Chapitre troisième

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   Jasper consentit enfin à descendre dans le hall et y trouva Encre, un peu tendu, qui attendait devant la grande porte. Le jeune vampire prit le temps de contrôler cette jalousie qui le consumait de l'intérieur et se composa un visage neutre, ni agressif ni joyeux, un visage simple. 

   En le voyant, Encre sourit maladroitement pour cacher son anxiété et lui tint la porte pour se montrer aimable en essayant de se focaliser sur les conseils de son mari. 

-Après toi, Jasper, sourit-il toujours en laissant le jeune squelette passer avant de sortit à son tour. Je pensais aller au lac, près de la montagne. Mais si l'endroit te déplaît, nous pouvons tout à fait aller ailleurs !

   Jasper ne dit rien et se drapa d'un sourire de façade qui ne trompait personne. 

-Le lac est parfait, il n'y a aucun soucis messire. 

   Aussi prirent-ils le chemin menant à l'est, vers leur destination, dans un silence inconfortable qui ne fit qu'accentuer la détresse du peintre. Encre essaya de se concentrer sur la lune, sur les étoiles magnifiques et brillantes qui éclairait la forêt d'une douce lueur enchanteresse, sur ce tableau vivant, mais l'indifférence de Jasper lui revenait en pleine figure comme une claque bruyante. 

   Jasper, pour sa part, essayait de penser à une façon de rentrer au plus vite, aveuglé par sa jalousie et sa peine grandissante. Il essayait de lutter contre, mais à chaque fois le visage souriant du peintre revenait hanter ses pensées et lui rappelait que c'était ce mortel qui tenait le cœur de son père au creux de ses mains, et que lui avait encore et toujours une place mineure, fragile et bancale. Pendant treize ans, il avait toujours essayé de correspondre à l'image du petit prince obéissant que son père voulait qu'il soit, et voilà qu'était apparu Encre qui n'avait eu qu'à sourire pour faire sourire son père. 

   C'était si injuste. Et si cruel de feindre l'indifférence face à son père. 

   Le lac dévoila sa surface d'un noir d'encre face à leurs orbites et les étoiles s'y reflétaient comme un millier de diamants de lumière. À part quelques anomaux nocturnes, les environs étaient silencieux et calmes et rien, mise à part leur présence, ne rompit ce calme et cette sérénité. 

-Parle-moi, je t'en prie... 

   Surpris, le jeune prince releva les yeux vers le squelette aux os blancs et se sentit fléchir sous ce regard triste et désespéré qu'arborait l'artiste. 

-Je t'en supplie, explique-moi, parle-moi, mais dis-moi ce qui te répugne en moi... Je le vois bien dans ton regard, cela me pèse, et je ne comprends pas. Je veux savoir pourquoi tu ne m'apprécies pas, et comment je peux faire en sorte que l'on s'entende bien... 

   La jalousie revint comme une bourrasque dans le cœur du jeune vampire qui serra les poings en ployant sous ces larmes silencieuses et ces peines muettes. 

-Je vous jalouse, voilà ce qu'il y a ! explosa-t-il en ne pouvant retenir quelques larmes amers. Vous êtes arrivé dans nos vies, à mon père et à moi, et vous avez rendu le sourire à mon père en à peine une année, alors que malgré tous mes efforts je n'étais qu'une gêne indigne de la lignée des Princes de la Nuit ! Vous être la personne que je n'arrive pas à accepter, parce que peu importe les situations, vous êtes toujours là, à sourire en espérant que tout ira bien, que nous serons comme une belle, grande, et heureuse famille ! Mais vous êtes le seul que mon père regarde avec tant d'amour, tant de douceur ! Vous êtes le seul dans son cœur... Et moi...  je ne suis qu'un successeur que l'on enchaîne au fond des salles d'études... et... c'est injuste... 

   Choqué, comprenant que ce jeune enfant avait souffert en silence pendant ces deux longues années, Encre en avait les larmes aux yeux. Touché, il voulut essuyer les larmes des joues du vampire mais ce dernier recula comme blessé par l'attention, sur la défensive. 

The Damned WaltzOù les histoires vivent. Découvrez maintenant