I'll go with you

Car radio

Cela faisait maintenant plus de 6 mois que Josh venait tous les weekends à House of gold. Les journées passaient comme des secondes, et chaque dimanche soir était une torture pour Tyler. Josh avait pris tellement de place, une place merveilleuse et positive dans sa vie, que Tyler en était transcendé. Il dessinait encore plus qu'avant, il se surprenait parfois à chanter d'une voix plus claire et forte, mais surtout il avait réussi, sur les encouragements de son ami, à reléguer sa relation bancale avec sa mère à sa juste place. Chaque jour était une victoire de plus, chaque minute un pas de plus vers le respect de soi. Josh l'écoutait quand il en avait besoin, se taisait pour le laisser se vider, et parlait quand Tyler redevenait sombre. "Chante-moi un truc, Ty. Le dernier texte que tu as écrit, il dit quoi, déjà?" lui disait-il souvent, en fin de journée. A chaque fois, Tyler se gênait, puis lui récitait son dernier "poème" en date.
"Un jour, je suis sûr qu'une mélodie te viendra, Ty. C'est trop inspirant pour que ça ne reste que des mots."

Tyler ne se considérait pas comme un compositeur. Pourtant, ce qu'il n'avait jamais avoué à personne, c'est qu'il lui arrivait de chanter ses propres textes. Papy le savait, lui. Mais son décès avait entraîné le secret dans la tombe.

Un soir de printemps, c'était un vendredi, Josh frappa à la porte du chalet, comme il le faisait souvent. Tyler lui ouvrit, la mine morose.

"Wah, ben ça fait plaisir, mec! Merci pour l'accueil", s'écria Josh, déçu.

"Ecoute, quelqu'un a volé mon auto radio. C'est le seul truc qui égayait mes trajets en ville, tu vois."

"C'est surtout que maintenant, tu t'entends penser trop fort quand t'es seul au volant, Joseph. Allez, on prend ta caisse, on va boire un verre en ville", décida Josh. Tyler savait qu'il ne fallait pas insister, Josh avait toujours le don de tourner un instant morose en fête absolue. Allez, un verre, pourquoi pas.

Les deux amis montèrent dans la Golf de Tyler. Les portières claquèrent, et Tyler mit le contact. Ils roulèrent en silence pendant quelques miles. Puis Josh brisa le silence.

"Eh, Ty, chante-moi un truc. Ce que tu veux", dit-il en riant.

Agacé, Tyler se renfrogna encore plus. Puis lui revint à l'esprit ce qu'il avait ressenti lorsque l'enveloppe de chez General electrics était tombée à ses pieds. Josh était devenu son ami, son meilleur ami. Alors il entonna doucement une mélodie, qui lui vint instantanément. Le texte, lui, avait été écrit il y a plusieurs années.

Wish we could turn back time
To the good old days
When our momma sang us to sleep
But now we're stressed out

Il fit tourner quelques fois ce refrain, et surprit Josh qui battait la mesure de ses doigts sur le tableau de bord devant lui, côté passager. Le rythme collait parfaitement à ses mots, d'une manière à laquelle il n'aurait même pas songé s'il avait voulu donner un rythme à son Stressed out. Alors il continua, porté par les battements de Josh. Il déversa un rap dont le flow étonna Josh, qui écarquillait les yeux comme une carpe en le regardant, sans cesser de battre la mesure. Tyler s'étonnait lui-même. Ce rap lui vint comme ça, tout comme la mélodie du refrain lui était venu. Sometimes a certain smell will take me back to when I was young... les mots s'enchaînaient, virevoletaient, s'enfonçaient en Josh comme des milliers de papillons aux ailes tranchantes. Le sens des phrases, les rimes, tout collait. C'était un truc de génie. Et ça lui rappelait sa propre enfance, le quartier, les balades à vélo, et l'envie de ne pas rentrer le soir.
Tyler stoppa la voiture en même temps qu'il asséna un ultime Wake up, you need to make money, yo. Ils étaient arrivés au Fairly Local, le bar préféré de Josh à Milestree. Josh était abasourdi, Tyler ne comprenait rien de ce qui venait de se passer. Ils venaient de composer ensemble un morceau, mélodie et rythme compris, qui allait devenir l'hymne d'une génération entière. Mais ça, ils ne le savaient pas encore.