Chapitre second

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   Suave avait quitté son jeune maître tôt le matin, alors que la lune commençait à laisser place au soleil et que le château s'endormait silencieusement. Il avait eu toutes les peines du monde à calmer ce jeune vampire qui portait un poids bien trop lourd sur ses maigres épaules d'adolescent. Mais Fallacy ne voyait pas la lassitude du plus jeune, il pensait que c'était simplement une phase, peut-être la fatigue de son fils. Mais le seul qui comprenait la situation et à qui son jeune maître ne voulait pas se confier, c'était Encre. 

   Le peintre était doué d'une sensibilité et d'une perspicacité qui étonnait le jeune majordome admiratif, et qui l'engageait à lui faire confiance. Mais comment faire pour que Jasper parle à Encre ? Cela restait un mystère aux yeux de Suave qui alla ce jour-là se coucher pour être en forme le lendemain. 

   Il avait lu la lettre qui se trouvait sur le bureau de son jeune lord, il l'avait lu et avait senti son âme cesser de battre d'un coup, comme si ses illusions l'avaient rattrapé. Mais il n'avait pas son mot à dire, car il était un serviteur et il devait faire passer le bien de son maître avant le sien. 

   C'était-là le devoir du majordome du prince des vampires. 

******

   Au crépuscule, Jasper était déjà réveillé et habillé, un peu nerveux. Avec un soupir, il prit l'enveloppe cachetée de cire et ouvrit la fenêtre en restant dans l'ombre des rideaux avant de se concentrer et de créer une petite chauve-souris magique teintée de violet et de rose. La petite créature artificielle émit un petit couinement et attrapa la lettre avant de s'envoler vers la nuit. 

-Réponds vite, Katell, murmura le prince des vampires en soupirant et en inspirant un grand coup avant de descendre pour le petit-déjeuner. 

   Mais Fallacy n'était pas présent dans la salle à manger, il n'y avait que le peintre qui buvait lentement un bol de lait accompagné de toasts au beurre. Un peu gêné, Jasper s'apprêta à repartir mais déjà Encre lui faisait signe de venir. 

-Jasper, je suis ravi de te voir, sourit le peintre en se levant lui même pour lui tirer une chaise. 

   Par politesse, le jeune vampire s'y installa en gardant le silence et Fibi s'occupa d'apporter un autre bol de lait avec des toasts et des fruits. Encre ne se départit pas de son sourire mais il sembla plus triste, moins assuré, et le peintre essaya quand même d'engager la conversation. 

-Jasper, je sais que tu ne m'apprécies pas beaucoup, commença Encre ne jouant nerveusement avec ses mains. Mais je n'arrive pas à comprendre pourquoi tu restes si distant... et j'espérais vraiment qu'on puisse s'entendre... 

   Le jeune vampire baissa la tête et agrippa la table en tremblant un peu. La journée démarrait donc comme ça ? Au fond de son âme, la sensation était toujours là, tapie comme un chat qui attendait la faiblesse d'un oiseau pour le croquer. Il se rembrunit un peu plus et ne toucha pas à son plat, contenant mal son agacement. 

   Encre le vit et soupira en tournant la tête, se sentant à la fois inutile et bête dans pareille situation. 

-Je ne veux pas te forcer à parler, tenta-t-il néanmoins en baissant la tête. Ni à m'accepter comme un membre de ta famille... J'aimerai juste qu'on puisse au moins faire connaissance, j'aimerai apprendre à te connaître... A-alors... je me disais que... si tu n'es pas trop occupé, nous pourrions aller en forêt, pour une ballade... 

   Un peu inquiet quant à l'hardiesse de sa proposition, il guetta la réaction du jeune garçon qui se contenta de fixer son bol de lait en se demandant bien quoi répondre. La sensation était toujours là, cachée mais perceptible. Que répondre ? Que faire ? 

The Damned WaltzOù les histoires vivent. Découvrez maintenant