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PARTIE ONZE

NÉNÉ & OZ

02:34

— Comment ça se fait que t'en parle
aussi facilement ? De ton cancer,
je veux dire. Ça te rend pas triste ou ça te rappelle pas de mauvais souvenirs ?

— En fait, je fonctionne
un peu comme toi.

( Silence )

— Hein ?

— Quand ton grand-père est mort,
tu m'as raconté que tu t'es dis qu'il
y avait bien pire dans la vie.
Je faisais pareil.

— Attend ! Tu veux dire que t'arrivais à
te dire "tranquille j'ai un cancer,
mais y a pire que moi dans ce monde" ?

— En quelque sorte.

( Silence )

— Le truc, c'est de relativiser.
Comme on vient de le dire.
Penser que partout dans le monde
des personnes vivent des
choses pires que toi.

Les gens qui se plaignent pour un rien,
ça me casse les couilles.

C'est quoi une rupture quand des milliers
de femmes sont violées et mariées de force ? C'est quoi un décès quand des gens bien vivants sont torturés ?

( Silence )

( Néné joue avec son lacet )

— C'est quoi un cancer quand des gosses crèvent de faim sous les bombes ?

( Silence )

— Je ne dis pas qu'on a pas le droit
d'être triste, mais au bout d'un moment
faut prendre en compte le fait qu'on vit
dans un pays en paix, qu'on a un putain
de toit au-dessus de notre tête et de la
bouffe dans notre assiette.

On peut pleurer et prendre le temps de faire son deuil, mais faut aussi penser à se relever.

Je sais que beaucoup pense qu'au fond, relativiser, c'est pas une solution. Qu'il
vaut mieux dire les choses clairement
plutôt que d'encaisser en silence. Moi, je
suis certaine que ça dépend des gens.

En attendant, c'est ce qui me permet
d'en parler aujourd'hui et c'est ce qui
m'a empêché de craquer. Alors, oui,
c'est pas toujours facile de relativiser, mais
si ça marche pour moi j'vois pas pourquoi j'arrêterais.

Et si un jour arrive où je serais incapable
de le supporter, tant pis, j'exploserais.
Mais je sais que je finirais par me relever.
Le cancer m'a pas abattu, je vois
pas pourquoi la vie y arriverait.