21. Il était temps, mes sœurs

171 8 1
                                    

Maukdale, Illinois


« C'est quand qu'on arrive ? C'est quand qu'on arrive ? C'est quand qu'on arrive ? C'est quand qu'on -
— Tu vas la fermer, à la fin !
— Oh là là, détend-toi, Dustinet.
— T'es vraiment immature.
— Je suis une enfant de dix ans qui a Lucas pour grand frère, tu t'attendais à quoi ?

Dustin se tut, ce n'était pas faux, après tout. Le pauvre garçon verrait ses beaux cheveux bouclés devenir raides comme des piqués à force de tirer dessus. Heureusement pour lui, et la santé mental de Steve et Robin, ils arriveraient très prochainement à destination.

« Je trouve ça drôle. Il y a toujours un enfant pour faire ça lors d'un long voyage en voiture. C'était ça, ou une personne voulant faire pipi tous les dix kilomètres, fit Alison.
— Tu vois ? C'est normal et marrant. Ça occupe.
— Ça t'occupe, toi.
—À vrai dire, ça m'a pas mal aidé à me concentrer sur autre chose que sur vos émotions tourmentées.
— Tu vois, il y en a qui sont utiles, ici. On ne peut pas en dire autant de tout le monde, hein, Dustinet ?
-— Je t'ai dit d'arrêter de m'appeler comme ça !
— Dustinet, Dustinet, Dustinet !
— La ferme, putain !
— Oh non, j'ai envie de faire pipi, maintenant, se plaignit Robin.
— Moi aussi. J'aurais mieux fait de me taire.
— Tuez-moi » souffla Steve.

Cela faisait sept heures que la troupe avait pris la route. Avec la neige, Nancy et Steve s'étaient vite résignés à conduire lentement. Beaucoup trop lentement pour les nerfs de chacun. L'impatience était à son comble dans les habitacles des deux voitures. Maudite soit ce manteau blanc, sans lui, ils seraient déjà arrivés.
Quel bonheur qu'il n'eut aucune pause de faite. Force de stresser et d'appréhender, le tout surplombé par l'excitation des événements à venir, tous en avaient oubliés leur besoin physiologique.

« Mike, par pitié, arrête de secouer ta jambe ! J'ai l'impression d'avoir un chien épileptique collé à la mienne !, craqua Max.
— Désolé.
— On y est presque, encore un peu de patience.
— Pourquoi venir habiter dans une ville aussi paumée ? Je pensais qu'il n'y avait pas pire qu'Hawkins à proximité. Et pourquoi emmener Jane ?
— Joyce, la mère de Will, voulait échapper à ce qui s'est passé. Rester à Hawkins lui rappeler trop de mauvais souvenirs. Pour El, elle a été officiellement adoptée par Hopper l'année dernière. Puisqu'il n'est plus là, c'est Joyce qui l'a pris sous son aile, expliqua Nancy.
— Cette femme et le flic, ils étaient quoi, un couple ?
— Si on veut. Ils avaient une relation assez complexe. Ils niaient leurs sentiments, je crois. Mais ils s'aimaient beaucoup. Eleven adorait Hopper, il était comme un vrai père pour elle. Le manque était trop présent pour chacune d'elle, elles ont eu besoin de s'évader, autant que ce soit ensemble.
— Je peux comprendre. Mais au final, elle n'y échappera jamais. Jane non plus. Ce genre de traumatisme nous colle à la peau le restant de nos jours. Avec le temps, elles auraient déjà dû le comprendre. »

Aussi sèche et froide cette façon de penser était, Kali avait raison. La preuve était qu'ils seraient à jamais hantés par leur passé commun et que, quoiqu'ils y fassent, les fantômes du passé se ramèneraient un beau jour, amenant avec eux leur lot de surprises.

« Dis, Kali ?
— Quoi ?
— Tu crois qu'Alison voudrait bien utiliser ses pouvoirs pour obliger ma sœur à dégager ? Voire même, tout oublier ?
— Lucas, t'es pas sérieux, rassure-moi ?, scanda Max.
— Bah, quoi ? »

Max regarda ce qui lui servait de petit-ami avec une expression abasourdie. Le temps de la route, elle avait elle-même pensé à demander à Alison de littéralement changer la personnalité du mari de sa mère, mais elle s'était rapidement ressaisie. Ce n'était pas naturel, ce n'était pas la solution. Pas sur le long terme.

Kali les regarda et émit un petit rire à la vue de Lucas intimidé par Max, et à cette dernière prête à lui donner un coup sur le crâne dans le but de lui faire reprendre ses esprits.

« Désolée, elle ne voudra pas. Elle n'aime pas le faire. Elle trouve que ce n'est pas sain de contrôler les gens et de fausser leur personnalité ou leurs sentiments. Ce n'est pas comme ça que fonctionne la vie. Chacun a le droit d'avoir son propre libre arbitre. Elle n'a pas le droit de changer radicalement la façon d'être des gens et leur perception de la vie. Et elle pense que l'effet s'estomperait un jour, que les souvenirs ressurgiraient, et que la personne redeviendrait comme elle était.
— Elle a raison. Elle a l'air d'être quelqu'un de bien et de sensé, approuva Nancy.
— Pas comme tout le monde.
— Ça va, ce n'était qu'une question. Je l'aurais pas fait, je te jure !, se défenfit Lucas.
— Nous y sommes ! »

Nancy se gara à la suite de la voiture de la team boulets, qui était déjà garée derrière une voiture qu'Alison avait reconnue immédiatement ; personne ne pouvait avoir si mauvais goût en automobile. Elle déglutit et sortit tout doucement. Comment avait-il fait ? Il a des pouvoirs magiques, ou quoi ?, se fit-elle la réflexion.

« Ça fait du bien de se dégourdir les jambes.
— Il fait super froid !
— C'est l'hiver, imbécile.
— Techniquement, nous sommes toujours en automne, gros naze !
— Bon, on sonne, ou on visite la ville ?
— On aurait dû les prévenir avant, non ?
— L'effet de surprise est bien mieux.
— Ils sont là, en tout cas, il y a de la lumière.
— Ce n'est pas que je n'aime pas me geler les miches, mais j'aimerais aller aux toilettes.

Kali, qui ne prêtait que vaguement attention a la bande de dégénérés qu'elle devait se coltiner, remarqua qu'Alison n'avait pas bougé d'une traite depuis sa sortit de la voiture.

« Ça ne va pas, Ali ? Ne me dis pas que tu veux faire demi-tour. »

Les conversations furent suspendues dans l'air par la porte des Byers s'ouvrant à la hâte. Joyce fut la première à sortir, contente de voir ces gamins, mais avec l'envie irrépressible de leur botter le derrière. Jonathan se jeta dans les bras de Nancy, Lucas et Dustin en firent de même pour Will. Murray et Owens restaient en retrait, ne voulant pas énerver de plus belle un petit bout de femme surprotectrice.

Mike et Max cherchèrent vivement Eleven du regard. Elle sortit de derrière un homme qu'ils ne connaissaient pas. Ils fixaient tous les deux Kali et Alison. Le quadragénaire était soulagé de les savoir en sécurité, mais Alison savait que ça allait barder. Eleven s'avança vers elles, lentement, comme si elle apprivoisait encore l'idée, qu'enfin, elle n'était définitivement plus seule.

« Sœurs. »

STRANGER THINGS 4 : Le Monde Renversé (abandonnée) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant